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19 mars 2024

François Hollande et l’armée française continuent de défiler en Afrique


Jeudi 24 juillet 2014

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François Hollande et l’armée française

continuent de défiler en Afrique

16 juillet par Survie

Alors que certaines armées africaines étaient à l’honneur le 14 juillet sur les Champs Elysées en hommage à l’implication des troupes coloniales dans la Grande Guerre, François Hollande s’envole 48 heures après pour une tournée françafricaine.

Ce voyage, initialement axé sur les intérêts économiques en Côte d’Ivoire, consacre finalement l’ingérence militaire française au Sahel, incarnée par la nouvelle opération « Barkhane ».

 

Selon l’Élysée, le 14 juillet est « une vitrine pour montrer la puissance militaire française ». Cette puissance est surtout au cœur du déplacement du président en Afrique de l’Ouest : derrière la vitrine, l’Exécutif va œuvrer dès le 16 juillet à son fonds de commerce, en allant de symbole en symbole.

 

Au départ de cette tournée présidentielle en Afrique, il y a le voyage officiel prévu de longue date en Côte d’Ivoire, et son traditionnel panel de patrons venus dans le sillage de François Hollande.

Ceux-ci vont négocier la sécurisation ou le renforcement des positions économiques françaises, y compris grâce aux opportunités offertes par les dispositifs d’aide publique française tels que le gigantesque « contrat de désendettement et développement » signé avec ce pays.

Mais c’est aussi l’occasion pour François Hollande, sur les pas de son prédécesseur Nicolas Sarkozy, d’officialiser la pérennisation d’une base militaire permanente, « les forces françaises de Côte d’Ivoire » se substituant à l’opération Licorne dont le bilan est pourtant catastrophique.

Déployée en 2002 au motif d’éviter un affrontement sanglant entre forces loyalistes et rebelles, elle a en effet permis à ces derniers de s’imposer par la force avec Alassane Ouattara, au terme d’une parodie d’élection présidentielle. Conséquence logique, on assiste aujourd’hui, derrière le discours trompeur d’une réconciliation, à une justice des vainqueurs qui assure l’impunité et même la promotion sociale des criminels pro-Ouattara et à la répression continue des partisans de Laurent Gbagbo (censure, détention arbitraire, tortures) |1|

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Mais, comme l’illustre la suite de la tournée de François Hollande, les droits humains comptent toujours aussi peu face à la realpolitik françafricaine.

L’étape suivante est prévue au Niger, où le président Issoufou, en proie à une dérive autoritaire pour contenir la poussée de son opposition, vient de céder à une partie des prétentions du géant nucléaire français Areva, au terme d’un bras de fer pour la renégociation des conditions fiscales d’exploitation de l’uranium.

Mais ce pays est aussi, selon le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, un « maillon clé » du dispositif militaire au Sahel, où l’armée française a vocation à s’implanter « dans la durée » |2|. Dans la plus grande opacité, des forces spéciales s’y sont installées au titre de l’opération secrète « Sabre ». Elles ont été suivies, lors du déclenchement de l’opération Serval au Mali, par des forces conventionnelles mettant en œuvre des moyens de renseignement aérien (notamment des drones).

Mais comme elles n’ont jamais été déclarées comme relevant d’une opération extérieure, aucun vote n’a eu lieu au Parlement à leur sujet. On apprend pourtant à la faveur d’une mission d’information qu’il existerait un accord militaire donnant « à la France le droit de mener seule des opérations sur le territoire nigérien, y compris en y pratiquant des frappes » |3|.

Mais la principale étape de la tournée présidentielle, aux yeux des militaires français, est le Tchad, où devrait prochainement être installé le commandement opérationnel de la nouvelle opération extérieure française, « Barkhane » : un nom de dunes mobiles symbolique de la liberté de circulation et d’intervention que l’armée française entend s’arroger au Sahel, sans même chercher, désormais, la caution mystificatrice d’une résolution onusienne.

En permettant à son pays de devenir l’épicentre d’un interventionnisme français décomplexé dans la région, François Hollande offre un nouveau soutien à la dictature d’Idriss Déby, marquée depuis 1990 par la répression, les arrestations arbitraires et les disparitions |4|.

Une illustration, parmi tant d’autres, des aberrations de la « guerre » que la France entend mener contre un terrorisme dont sa politique africaine est depuis toujours un terreau fertile.

Le lancement de cette nouvelle « opex », qui se substitue aux opérations « temporaires » Serval, Sabre et Epervier, en prétendant qu’elles sont arrivées à leur terme, vient clore une année marquée par un fort interventionnisme de la France en Afrique et un important lobbying des militaires qui, s’appuyant particulièrement sur leur démonstration de force au Mali, cherchent à préserver leur budget. Surtout, la Loi de programmation militaire adoptée en décembre dernier a introduit des dispositions qui interdisent désormais à des parties civiles de porter devant la justice des crimes commis par des militaires français en opération extérieure |5|.

En complément des « nouveaux » accords de Défense avec les pays africains, cette loi posait les bases d’un redéploiement militaire français sur le continent par un usage accru des forces spéciales, prépositionnées dans différents pays et capables d’être « projetées » rapidement suivant le bon vouloir de l’exécutif français |6|.

L’accord de Défense qui doit être signé à Bamako ce 16 juillet est lui aussi emblématique de ce redéploiement et ne manque pas de susciter de virulentes réactions au Mali : cet accord institutionnalisera la présence de l’armée française dans ce pays dont elle avait été chassée par Modibo Keita en 1961, et entérinera probablement les dispositions scandaleuses qui encadraient l’opération Serval, notamment en termes d’immunité pour les militaires français |7|.

Derrière des prétextes toujours généreux (intervention humanitaire, interposition dans une guerre civile, lutte contre le terrorisme, etc.), et malgré un bilan catastrophique sur le plan politique, l’armée française continue donc d’intervenir en Afrique et cherche à sanctuariser son « pré carré ».

Elle n’hésite pas pour cela à promouvoir, à l’instar des rapporteurs de la mission d’information parlementaire sur l’évolution du dispositif militaire français en Afrique, « un continuum très clair entre toutes les formes d’influence », assumant qu’« il n’y a pas de raison que la France, par une pudeur que ses rivaux n’ont pas, s’interdise de les exploiter dans une optique de partenariat » |8|.

L’association Survie, qui milite depuis 30 ans pour d’autres relations entre la France et l’Afrique, dénonce cet interventionnisme décomplexé et exige à nouveau le retrait des troupes françaises d’Afrique, vecteur privilégié du néocolonialisme.

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