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26 avril 2024

En Tunisie, la justice pour les tortures policières se fait attendre


 ASSAWEA

jeudi 23 octobre 2014

En Tunisie, la justice pour les tortures policières se fait attendre

Tutes les semaines, Faouzia Zorgui se rend sur la tombe de son fils mort en garde à vue, selon elle sous les coups de la police. Une année est passée mais, comme souvent en Tunisie, sa plainte est restée au point mort.
« Il n’y a rien, toujours rien », explique à l’AFP Mme Zorgui après avoir nettoyé la pierre blanche sous laquelle repose Walid Denguir au cimetière du Jallez, à Tunis. « La plainte dort toujours à l’instruction, je ne comprends pas pourquoi ».
Walid, 34 ans, avait déjà eu des démêlés avec la justice, notamment pour des affaires liées au cannabis. Le 1er novembre 2013, il est de nouveau arrêté.
« On m’a dit qu’ils l’avaient emmené vers 16H. Avant 17H, j’ai reçu l’information selon laquelle mon fils avait été arrêté, et après quelqu’un a appelé pour me dire qu’il était mort. En 45 minutes, ils l’ont mis en morceaux », martèle sa mère.
« Mon fils est mort sous la torture », soutient-elle, décrivant « les traces de coups et le sang qui lui sortait du nez, d’une oreille et de la bouche ». Le rapport d’autopsie, dont l’AFP a pu prendre connaissance, fait état de coups portés avec un « objet contondant » mais n’établit pas de cause du décès.
Pour sa mère, Walid a été soumis au supplice du « poulet rôti », le corps ficelé et suspendu, un procédé répandu sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali, renversé en janvier 2011 par une révolution qui s’est notamment faite au nom des droits de l’Homme et de la « dignité ».
Mais ces méthodes, monnaie courante avant la fuite du dictateur tunisien, sont loin d’avoir été éradiquées, notamment car aucune réforme de la police ou de la justice n’a été entreprise. Le sujet est aussi quasi-absent du débat public malgré l’approche des législatives du 26 octobre.
En juin, tout en notant « des développements très encourageants » dans le domaine des droits de l’Homme, le rapporteur des Nations unies sur la torture, Juan E. Méndez, avait jugé « décevants » les efforts de la Tunisie en la matière.
« Beaucoup de plaintes ont été déposées parce que les gens n’ont plus peur de porter plainte, mais malheureusement il y a très peu de suivi de la part des procureurs et des juges », avait-il déploré.
D’après le ministère de la Justice, près de 250 affaires de torture sont aujourd’hui devant la justice.
Selon Amna Guellali, la représentante de l’ONG Human Rights Watch à Tunis, « en façade, on peut dire qu’il y a des avancées institutionnelles et législatives », comme l’interdiction d’utiliser les aveux obtenus sous la torture et la garantie de l’intégrité physique, inscrite dans la nouvelle Constitution.
« Mais le problème essentiel est le suivi de ces dossiers. On a un nouveau système qui est en train d’être mis en place mais tout en étant basé sur les fondements d’un ancien système, c’est-à-dire que la justice n’a pas encore fait tout à fait sa révolution », ajoute-t-elle.
Parmi les causes de ces « dysfonctionnements » selon Mme Guellali, figurent le fait que « la police judiciaire obéit au ministère de l’Intérieur, ce qui est une aberration ». Par ailleurs, aucune instance spécialisée ne traite des dossiers de torture.
Le ministre de la Justice, Hafedh Ben Salah, reconnaît la « lenteur » du traitement des plaintes ainsi que la nécessité de réformes et de formation des agents de police et des prisons « pour qu’ils fassent leur travail sans recourir à des méthodes illégales ».
« Nous sommes en train d’essayer de mettre en place un certain nombre de garanties pour juguler ce phénomène. Les comportements ne changent pas rapidement, malheureusement, et certaines pratiques, on a du mal à les combattre pour les faire disparaître », admet-il à l’AFP.
Le ministère a préparé un projet de loi préconisant notamment « la présence de l’avocat (…) dès les premières heures de l’arrestation » selon le ministre, ce qui permettrait de « réduire les cas et les espaces où en général on exerce les mauvais traitements ». M. Ben Salah est aussi favorable à l’indépendance des médecins du système carcéral.
En attendant, Faouzia Zorgui réclame justice. « Je veux que ceux qui ont tué mon fils rendent des comptes, pour que mon fils repose en paix », dit-elle. « Pourquoi les couvrir? Pourquoi l’ont-ils tué? Je veux qu’ils payent ».

(24-10-2014 – Avec les agences de presse)

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