Elle est le symbole de la résistance contre ce qui serait l’une des plus grandes mines à ciel ouvert d’Amérique latine. Depuis 2011, Máxima Acuña de Chaupe lutte sur le sommet des Andes du Nord du Pérou, dans la région de Cajamarca, pour empêcher l’installation de l’entreprise Yanacocha (sur ce projet, financé entre autres par BNP Paribas, lire notre enquête). Cette dernière, possédée en majorité par la société américaine Newmont Mining, a tenté à maintes reprises d’expulser Máxima Acuña de sa propriété, située à proximité des réserves en or tant convoitées. Mais la paysanne et sa famille subissent une pression de plus en plus forte de l’entreprise et des policiers péruviens mis à sa disposition.
« On m’a volé mes moutons, les policiers m’ont frappée, ainsi que des membres de ma famille. On nous menace de mort par téléphone », raconte Máxima Acuña au siège de France Libertés – Fondation Danielle Mitterrand, à Paris. Avec son grand chapeau blanc typique de Cajamarca et aux côtés de sa fille, Máxima Acuña a entrepris un voyage en Europe pour rencontrer des ONG, des institutions européennes et des politiques. Partout, elle livre son récit, parfois les larmes aux yeux. « Comme de nombreuses femmes qui luttent contre les industries minières, Maxima est victime de stress postraumatique. Cela se traduit par une perte d’appétits, des maux de tête, de la dépression », explique Glevys Rondon, de l’ONG londonienne Latin America Mining Monitoring Programme (LAMP), qui l’accompagne dans cette tournée.
Une vie bouleversée
Lorsque Máxima Acuña et son mari ont acquis leurs terres, en 1994, ils étaient loin de s’imaginer que leur vie allait être ainsi bouleversée. « Nous ne pouvons plus nous déplacer librement, explique-t-elle. Si je quitte ma maison, je ne suis pas certaine de pouvoir y revenir. Je ne peux plus travailler comme avant, cultiver mes terres et vendre mes pièces de textiles sur les marchés. Nous n’avons plus d’argent pour payer le loyer de ma fille qui étudie à Cajamarca (la capitale provinciale). » La faute au projet Conga, qui entend exploiter 3000 hectares de terres pour y extraire d’extraordinaires réserves en or et en cuivre, à coup de dynamites et de cyanure. Mais afin de débuter l’exploitation, Newmont Mining doit d’abord s’assurer d’un périmètre de sécurité, tout autour du site. Pas de chance pour Máxima Acuña et sa famille : ils vivent à l’intérieur de ce périmètre.
« On nous a demandés de partir, raconte Maxima. Nous avons refusé. Nous avons été agressés par la police. Mais notre plainte devant un tribunal a été classée. » La justice a finalement condamné la famille à quatre ans de prisons et une grosse amende, avant que cette sentence ne soit annulée par un autre tribunal. « La justice péruvienne ne protège pas les peuples, mais les multinationales », estime Máxima Acuña qui ajoute : « Quand nous sommes convoqués devant un tribunal, on nous l’apprend seulement la veille, pour que nous ne puissions pas nous défendre convenablement. » Certains villageois aux alentours, organisés en comités d’auto-défense, viennent soutenir la famille. Mais beaucoup n’osent pas se montrer solidaires. « L’entreprise a donné du travail à certains, de l’argent », raconte Maxima. « Ils ont peur à cause de la pression policière », ajoute Glevys Rondon.
Grâce au combat de Máxima Acuña et à la mobilisation de milliers de Cajamarquinos depuis 2012, le projet Conga est pour l’instant ralenti. Mais jusqu’à quand ? L’investissement de l’entreprise (5 milliards de dollars) est à la hauteur des bénéfices espérés. « Avec cette lutte, nous nous sentons parfois épuisées, malades, très faibles, conclut Isidora, la fille de Máxima Acuña. Mais où allons-nous vivre si nous sommes expulsés ? Où allons-nous travailler ? Nous ne pouvons pas abandonner. »
Simon Gouin
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