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26 avril 2024

Les islamistes d’Ennahdha perdent le leadership tunisien


 ASAWRA

mardi 28 octobre 2014

Les islamistes d’Ennahdha perdent le leadership tunisien

Les résultats officiels des élections législatives tunisiennes de dimanche n’étaient pas encore connus lundi, mais ce second scrutin libre dans l’histoire du pays devrait, selon toute vraisemblance, consacrer la défaite du parti islamiste Ennahdha.

Ce dernier avait en effet reconnu que, selon ses propres projections, il serait devancé par son grand rival, Nidaa Tounes. «Ils sont en avance de plus ou moins une douzaine de sièges. Nous aurions environ 70 sièges et eux environ 80», avait déclaré à l’AFP le porte-parole du parti islamiste. Cela représentait une perte d’une vingtaine de sièges par rapport à 2011. Certains médias tunisiens portent le retard d’Ennahdha sur Nidaa à une vingtaine de sièges. Les résultats officiels devraient être annoncés avant la fin de la semaine.

Nidaa Tounes avait basé sa campagne électorale sur le bilan socio-économique controversé d’Ennahdha et son laxisme allégué vis-à-vis de la mouvance djihadiste. Le parti, qui sortirait vainqueur, a annoncé sa victoire sur sa page Facebook sans entrer dans les détails chiffrés. Nidaa Tounes se présente sous la forme d’un assemblage hétéroclite de personnalités de bords très divers. Ses adversaires pointent néanmoins le nombre important de caciques de feu le régime despotique de Ben Ali.
En dépit des diverses irrégularités constatées par les observateurs (et notamment lors du vote des Tunisiens à l’étranger), l’élection devrait être validée par les instances compétentes. Les observateurs notent par ailleurs d’ores et déjà avec satisfaction que les résultats non officiels montrent qu’une alternance au goût de démocratie bien marqué pourrait sanctionner ce scrutin.
Comme prévu en raison du système électoral en vigueur -la proportionnelle sans seuil minimal-, aucun parti politique ne disposera de la majorité absolue des 217 sièges dans la future assemblée. Derrière les deux grands partis rivaux, on retrouverait une formation nouvelle considérée comme populiste, l’Union patriotique libre (UPL, d’un jeune homme d’affaires, Slim Riahi) avec plus de 15 sièges, le Front populaire (gauche radicale), avec une douzaine de députés et une dizaine pour Afek Tounes (libéral).
Une kyrielle d’autres partis se partage les restes, et quelques rares sièges de député. Ainsi en est-il de deux partis de centre-gauche créés par des vieux opposants à la dictature de Ben Ali. Ceux-ci -le CPR du président Marzouki et Ettakatol du président de la Constituante Ben Jafaar- qui avaient fait une coalition avec Ennahdha surnommée «la Troïka» entre décembre 2011 et janvier 2014, disparaîtraient quasiment de la carte politique, payant l’échec d’un gouvernement qui n’avait pas su juguler la crise économique ni rassurer la population au plan sécuritaire dans un contexte tendu marqué par plusieurs flambées de violences djihadistes.
L’absence de majorité absolue obligera la classe politique à accoucher d’une coalition gouvernementale rassemblant plusieurs partis, un exercice qui risque de prendre du temps, et qui attendra d’abord le résultat de l’élection présidentielle dont le premier tour sera organisé dans moins d’un mois, le 23 novembre.
Il n’empêche que Nidaa Tounes, selon toute vraisemblance, aura la main. Selon la constitution, c’est au parti arrivé en tête que le futur président tunisien devra confier la mission d’élaborer un exécutif.
«Si la tendance des sondages sortis des urnes se confirme, ceci montrerait une bipolarisation extrême du paysage politique tunisien, nous dit notre confrère Taïeb Moalla, observateur attentif depuis son pays d’adoption, le Canada. Le pays sera très difficile à gouverner, car il sera difficile d’obtenir une majorité. Mathématiquement, la seule option viable semble être celle d’un vaste regroupement qui réunirait Nidaa et Ennahdha. Au risque de mécontenter des centaines de milliers d’électeurs qui ont voté Nidaa.»
Pour notre interlocuteur, «ce fut une campagne de peur menée par Nidaa. Et la peur, comme argument électoral, fonctionne très bien. Ce serait donc paradoxal qu’ils s’allient en fin de compte avec Ennahdha pour former un gouvernement. Mais ils sont assez pragmatiques pour le faire». Et Ennahdha avait déjà annoncé qu’il privilégierait une coalition la plus large possible…
On notera enfin que la participation aux élections législatives est marquée par un gros tassement par rapport au premier scrutin libre d’octobre 2011, puisque 3,1 millions d’électeurs ont rempli leur devoir électoral dimanche contre 4,3 millions il y a tout juste trois ans. Il s’agit visiblement du résultat d’une certaine désillusion populaire après la révolution qui avait eu raison de la dictature. Loin de trouver un début de solution, les problèmes sociaux ont eu plutôt tendance à s’alourdir pour d’innombrables Tunisiens.

(28-10-2014 – Baudoin Loos, Le Soir – Belgique)

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