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26 décembre 2024

Burkina Faso : « Pourquoi chasser Compaoré si c’est pour le remplacer par son sbire ? »


Burkina Faso : « Pourquoi chasser Compaoré si c’est pour le remplacer par son sbire ? »

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Permanent Representative of Burkina Faso and President of the Security Council for the month of DecemberAprès deux semaines de pouvoir militaire, le candidat proposé par l’armée Michel Kafando a été désigné pour succéder au lieutenant-colonel Isaac Zida.

« Il y a comme un goût d’inachevé. » Jérôme Oubda, étudiant de l’université de Ouagadougou, ne sait sur quel pied danser : sa joie de voir le Burkina Faso doté d’un président intérimaire, ou sa colère de savoir Michel Kafando nommé. « Pourquoi chasser le président Compaoré si c’est pour le remplacer par son sbire ? » s’interroge le jeune trentenaire, vêtu d’un survêtement bleu. « Désigner M. Kafando, c’est perpétuer le règne du parti majoritaire et de Blaise Compaoré », accuse-t-il.

Il y a un peu plus de deux semaines, le Burkina Faso vivait ce que certains appellent sa « révolution noire » : des centaines de milliers de jeunes, las de 27 années de règne de l’ex-chef de l’État Blaise Compaoré qui souhaitait encore modifier la Constitution pour se maintenir au pouvoir, manifestaient à Ouagadougou. Ils incendiaient le Parlement et obtenaient finalement la fuite du président le 31 octobre.

La révolution du peuple a été volée

Après deux semaines de pouvoir militaire, la désignation lundi matin de Michel Kafando, candidat proposé par l’armée mais personnalité peu connue, pour succéder au lieutenant-colonel Isaac Zida, l’actuel homme fort du pays, frustre cette jeunesse. Figure de la diplomatie burkinabée, cet ancien ambassadeur de la Haute-Volta (l’ancien nom du pays) puis du Burkina Faso auprès des Nations unies, respectivement en 1981-1982 et 1998-2011, a été choisi par un collège de civils et de militaires après une nuit de discussions à Ouagadougou.

« Je suis dubitatif, non sur les capacités de l’homme à mener la transition, mais à répondre aux aspirations du peuple », estime M. Oubda, étudiant en communication. « Ce choix est le signe que la révolution du peuple a été volée par le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) », dont M. Zida est le numéro deux, affirme Philippe Édouard Kaboré, 26 ans, en troisième année de droit.

Michel Kafando « candidat de l’armée, donc du RSP », et de la « communauté internationale », « préservera les dossiers » de l’ex-majorité et de « Blaise Compaoré, qui l’a fait ambassadeur pendant plus de 10 ans », commente-t-il sur un ton grave, entouré par ses camarades aux poings levés.

« Que connaît-il de la révolution burkinabée ? »

Qu’importe que l’ancien diplomate soit reconnu pour son intégrité, cet ex-ministre des Affaires étrangères âgé de 72 ans ne correspond pas vraiment au portrait type du président intérimaire dont rêvaient les jeunes Burkinabés. « Que connaît-il de la révolution burkinabée, lui qui a quitté le pays sous cette même révolution ? » interroge Frédéric Sodré, enseignant vacataire de 25 ans, qui fait ici référence à la révolution menée par Thomas Sankara, président du Burkina de 1983 à 1987, jusqu’à son assassinat lors du coup d’État de Blaise Compaoré.

L’ombre de Sankara, homme intègre, idole du panafricanisme et héros des Burkinabés, a plané sur toutes les manifestations anti-Compaoré. Or, Michel Kafando n’entretenait pas de bonnes relations avec le « Che » burkinabé, dont la mémoire a été réhabilitée ces dernières semaines. L’avoir choisi est « une forfaiture », tranche M. Sodré. « Je suis fier de ce que nous, Burkinabés, avons fait ces derniers jours, mais le choix du président me rend moins fier », poursuit-il, repris en écho par tous les étudiants interrogés.

Un fanion national à la main, assis sur sa moto, Harouna Tapsoba, 28 ans, ne masque pas son enthousiasme. « Je ne connais pas M. Kafando, mais il est le témoin de l’après-Blaise Compaoré dont le pays a tourné la page », observe cet étudiant en lettres modernes. « Le cas burkinabé fera école dans la sous-région, se réjouit-il. Personne ne pouvait le prédire, mais nous avons réussi en deux semaines à écrire une nouvelle ère pour l’histoire de notre démocratie. »

AFP | LePoint.fr

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