Sommet de L’UA de Ndjamena 2015: l’Afrique est en Position de Force et doit Utiliser ses Atouts

Posted on jan 13, 2015 @ 7:17

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paul bekimaPaul Daniel Bekima pour le Sphinx Hebdo

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sphinxSommet de L’UA de Ndjamena 2015: l’Afrique est en Position de Force et doit Utiliser ses Atouts

(Plaidoyer pour un Sommet Afrique…Afrique)

Malcom X disait: « …Il est des moments où  les membres d’une même famille éprouvent le besoin de parler entre eux sans être encombrés par la présence d’un étranger. » Le sommet de l’Union Africaine (UA) qui se tiendra à Ndjamena au Tchad en Juin 2015 devrait être l’un de ces moments-là.

En effet, depuis la création de OUA (Organisation de l’Unité Africaine), les africains n’ont pratiquement jamais eu l’opportunité de discuter sans une présence étrangère. Lors de la plupart des sommets, il y a plus de lobbyistes étrangers dans les couloirs du hall que d’africains.  Une précision s’impose à ce niveau, le titre d’étranger ne concerne ni Haïti ni aucune autre communauté de descendants africains, la présence des fils d’Afrique, où qu’ils se trouvent dans le monde est à encourager; ils sont chez eux en Afrique. En clair Haïti non seulement a sa place dans l’UA, mais en plus est à sa place dans celle-ci.

Pour rappel, l’Afrique a tenu toutes sortes de fora avec tous ceux qui le souhaitaient; depuis le sommet France-Afrique à Paris jusqu’au sommet récent sur la paix à Dakar en passant par les sommets Usa-Afrique, Chine-Afrique, UE (Union Européenne)-UA, le monde d’entier a eu l’opportunité de faire des observations et de prescrire de recommandations à la grande malade Afrique en l’humiliant au passage; personne ne devrait donc être frustré que les africains veuillent pour une fois, parler de leurs problèmes entre eux. L’important au départ est d’installer le réflexe de rechercher d’abord des solutions aux problèmes africains dans une discussion franche entre africains. On n’y perdra pas plus que dans des réunions tenues en présence d’étrangers.

Quelles sont d’ailleurs les retombées réelles de ces sommets Afrique- chasseurs de matières premières? La réponse est connue de tous: presque rien! En fait rien du tout, et cela n’est pas surprenant quand on connait la situation économique des pays qui ont fait une montagne de promesses à l’Afrique. S’ils n’ont pas tenu leurs promesses lorsqu’ils en avaient les moyens (souvenez-vous du satellite de télécommunication promis à l’Afrique pendant des décennies, que l’Afrique n’a finalement obtenu que grâce au leadership de Kadhafi), ils ne le feront pas maintenant qu’ils sont tous en faillite.

L’Union Européenne(UE) a une dette publique qui s’élève en moyenne autour de 92% de son Produit Intérieur Brut (PIB), ce qui est largement au dessus des 60% que la plupart des économistes s’accordent à fixer comme la barre à ne pas franchir. Dans cette communauté de 28 pays, 6 ont une dette publique supérieure à 100% de leur PIB  (Grèce, Italie, Portugal, Irlande, Chypre, Belgique), l’Espagne et la France (pour laquelle l’on ne prend même pas en compte sa dette envers l’Afrique Cfa) s’y rapprochent dangereusement avec une dette publique supérieure à 95% du PIB; même des pays comme l’Allemagne, l’Autriche et les Pays-Bas, réputés pour leur rigueur dans la gestion se retrouvent avec une dette supérieure à 70% de leur PIB respectifs. En clair, l’UE est économiquement gravement malade. C’est la raison pour laquelle certaines personnes comme Jacques Attali commencent à théoriser la renaissance de l’Europe. Il va de soit que l’on ne demande pas la renaissance de quelque chose qui va bien. Que les pays africains veuillent signer des Accords de Partenariat Economiques (APE) avec un aussi grand malade est logiquement incompréhensible, politiquement naïf et économiquement suicidaire. Le Professeur sénégalais Malick Ndiaye ne fait preuve que de bon sens lorsqu’il qualifie ces accords d’escroquerie.

Les Etats-Unis et le Japon sont eux aussi noyés dans des dettes publiques qui s’élèvent d’après le World Economic Outlook à plus de 100% de leur PIB respectif, plus précisément autour de 104% pour les Etats-Unis et 245% pour le Japon. Ces deux pays n’ont pas encore suffoqué du fait de la singularité qu’ils ont chacun; pour le Japon, la dette publique est à 90% détenue par les japonais, les Etats-Unis ont quant à eux l’avantage d’avoir leur monnaie (le dollar) qui joue le rôle de devise de référence dans le monde, position qui bien que remise de plus en de plus en question par de nombreux pays, fait partager le poids de leur dette avec le reste du monde. Les américains sont prêts à tout pour ne pas perdre cette position avantageuse, ceci explique la foudre dont s’attirent les « récalcitrants» qui essayent de sortir du parapluie dollar; les renversements de Saddam Hussein et Kadhafi sont là pour nous édifier: le premier pour avoir décidé de ne plus utiliser le dollar dans ses transactions pétrolières, le second pour avoir initié la création du fond monétaire africain indexé sur l’or et non le dollar.

De ce qui précède nous pouvons tirer deux conclusions:

  1. Les solutions que l’Occident propose à l’Afrique sont non seulement foireuses, mais extrêmement dangereuses. Les éminences grises des cercles politiques occidentaux s’accordent au moins sur deux choses par rapport à l’Afrique: la nécessité d’une dépopulation (cf. la National Security Council 200, du 24 Avril 1974), et le sursis économique d’au moins 100 ans qui résulterait de la récupération des ressources naturelles africaines.
  1. Le transfert de technologie tant souhaité par nos dirigeants et toujours promis par les occidentaux ne se fera pas. Que nos dirigeants cessent donc de prier pour quelque chose qui ne viendra pas. La technologie est ce qui reste à l’Occident, et personne à moins d’être atteinte de folie ne peux céder volontairement à qui que ce soit son avantage comparatif. Les occidentaux peuvent être tout ce qu’ils veulent mais une chose est sûr, ils ne sont pas des fous suicidaires.

Face à cette situation, la question est alors de savoir ce que doit faire l’Afrique pour s’en sortir?

Comme préalable, les africains doivent renoncer à regarder le monde sous le prisme d’un jeu coopératif pendant que leurs interlocuteurs, surtout occidentaux l’envisagent sous l’angle d’un jeu à somme-zéro dans lequel pour qu’un camp puisse gagner il faudrait que l’autre ou les autres perdent. L’histoire nous montre que les occidentaux ne se sont jamais écartés de cette vision du monde, et rien ne laisse penser qu’ils s’en écarteront dans un futur proche, surtout maintenant qu’ils sont en difficulté. Il appartient donc aux africains de vivre avec cette réalité, de s’y adapter et surtout de prendre des mesures conservatoires.

Une fois ce préalable acquis, la seconde étape est d’avoir une vue réaliste et compréhensible des atouts de l’Afrique. Pour être plus précis, admettons (provisoirement) comme le dit la science politique occidentale que les relations internationales sont fondées sur le rapport des forces. Sachant que la force ne peut être durablement soutenue que par l’économie; il découle donc par syllogisme la conclusion selon laquelle les relations internationales sont régies essentiellement par l’économie.

Lorsque le mot économie est évoqué aujourd’hui, beaucoup de personnes pensent au réseau des casinos que l’on appelle bourses, dans lesquelles s’échangent une panoplie de produits dérivées d’actifs financiers. Mais l’économie, la vraie s’appuie sur trois piliers:

  • Les matières premières
  • La main d’œuvre
  • La technologie

C’est par rapport à ces 3 éléments que le potentiel de l’Afrique doit être évalué dans l’optique de faire des recommandations aux dirigeants africains.

L’Afrique est dotée de l’immense majorité des ressources naturelles minérales de la planète; les dernières prospections font passer la quote-part de l’Afrique en ces ressources des 60% initialement estimés à environ 90%. Les réserves de pétrole de ce continent seraient supérieures à celle du golfe persique. Si l’on ajoute à ce beau tableau le fait qu’il existe une panoplie de minerais comme le coltane (indispensable aux lap tops et téléphones cellulaires) qu’on ne retrouve qu’en Afrique, l’on commence à bien comprendre les propos rapportés par le Docteur John Henrik Clarke et repris par le Docteur Arthur Lewis en ces termes: « si l’Afrique suspend la livraison des matières premières à l’extérieur du continent, l’industrie européenne s’écroule en 6 mois, celle les Etats-Unis en moins d’1 an. »

Pour ce qui est de la main d’œuvre qualifiée, l’Afrique possède tout ce dont elle a besoin, mais il se trouve qu’il n’y a pas encore de point de ralliement qui permettrait à ses enfants de se mettre au service de sa renaissance. Les chefs d’Etat africains gagneraient à avoir sur leurs murs la répartition géographique des compétences africaines éparpillées dans le monde. La technologie n’est que la résultante de la mise en service d’une main-d’œuvre qualifiée et de puissants moyens financiers; rien de cela ne manque à l’Afrique.

Comment se fait-il donc que le continent potentiellement le plus puissant au monde se fasse dicter la loi de l’extérieur, alors que quelques décisions courageuses prises par celui-ci mettraient le monde à ses genoux ?

C’est la prise de ces décisions et de leur mise en pratique qui devrait être la priorité de toute rencontre entre les Chefs d’Etats africains. Bien que les 25 décisions prises lors du sommet de Malabo l’an dernier soient en elles-mêmes raisonnables, elles illustrent juste l’idée que les africains n’ont pas encore établi une échelle claire des priorités et s’entêtent à mettre la charrue avant les bœufs sous l’œil vigilent de leurs ennemis. Il est temps de dire assez à tout cela d’autant plus que ce manque de courage qui débouche sur la navigation à vue actuelle est directement responsable de la mort de millions d’Africains à travers les guerres, les épidémies et les attaques bactériologiques.

En effet, les africains auraient-ils eu une commission centrale unique en charge de négocier des contrats d’exploitation de ses matières premières que la multiplication des rebellions financées  de l’extérieure pour le pillage de ses biens auraient eu mal à réussir. Quels moyens de résistance ont individuellement les pays africains pour faire face séparément à la toute puissante finance mondiale  si face à la moindre résistance ou tentative d’émancipation, les prédateurs sont capables de créer assez rapidement une rébellion? Comment le Niger ou la RCA pourraient-ils négocier avec succès de façon individuelle face à Areva et la France? Cette absence d’union forte avec pouvoir de décision applicable à tous explique en partie deux attitudes curieuses qui perdurent en Afrique:

  • L’indifférence des autres pays africains au sort des pays qui subissent les rebellions armées, oubliant au passage que c’est souvent le même ennemi qui les détruit les uns après les autres, cela s’appelle un manque de prospective. Par exemple, le Gabon, la Guinée-Equatoriale, le Congo, et même l’Angola devraient se sentir menacés par l’agression de « Boko-Haram » contre le Cameroun et joindre leurs forces à celles de ce dernier afin de s’assurer qu’ils ne seront pas les prochaines victimes même collatérales.
  • La facilité avec laquelle certaines personnes se font manipuler pour détruire leur pays respectifs avec la bénédiction et le regard bienveillant d’autres qui seraient prêts à tout pour protéger les leurs. Un peu comme quelqu’un qui serait d’un côté prêt à tuer quiconque approcherait sa fille avant le mariage, et qui  de l’autre, encouragerait et même paierait d’autres à prostituer les leurs; certains africains sont dans la position de ceux qui acceptent cette situation avec plaisir sans en percevoir la tragédie et le mépris que cela implique.

Pour sa survie, l’Afrique n’a pas d’autres choix que de parler d’une même voie; et pour ce faire, les modèles ne manquent pas.

Afin de s’assurer le contrôle du monde, les occidentaux se sont mis ensemble à plusieurs reprises. La conférence de Berlin de 1885 en est un exemple, et lorsque leurs intérêts furent menacés à la fin de la 2e guerre dite mondiale avec la destruction de l’Europe, et le début de velléités d’émancipation du reste du monde, les vainqueurs dans le groupe initial de Berlin se sont de nouveau rapidement réunis pour syndiquer leur efforts dans le maintien de leur contrôle du monde; c’est ainsi qu’ils ont pondus plusieurs institutions: l’ONU pour le contrôle politique du monde, les Institutions de Bretton Woods (FMI et Banque Mondiale) pour le contrôle financier, l’Otan comme force militaire le tout accompagné par les plans Marshall pour solidifier économiquement les partenaires européens. Ce processus de contrôle s’est renforcé aujourd’hui avec le traité de Rome qui a donné naissance à la CPI comme arme juridique dirigée contre tous ceux (surtout africains) qui remettraient en cause la domination trilatérale.

Il n’est pas question pour les dirigeants africains d’emprunter la même voie, mais plutôt de mettre en place des institutions qui leur permettront d’exercer un maximum de contrôle sur les ressources naturelles du continent, et de les mettre au service des populations de ce continent. Un peu comme le petit  groupe de pays fondateurs de l’OPEP a réussi à arracher son pétrole des griffes de l’oligarchie extrêmement puissante composée des sept sœurs (BP, Gulf Oil, SoCal, Chevron ex-Texaco, Shell, Esso, Exxon Mobile ex-Socony). Cet acte de bravoure a rendu ces pays tellement riches que certain parmi eux ont mis de côté des réserves d’argent pour 3 générations.

Si les dirigeants africains réussissent un tel coup, beaucoup de maux sur le continent vont instantanément disparaitre.  Ces leaders courageux rentreront dans l’histoire comme les vrais pères de la renaissance africaine, et les générations futures n’arrêteront pas de les vénérer. Chers chefs d’Etat et de Gouvernement africains vous avez rendez-vous avec l’histoire, montrez-vous à la hauteur de ce défi.

Paul Daniel Bekima pour le Sphinx Hebdo