DIEUDONNE. L’incroyable détournement du spectacle de l’humoriste par « Le Temps »

Posted on jan 26, 2015 @ 15:45

Allain Jules

Alors là, on a la nausée ! Le mensonge est abyssal. Dans une tentative désastreuse de diabolisation, le journal suisse Le Temps fait dans la démesure, que dis-je, dans la démence. Il veut montrer aux fans de Dieudonné que son spectacle n’en est pas un. Qu’il n’est pas humoriste alors que le vocable humoriste est longuement utilisé. Des contradictions qui en disent long sur le formatage journalistique anti-Dieudonné. Ne tombez pas dans le panneau et aller voir « La Bête Immonde ». Lisez seulement cette diatribe humoristique. 

esclavage

Deux idées obsédantes façonnent le nouveau spectacle de Dieudonné, La Bête immonde, encore sur scène pour sa troisième et dernière représentation lausannoise ce lundi au Théâtre de Beaulieu. Deux idées: l’esclavage et le sexe anal.

Esclavage, pour commencer. Nous sommes dans un talk-show du XVIIe siècle, deux invités se font face: un aïeul du footballeur Anelka, esclave à la Martinique, et son propriétaire, membre de la famille Hayot. Un cours d’histoire se déploie à travers le sketch: la traite négrière serait un génocide occulté et ses auteurs seraient des juifs, à l’image du planteur Hayot. Mais ça, Dieudonné n’a pas le droit de le dire: il joue donc des points de suspension, que le public remplit sans peine dans sa tête, ou alors – trouvaille inattendue, assénée sur un ton triomphal – il remplace le mot interdit par «des Suisses»: ça sonne presque pareil.

Sodomie, ensuite. Nous sommes dans un talk-show en 2050, dans une société dévoyée par le «mariage pour tous» avec son cortège d’«enculeries» et d’unions entre «nénuphar et chien loup». Parmi les invités, une Québécoise qui a épousé un cochon, puis un transsexuel qui s’est fait «greffer des ovaires de poule» et qui jubile: «Je ponds!» Phénomène étrange: au fil des monologues, ces personnages finissent par prendre une certaine vie, le fantôme de l’humoriste vient hanter le verbiage du tribun et, à contrecœur, on est presque tenté de rire. Presque. A contrecœur. Car le postulat est ignoble: il dit, comme certains le clamaient dans les rangs ultra-conservateurs en 2013, que l’aberration du mariage homosexuel ouvre la porte à l’union zoophile – même combat.

Problème annexe: dans ces instants où l’invention narrative se fait plus foisonnante, le public de Dieudonné est moins réactif. La salle s’esclaffe et bondit d’aise, en revanche, après chaque allusion aux mots interdits et après chaque éructation de la phrase-massue adressée aux adversaires: «Allez vous faire enculer!» Cercle vicieux qui enferme l’humoriste dans la simplification et dans la brutalité, loin de l’humour. Et re-fixation sur le sexe anal comme un remède à administrer aux récalcitrants. S’ensuit une alarmante divagation sur les «canettosexuels» – ces gens qui s’auto-sodomisent avec des boissons en boîte.

A l’extérieur de la salle, des militants du parti de gauche SolidaritéS mettent les points sur les «i» dans un tract: si on veut vraiment être «anti-système», comme aiment se proclamer les «dieudonnistes», on s’en prend au capitalisme et au Forum de Davos, pas aux juifs et aux homosexuels… A ces catégories, on ajoutera d’ailleurs les handicapés, dont Dieudonné se moque dans un sketch vidéo appartenant à la série Les Douaniers, diffusé sur écran géant avant le spectacle.

Alors? Dieudonné n’est peut-être pas «l’épicentre de la haine en France» aux yeux du pouvoir politique et médiatique, comme il se plaît à le clamer: en l’affirmant, il se flatte lui-même. Plutôt que l’épicentre de quoi que ce soit, le personnage Dieudonné apparaît en fait comme un pus qui suinterait d’une blessure: celle, jamais soignée, que la colonisation a laissée chez une partie de la population. Ça, c’est un problème que l’actualité continue de montrer bien réel. Son traitement par Dieudonné est un détournement d’indignation.

On sort avec une pensée inquiète pour les Français de toutes les origines qui continuent à réfléchir, à penser: avec le «jesuischarlisme» au pouvoir et Dieudonné à l’opposition, il ne leur reste pas beaucoup d’air pour respirer.

Le Temps (Suisse)

>>>Notre compte rendu analytique de la Bête Immonde (juillet 2014)