Sans le soutien à Israël des Etats-Unis et de la communauté internationale, l’occupation et le régime colonial imposés aux Palestiniens ne pourraient se perpétuer.

Edward Said, voix prestigieuse de l’opposition au processus d’Oslo, le décrivait dans « Le Mirage de la Paix » comme étant « le consentement palestinien officiel à la poursuite de l’occupation »

Le mois dernier, Mahmoud Abbas, président de l’Autorité Palestinienne, a déclaré devant l’assemblée générale des Nations Unies, que les vingt ans d’efforts fournis dans le cadre du processus d’Oslo pour établir un état palestinien s’étaient soldés par un échec. Cette déclaration n’avait que trop tardé. Les Accords d’Oslo qui furent signés par Israël et l’Organisation de Libération de la Palestine par l’entremise des Etats-Unis ont été un désastre pour les Palestiniens et une aubaine pour ceux qui désirent maintenir l’occupation de près d’un demi-siècle par Israël de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est et de Gaza. Leurs fruits amers sont observables dans l’actuelle flambée de violence qui frappe les Palestiniens et les colons dans les territoires occupés.

Le processus d’Oslo n’avait pas pour objectif de mener à la création d’un état palestinien ou à l’auto-détermination, en dépit de ce que les dirigeants de l’OLP de l’époque semblent avoir cru. Il était, au contraire, destiné par Israël à rationaliser son occupation en faisant jouer le rôle de sous-traitant à l’Autorité Palestinienne. Dans les Accords d’Oslo, et dans d’autres accords ultérieurs, les Israéliens ont pris grand soin d’exclure toute disposition susceptible de favoriser l’émergence d’une entité politique palestinienne disposant d’une réelle souveraineté. Le statut d’état palestinien et l’auto-détermination ne figurent nulle part dans le texte, qui n’accorde pas davantage aux Palestiniens une totale compétence sur l’intégralité des territoires occupés.

L’expansion des colonies juives illégales dans les territoires occupés, qui a suivi le début du processus d’Oslo trahit même plus clairement encore les intentions d’Israël. Il y avait moins de 200.000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est occupées lorsque les négociations ont commencé. A l’heure actuelle, il y en a selon le Times environ 650.000.

Quant à la direction de l’OLP, elle a piètrement joué de mauvaises cartes. Elle n’a pas su tirer parti du savoir-faire que sa délégation avait acquis au cours des deux années précédentes à Madrid et Washington, envoyant à Oslo des négociateurs inexpérimentés, peu au fait de la situation dans les Territoires occupés, et aux compétences très limitées en droit international. Par conséquent, le processus d’Oslo accentua plutôt qu’il ne réduisit le déséquilibre politique entre Israël, puissance nucléaire non-déclarée soutenue par la seule super-puissance au monde, et les Palestiniens, peuple sans état, vivant sous occupation, ou en exil.

Grâce au poids des Etats-Unis faisant lourdement pencher la balance en sa faveur – sur le plan diplomatique, militaire, et par l’exercice de pressions sur les états arabes – Israël a été en mesure d’imposer sa volonté, consolidant un système d’apartheid en vertu duquel des millions de Palestiniens vivent sous un régime militaire, sans droits ni sécurité, tandis qu’Israël s’approprie leurs terres, leur eau, et d’autres de leurs ressources. La seule disposition d’Oslo qui fut en fait fidèlement appliquée, c’est la protection que l’Autorité Palestinienne apporte à Israël en assurant les fonctions de police au sein de son propre peuple.

Dans son discours aux Nations Unies, Abbas, l’un des architectes des Accords d’Oslo, a déclaré qu’il ne respecterait plus les termes des accords sauf si Israël cesse de les fouler aux pieds. Cette déclaration n’aura guère de portée, si elle n’a pas de traduction pratique, telle que le démantèlement de l’Autorité Palestinienne, ou l’arrêt de la coopération entre la police paramilitaire de l’Autorité Palestinienne et l’armée israélienne. Rien n’indique que l’une ou l’autre de ces mesures soit à l’ordre du jour.

Il est plus que temps de mettre fin à la farce d’un processus de paix sans fin qui ne fait qu’accroître la souffrance des Palestiniens. Il faut au contraire un nouveau paradigme qui repose sur le respect du droit international, les droits de l’homme, et l’égalité pour les deux peuples. Comme l’Administration Obama en a fait la preuve avec Cuba et l’accord sur le nucléaire iranien, adopter une façon différente et plus juste d’aborder des problèmes en apparence insolubles peut donner des résultats. Il faudrait faire la même chose pour la politique étatsunienne envers Israël et la Palestine, malgré les pressions que le lobby israélien ne manquera pas d’exercer pour préserver le statu quo.

Les Américains sont plus en avance sur ce point que leurs hommes et femmes politiques qui se laissent intimider. Un nombre croissant d’entre eux – en particulier les jeunes, les personnes de couleur, les progressistes – sont opposés au soutien inconditionnel des Etats-Unis à Israël. Un sondage mené en décembre par Shibley Telhami, professeur à l’université du Maryland, College Park, a révélé que 39% des Américains étaient en faveur de sanctions, voire de « mesures plus sérieuses » à l’encontre d’Israël pour son refus d’arrêter la construction de colonies. Et d’après un sondage Gallup de février, même si 62% des Américains soutiendraient Israël contre la Palestine si on leur demandait de choisir un camp, ce pourcentage a baissé de dix points chez les démocrates depuis 2014. Les hauts responsables du parti feraient bien d’en tenir compte.

Les Etats-Unis et la communauté internationale arment, garantissent financièrement, et soutiennent diplomatiquement le régime militaire qu’Israël a imposé aux Palestiniens. Il faut mettre un terme à ce soutien externe, sans lequel l’occupation et le régime colonial ne pourraient se perpétuer, si l’on veut parvenir à une paix juste et durable. Au lieu d’apporter à Israël une aide militaire croissante – ce pays reçoit déjà la somme astronomique de 3 milliards de dollars par an, et le président Obama en a promis encore davantage en compensation pour la conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien, auquel le premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’est opposé à grands cris – les Etats-Unis pourraient commencer par conditionner cette aide au respect par Israël des lois nationales et du droit international. C’est ce que demande Betty McCollum, députée démocrate du Minnesota au Congrès américain dans une lettre adressée au Département d’Etat.

Il est temps que les hommes et femmes politiques et les décideurs américains cessent de se cacher derrière la fiction d’Oslo. S’ils souhaitent réellement éviter que les mêmes choses se reproduisent, ils doivent abandonner les stratégies qui ont échoué, laisser de côté les platitudes vides de sens, et agir énergiquement pour mettre fin à un système d’occupation militaire et à la colonisation qui sans leur soutien s’effondreraient.

Rashid Khalidi | 16 octobre 2015

Rashid Khalidi est détenteur de la chaire Edward Saïd et directeur du département du Moyen-Orient à l’université Columbia. Il est rédacteur en chef du Journal of Palestine Studies, et fut conseiller de la délégation palestinienne aux négociations israélo-palestiniennes à Madrid-Washington de 1991-93. Son dernier livre s’intitule « Brokers of Deceit. »

Article original: https://zcomm.org/znetarticle/beyon…
Traduction : Info-Palestine.eu – MJB