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5 décembre 2024

l’Armée Tunisienne et sa contribution au processus de transition démocratique


ITRI  :  INSTITUT TUNISIEN DES RELATIONS INTERNATIONALES

 
Colonel Major (R) Mohamed Ahmed: L’Armée Tunisienne et sa contribution au processus de transition démocratique
Publié par Candide le 30 octobre 2015 dans Chroniques

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Par le Colonel Major (R) Mohamed Ahmed (*)
Medahmed482002@yahoo.fr

l’Armée Tunisienne et sa contribution au processus de transition démocratique

Par le Colonel Major (R) Mohamed Ahmed (*)
Medahmed482002@yahoo.fr

I – Une armée à l’esprit républicain

Depuis sa création en 1956 l’Armée Tunisienne a été maintenue hors du champ politique. Bourguiba, premier Président de la République et Commandant en chef des Forces Armées a toujours considéré que la Tunisie n’avait pas besoin de se doter d’une Armée nombreuse et bien équipée à l’instar des pays voisins. Mais cette Armée a toujours eu un excellent encadrement formé d’Officiers compétents issus des prestigieuses écoles militaires occidentales.

Ben Ali, lui-même issu des rangs de l’Armée, mais sans compétence particulière, a souvent montré une certaine suspicion à l’égard de l’Institution militaire. Cette suspicion l’a poussé à favoriser l’appareil sécuritaire représenté par le Ministère de l’Intérieur (Sûreté nationale, Sûreté de l’Etat) au détriment de l’Armée nationale.

Durant la décennie 1990, l’Institution militaire a été marginalisée, humiliée, voire même purgée de ses meilleurs éléments, dans la fameuse affaire du complot présumé de « Barraket Essahel 1991». Deux cent quarante quatre (244) militaires de tous grades ont été arrêtés et torturés dans les locaux du Ministère de l’Intérieur, avec la complicité du Commandement militaire

Près du tiers des victimes innocentes furent déférées devant le tribunal militaire. Elles ont écopé de lourdes peines allant jusqu’à 16 ans de prison pour un crime qui n’a jamais existé. Cette opération fut une véritable « décapitation » de l’Armée, selon l’expression de l’ancien ministre de la défense nationale de l’époque, Habib Boularès. D’autres militaires, ont été également expulsés de l’Armée, sans autre forme de procès, avant et après l’affaire de « Barraket Essahel »

Mais sous Bourguiba, la Grande Muette, bien qu’elle fût toujours cantonnée dans un rôle discret, loin des lumières, s’est vue impliquée à plusieurs reprises, dans des missions de maintien de l’ordre pour sauver le régime :

– Le 26 Janvier 1978 : La grève générale lancée par la centrale syndicale UGTT, et la sanglante répression qui s’en est suivie.
– Le 26 Janvier 1980 : les événements de Gafsa : une insurrection armée menée par des opposants tunisiens soutenus par le régime de Kaddafi.
– Décembre 1983-Janvier 1984 : les émeutes du pain.

Lors de ces événements, le Pouvoir était sérieusement entamé et l’Armée tunisienne a rempli sa mission en respectant la légalité. Une fois la mission remplie et la situation rétablie, l’Armée a rejoint ses casernements.

Cette tradition d’une armée républicaine qui reste éloignée des tentations du pouvoir, lui a valu le respect et l’admiration du peuple tunisien.

II – Rôle durant la révolution

Après la fuite de Ben Ali le 14 Janvier 2011, beaucoup d’observateurs pensaient que l’Armée tunisienne avait joué un rôle majeur dans la chute du régime. En fait, la chute de Ben Ali a été précipitée par la révolte populaire grandissante alimentée par le nombre de victimes tombées sous les balles de la police dans diverses régions du pays : Centre Ouest, Sahel, Sud, Tunis, Bizerte…etc. Ce qui a donné à cette révolte un caractère général.

Face au chaos généralisé, l’Armée a été déployée dans les grandes villes pour protéger les manifestants, les bâtiments officiels, les banques et même les postes de police dont certains ont été saccagés et incendiés.

Pour éviter un bain de sang, l’Armée tunisienne a adopté, dés le début des événements, une neutralité bienveillante, voire une fraternisation avec les manifestants qui ont affronté durement une police résolument fidèle au Régime. Cette neutralité affichée de l’Institution Militaire, et cette fraternisation des troupes avec les manifestants, furent les facteurs déterminants qui ont pesé dans la suite des événements.
Ce comportement a été interprété par les journalistes, les blogueurs et les divers observateurs étrangers comme un signe de ralliement de l’Armée au peuple en révolte.

III – Contribution au processus de transition démocratique

Il est aujourd’hui admis que l’Armée tunisienne a contribué de manière déterminante à la préservation du processus de transition démocratique, alors que le pays a frôlé le chaos, à plusieurs reprises :

– A partir du 22 Janvier 2011, la Place du Gouvernement était occupée durant plusieurs jours par les manifestants venus de l’intérieur (Kasba1) : Regueb, Kasserine, Sidi Bouzid, Menzel Bouzaiane… Ils exigeaient le départ du Gouvernement.

Pendant ces journées, l’Etat était inexistant, et aucun homme politique n’était capable d’affronter la foule. Mais la grande Muette qui n’avait pas l’habitude d’exprimer publiquement ses positions va se montrer à la hauteur du moment historique.

Dans l’après midi du 24 Janvier, Le Chef d’Etat-Major de l’Armée de Terre, a fait une apparition inattendue parmi les manifestants. Il s’est adressé à une foule excitée en posant « l’Armée garante de la Révolution dans le respect de la Constitution ». Peu après, le porte-parole du Gouvernement annoncera l’imminence d’un remaniement ministériel, et la crise fut désamorcée.

– L’Armée a contribué de manière significative à la stabilité du pays en protégeant le processus de mise en place de nouvelles institutions démocratique, lors des élections. A ce titre, elle a joué un rôle majeur pour favoriser le bon déroulement des élections de 2011 (Assemblée Nationale Constituante) et de 2014 (élections parlementaires et présidentielles). Sa participation a nécessité le rappel de réservistes et le déploiement de plusieurs milliers de soldats pour la protection des bureaux de vote et pour le soutien logistique de l’ISIE (Instance Supérieure Indépendante pour les Elections).

IV – Conclusion

Cinq ans après la Révolution, l’Armée tunisienne est en train de mener une guerre asymétrique contre le terrorisme. Cette menace est sérieuse ; elle pourrait hypothéquer le processus, encore fragile, de la transition démocratique.

Totalement épuisée dans des tâches de police durant les premières années de la Révolution, l’Armée doit aujourd’hui relever des défis majeurs:
– Combattre le terrorisme,
– s’équiper de manière adéquate,
– revoir sa doctrine de défense et son organisation, au vu des nouvelles menaces, abandonner le concept d’armée de conscription héritée de la puissance coloniale et passer à celui d’une armée de métier, basée sur la professionnalisation.
– relever les standards de la formation de ses cadres et l’entraînement de ses troupes pour répondre aux exigences du nouveau contexte.

Bien que la Tunisie ait effectué un remarquable progrès historique vers la démocratie, ce progrès reste extrêmement fragile, et le pays a besoin d’une Armée bien structurée, bien équipée et bien entrainée. C’est le rôle des hommes politiques, aujourd’hui en charge du pays, d’accorder à la sécurité du pays la priorité nécessaire.

La Tunisie nouvelle pourra alors avancer sur le chemin de la démocratie et du développement économique et mériter son statut d’initiateur d’un Printemps Arabe qui a réussi.

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(*) Colonel Major ( R) Mohamed Ahmed

– Ancien Assistant du Chef d’état-major de l’Armée de Terre chargé du Département Renseignement et Sécurité.
– Diplômé de :
. l’École de Commandement et d’État-major, Tunis 1982
. l’Ecole Supérieure de Guerre de Paris, 1989
. US Army Command & General Staff College, Fort Leavenworth, Kansas- USA 1984

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Commandant Mohamed Ahmed: L’ Armée face au terrorisme 1/2


http://rsistancedespeuples.blogspot.com/2011/03/larmee-decapitee-temoignage-de-mohamed.html
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