C’est la CIA qui a envoyé Mandela en prison pour 28 ans
19 mai 2016
L’actualité du droit
Gilles Devers
Mardi 17 mai 2016
Un agent de la CIA planqué en consul qui livre un militant démocratique à un régime pourri et sanguinaire. Un complot, un vrai, et c’est comme ça qu’a été arrêté Nelson Mandela. Désolé pour ceux qui croient que la CIA est une sorte de centre social et philosophique.
En 1962, l’apartheid vivait sa vie heureuse en Afrique du Sud, et le monde occidental – le monde des valeurs –soutenait ce bon régime qui combattait les antiracistes du Congrès national africain, l’ANC.
Nelson Mandela, 44 ans, était leur leader, très précisément le dirigeant de la branche militaire de l’ANC. Car la lutte pour les droits de l’homme peut passer par la lutte armée. Mandela expliquait que c’est l’oppresseur, par ses méthodes, qui désigne les armes que doit utiliser la résistance. Relaxé en 1961 lors d’un long procès médiatisé, Mandela avait ensuite choisi la clandestinité, sous le nom de David Motsamayi, exerçant comme chauffeur d’un éthiopien blanc. Leader redouté d’une lutte implacable, il s’était mis à l’abri.
Tout a basculé le 5 août 1962, quand Mandela a été arrêté à un barrage de la police, près de Durban. Direction la prison, pour en sortir vingt-huit ans plus tard.
Une dénonciation ? Oui,… mais de qui ? Qui avait bien pu le livrer aux patrons de l’apartheid ?
Tout le monde pensait que c’était une réalisation des Etats-Unis (Amérique du Nord, territoire indien occupé), qui étaient le soutien number one du régime d’apartheid, par haine du communisme et amour de l’uranium.
Alors qui ?
L’info vient du réalisateur britannique John Irvin, via une interview au Sunday Times. John Irvin, dans le cadre de la préparation d’un film Mandela’s gun – la vie de Mandela armé – avait reçu les confidences l’ex-vice-consul à Durban, Donald Rickard, peu avant sa mort. Un agent de la CIA planqué en vice-consul, qui a reconnu être l’auteur de la dénonciation.
« J’ai découvert quand il venait à Durban, et comment il venait… C’est à partir de là que j’ai été impliqué et que Mandela a été attrapé », a confié Rickard. Il explique que, pour ses patrons, « Mandela était le plus dangereux des communistes hors URSS ». Dès lors, pas de scrupule pour le livrer aux chiens : « Il aurait pu déclencher une guerre en Afrique du Sud. Les Etats-Unis y auraient été impliqués contre leur gré et les choses auraient pu tourner au désastre. Nous dansions au bord du gouffre et il fallait que ça cesse, et donc que Mandela soit arrêté. J’ai mis un terme à cela ».
L’interview est d’autant plus intéressante qu’elle confirme des soupçons. En 1978, à la fin de sa mission en Afrique du Sud, le mec avait raconté à des proches sa fierté d’avoir fait tomber Mandela. En 1990, juste après la libération de Mandela, l’agence Cox News avait rapporté le propos du patron de la CIA à Pretoria, Paul Eckel : « Nous avons livré Mandela à la branche sécurité sud-africaine. Nous leur avons donné tous les détails : comment il serait habillé, l’heure de la journée, où il serait exactement. Ils l’ont ramassé. C’est un de nos plus beaux coups ».
D’autant plus crédible, que le pouvoir US, qui a envoyé le Guignol Obama en mission pour chouigner dans la cellule de Mandela, s’illustre par son hostilité au nouveau régime d’Afrique du Sud. La pourriture est tenace.
Le Congrès étasunien n’a adopté de législation anti-apartheid, accompagnée de sanctions économiques, qu’en 1986. Mandela, libéré en 1990, président d’Afrique du Sud entre 1994 et 1999,… est resté sur la liste US des personnes soupçonnées de terrorisme jusqu’en 2008…
Plusieurs activistes de la liberté d’information ont demandé la déclassification des archives concernant Mandela. Rien, refus total, et la CIA a trop de travail pour faire ces recherches. Ce mois de mars, un juge fédéral a considéré que les demandes étaient légitimes et que l’argument de la surcharge de travail n’était pas recevable. Mais rien n’a suivi.
Selon le porte-parole de l’ANC, Zizi Kodwa, le combat que la CIA a engagé avec l’ANC n’est pas terminé. La CIA continue de collaborer avec les partisans d’un changement de régime : « Les révélations du Sunday Times confirment ce que nous avons toujours su : qu’ils travaillent contre nous, et c’est encore le cas aujourd’hui. Nous observons ces temps-ci que des efforts sont faits pour saper le gouvernement démocratiquement élu de l’ANC. Il ne s’agit pas d’une théorie du complot, mais d’un motif récurrent à travers l’Histoire ».
Le petit-fils de Nelson Mandela, Mandla Mandela, évoque «une trahison». Il demande à Obama, de s’excuser et de divulguer le détail des événements qui ont conduit à l’arrestation de son grand-père.
– Oh, fiston, je crois que tu manques encore un peu de lecture. Etudie l’histoire, avant de mendier la vérité aux criminels.