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29 mars 2024

Dans les sabots de la vache-turbo


Humanisme-Ecologie-République

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Le repos des vacances offre entre autres de belles promenades dans la campagne, ne serait-ce qu’à voir le bétail brouter paisiblement l’herbe des prés. Les vaches des fermes-usines n’ont aucune chance d’y mettre les sabots. Leur sort peut faire pitié.

On oserait presque les qualifier de vaches pénitentiaires, car elles ne sont plus baptisées de l’un de ces jolis noms, comme la célèbre Marguerite, avec lesquels le paysan s’attachait leur sympathie à vie.

Désormais elles portent un numéro, 2665, dans l’exemple cité par le remarquable reportage du magazine Stern.

600 têtes

L’exploitation près de Schwerin, dans l’ex-Allemagne de l’est, compte 750 ha et 600 têtes, cependant moins importante que celle à 50 km de distance avec ses 3000 bêtes.

Son propriétaire, éleveur depuis la septième génération, considère que son cheptel se porte bien, aussi bien que possible dans un système de production intensive, qui s’impose de plus en plus.

Performances

La turbo-vache donne 40 à 50 litres de lait par jour, programmée pour « fonctionner » 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Dans les 100 dernières années, l’élevage a réussi à exalter les performances des laitières, de la même manière que les ingénieurs avec les moteurs des voitures, dit un professeur de médecine de Berlin.

Au pis, Numéro 2665, de race Holstein-Frisonne, livre 13,5 litres à chaque traite, 3 fois par jour, soit peu ou prou 40 l. quotidiennement.

Morphologie

Miracle des laboratoires, les sélections successives lui ont donné une morphologie particulière. Dévouée à la cause laitière, avec des mamelles très volumineuses, bien veinée et les trayons parfaitement adaptés à la traite mécanique.

Les cornes sont courtes, souvent supprimées, afin d’éviter d’éventuelles blessures, le tronc est anguleux, son abdomen développé pour pouvoir digérer la plus grande masse de nourriture possible.

Calories à tout va

Obligée d’ingurgiter jusqu’à 50 kgs de fourrage pour couvrir son formidable besoin d’énergie (en vue de la production souhaitée), l’équivalent de 40 à 50 000 calories /jour. Du maïs et soja avant tout.

Ces « performeuses » cependant ne savent plus se nourrir d’herbe ou de foin naturels, condamnées aux aliments à forte valeur énergétique. Dopées en quelque sorte.

Amaigrissement

Avec des effets négatifs. Outre les maladies inhérentes, tels que, fréquemment, le déplacement de la caillette, les vaches n’arrivent plus à maîtriser cet apport avec leur alimentation propre.

Résultat : elles commencent par maigrir, les réserves des ventres et poitrine disparaissent, chaque pas sur les sols de béton se fait douloureux du fait de la disparition des petits coussins de graisse sur leurs sabots.

Courte vie

Les chiffres sont dramatiques. Vaches de compétition, elles atteignent tout juste les 5 ans d’âge. Une espérance de vie qui s’est réduite du quart en l’espace de quelques dizaines d’années.

L’éleveur, rencontré par Stern, se montre plus précautionneux avec l’alimentation de ses bêtes, notamment dans le choix du fourrage. « Mes vaches sont plus saines, mais le niveau de production n’est plus optimum », remarque-t-il.

Famille au complet

À 20 centimes du litre, cela couvre à peine le coût du fourrage, sans parler des frais vétérinaires, salaires de son personnel ni de l’entretien des équipements.

Il s’en sort parce qu’il produit son propre fourrage, dispose d’une importante installation de biogas qui lui rapporte de l’argent et qu’il n’a pas de gros crédits à rembourser.

Enfin, à l’image d’autres producteurs ici et ailleurs, parce que toute sa famille met la main à la pâte, sa femme comme ses 2 fils.

Colère

Ces 20 centimes irritent les producteurs allemands autant que français. Depuis la fin des quotas, le problème est européen, les manifestations de ras-le-bol, voire de colère se multiplient, y compris contre la ferme de 1000 vaches dans la Somme, la seule en France.

Certains (normands) se sont récemment enchainés aux grilles de la laiterie Lactalis, un des plus gros groupes mondiaux dans le secteur, accusé de les payer au prix le plus bas possible…

Sous un même toit

La vache est l’un des animaux associé depuis des lustres à notre vie quotidienne. Elle a immortalisé nos campagnes, ouvert des territoires de montagne, échappant aux cultures agricoles de plaine.

Elle a nourri la matière de tant de films (ou de tableaux) célèbres. Il n’y a pas si longtemps, hommes et vaches partageaient encore le même toit dans la ferme, vivaient et dormaient côte à côte.

Sans oublier que son lait nous a fait grandir.

Toujours plus

À quoi se voit-elle réduite aujourd’hui, sinon à un “machine” enfermée dans ses boxes et réglée à fournir toujours plus en volume, en cadences et au meilleur coût.

Pour des éleveurs qui n’y retrouvent plus leur compte, et parfois ne se soucient guère de la maltraitance infligée à leur cheptel, pour des industriels qui rognent les marges en visant les supermarchés.

Pour les supermarchés eux-mêmes, dont les rayons regorgent de produits laitiers qu’ils n’arrivent pas toujours à écouler, pour les consommateurs enfin, constamment à l’affût de la brique de lait la moins chère.

Un cercle diabolique, dont personne ne voit pas la sortie.


Source

http://lecrapaud.fr/dans-les-sabots-de-la-vache-turbo/#wysija

leCrapaud.fr/_1001 façons d’aimer l’écologie

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