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25 avril 2024

TAFTA, avec ou sans la France, quelles perspectives ?…


par Daniel MARTIN 

mardi 6 septembre 2016

Au bal des déclarations contradictoires

Le mardi 22 Août, le président français François HOLLANDE et le ministre allemand des affaires économiques Sigmar GABRIEL avaient déclaré qu’il serait impossible de conclure l’accord de TTIP avant la fin de l’année et ainsi laisser entendre que ce serait la fin des négociations. Ce qui à l’évidence n’est pas l’avis de la Chancelière Angéla MERCKEL qui a réaffirmé son souhait de mettre en place l’accord de libre échange entre les Etats-Unis et l’UE, bien qu’il soit en partie contesté au sein de son gouvernement et par la France. (http://www.liberation.fr/direct/element/merkel-plaidoyer-pour-un-tafta_46555/)

Le Mardi 30 août, le secrétaire d’Etat français au commerce a annoncé sur RMC « Il n’y a plus de soutien politique et la France demande l’arrêt de ces négociations », il a ainsi indiqué que Paris réclamait la fin des négociations sur le traité de libre-échange échange entre l’Union européenne et les États-Unis (http://www.francetvinfo.fr/economie/commerce/traite-transatlantique/la-france-demande-l-arret-des-negociations-sur-le-ttip-traite-de-libre-echange-transatlantique_1801675.html)

La France serait-elle un nouvel adversaire du libre-échange ?…

Au mois de Mai 2016, François HOLLANDE avait déjà prononcé un cinglant désaveu vis-à-vis du TAFTA : « à ce stade, la France dit non ». Des propos alors confirmés par Matthias FEKL, puis par Manuel VALLS qui avait affirmé à la veille du Conseil européen du mois de juin qu’« il ne pouvait y avoir d’accord transatlantique ». Mais rien n’est venu. A l’occasion de ce même Conseil européen des 27 et 28 juin 2016, Jean-Claude JUNCKER a déclaré avoir « demandé à tous les chefs de gouvernement si, oui ou non, la Commission devait poursuivre les négociations avec les États-Unis ».  Aucune réserve, critique ou demande d’arrêt des négociations n’a été prononcée. Ni par François HOLLANDE, ni par aucun autre chef d’État ou de Gouvernement. 

Le Vendredi 2 Septembre en visite en Slovaquie, Jean-Marc AYRAULT a déclaré aux journalistes qui lui posaient la question, suite à la déclaration de François HOLLANDE : « Non, nous ne savons rien à ce sujet » allant même jusqu’à démentir les annonces de François Hollande  :  »La France n’a pas l’intention de lancer la suspension des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et l’investissement des États-Unis-UE (TTIP ou TAFTA), bien que ce traité devrait être plus équilibrée » et de poursuivre  : « Nous avons également dit que nous ne sommes pas contre les accords commerciaux, nous avons un très bon exemple du traité dont le Canada … ce qui a donné de bons résultats » tout en reconnaissant que L’accord de TTIP a suscité des critiques sévères pour le manque de transparence dans les négociations, mais en soulignant aussitôt la formidable puissance qu’il pourrait donner aux entreprises internationales… Surtout Américaines, dès lors que le rapport de force est en leur faveur …

Qu’en est-il exactement, et comment expliquer cette dichotomie entre les déclarations successives du Président de la république François HOLLANDE et les déclarations contradictoires de certains de ses Ministres ?

Il faut se rappeler qu’en Février 2014, au cours d’une visite officielle aux USA et lors d’une conférence de presse commune avec OBAMA, concernant le traité Transatlantique (TAFTA), François HOLLANDE n’hésitait pas de déclarer : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations » http://fr.reuters.com/article/topNews/idFRPAEA1A07920140211).

 

 C’est à croire que lorsque, François HOLLANDE faisait cette déclaration, il avait à l’esprit la citation de CONDORCET « …Même sous la constitution la plus libre, un peuple ignorant est esclave… ». En misant sur l’ignorance des populations concernant le traité commercial transatlantique (TAFTA) pour éviter qu’elles ne se « cabrent » et grâce à l’opacité la plus totale qui entoure les négociations, ainsi que pour étouffer la critique qui commençait à émerger, il trahissait les Français et leurs intérêts, mais aussi les autres Européens.

En souhaitant publiquement une accélération des discussions, il se posait inévitablement en larbin des multinationales Américaines qui poussent, selon leurs intérêts, à la libéralisation totale des échanges avec les Européens, au détriment de ceux-ci.

Voilà que contre toute attente, deux ans plus loin, en Mai 2016 le même François HOLLANDE considère que les négociations ne sont pas satisfaisantes et indique « à ce stade, la France dit non ». Plus récemment, lors d’un discours aux ambassadeurs à Paris. Il déclarait « La négociation s’est enlisée, les positions n’ont pas été respectées, le déséquilibre est évident » et de poursuivre : « Alors le mieux c’est que nous en fassions lucidement le constat et plutôt que de prolonger une discussion qui sur ces bases ne peut pas aboutir, mieux vaut faire en sorte que nous puissions avertir les uns et les autres que la France ne pourra pas approuver un accord qui aura été ainsi préparé sans les bases indispensables pour une conclusion positive » …

Comment expliquer cette dichotomie entre les déclarations de 2014 et celles de 2016, sinon que la forte opposition des populations Françaises et pour des raisons électorales évidentes, mais pas seulement, a déjoué la stratégie initiale du Président de la République. Une opposition qui n’a cessé de se renforcer et de se développer contre le TAFTA, dont l’opacité de négociations relève d’un véritable déni de démocratie à l’échelle Européenne.

La forte opposition contre le TAFTA serait- elle la seule raison du revirement Présidentiel et cela ne cache-t-il pas autre chose ? Comment expliquer les déclarations contradictoires entre Ministres ?

Lorsque François HOLLANDE indique que « la France préfère regarder les choses en face et ne pas cultiver une illusion qui serait celle de conclure un accord avant la fin du mandat du président des États Unis ». « Tacle »-t-il simplement sur le plan politique Barack OBAMA qui espérait pouvoir signer le Traité Transatlantique, avant de céder la Présidence des Etats-Unis et de laisser le traité en vigueur comme parti de son héritage, tout comme la signature du traité Trans-Pacifique. Ou du fait que les européens, contraints par leur opinion, radicalisent leurs positions dans les négociations, tout en étant en position de faiblesse par rapport aux USA, espère-t-il que la situation sera différente et donc plus favorable après les élections Présidentielles Américaines. Les deux candidats, du parti Démocrate, et Républicain se sont prononcés contre le traité Trans-Pacifique, signé avec 11 pays du Pacifique, ce qui a également conduit à décrire le traité avec l´Europe (TAFTA) comme négatif.

Hillary CLINTON s’est dite opposée à l’accord Trans-pacifique (TPP), mais garde le mutisme sur le TAFTA, bien que la préoccupation d´Hillary Clinton est basée sur les accords de libre échange qui viendraient faire baisser les salaires des travailleurs américains… Ce qui n’a pas empêché la Maison Blanche d’affirmer en juin dernier que Mme CLINTON partageait les mêmes vues que M. OBAMA sur ce dossier… Ministre des affaires étrangères, n’avait-elle pas participé aux négociations du TPP et vanté ce traité, avant de le contester ?… Le Républicain Donald TRUMP qui se distingue par des propos populistes et contradictoires souhaite également s’attaquer à ces traités, ainsi qu’à l’accord commercial ALENA.

Concernant les déclarations contradictoires entre le Ministre des affaires étrangères Jean Marc AYRAULT et son collègue du commerce Matthias FEKL, elles sont à l’image des déclarations que peut faire le Président de la République Française ou son collègue Allemand Sigmard GABRIEL qui sont à l’opposé de celle d’Angéla MERCKEL ou du négociateur américain, Michael FORMAN, lorsqu’il affirme au journal Spiegel le mardi 30 Août : « En réalité, les négociations progressent »,. Même son de cloche du côté de la Commission européenne. Selon son porte-parole Margaritis SCHINAS, cette dernière « fait des progrès constants dans les négociations en cours sur le TTIP (TAFTA) ». Elles sont même entrées dans « une phase cruciale », avec des propositions sur tous les chapitres. « Si les conditions sont remplies, la Commission européenne est prête à boucler l’accord à la fin de l’année », a-t-il rappelé…

Quelles que soient ses motivations, Même si la France décide de rompre les négociations, celles-ci se poursuivront et elle devra se soumettre au Droit Européen

La position française ne signifie pas pour autant la fin des discussions autour de ce traité controversé. Les États membres sont en effet représentés par la Commission européenne autour de la table des négociations et comme le rappelle si justement le secrétaire d’Etat au Commerce Matthias FEKL : « La Commission européenne a parfaitement la possibilité de négocier et personne ne peut juridiquement s’y opposer »… Bref, cela signifie qu’en cas d’accord entre la commission Européenne et ses homologues Américains, bien que la France, ou tout autre pays refuse, sachant que le droit Européen prime sur le Droit National, en l’état tous les pays membre de l’Union Européenne devraient s’y soumettre…

Le simulacre de fin de participation de la France aux négociations du TAFTA et les déclarations Ministérielles contradictoires contribuent à faire oublier l’opacité scandaleuse et inadmissible des négociations 

 Nous savions depuis le début des négociations de ce traité qu’elles feraient l’objet d’une opacité la plus totale, mais à ce point, ce déni de démocratie est un vrai un crime contre la démocratie. Le Gouvernement français et François HOLLANDE à sa tête ont une lourde part de responsabilité.

Pour justifier cette opacité, l’attitude de François HOLLANDE, comme celle des autres chefs d’Etat Européens est pour le moins choquante. Ils ont toujours prétendu que la commission Européenne ne tient pas à dévoiler ses cartes pour ne pas informer son partenaire et néanmoins concurrents dans la négociation. Et de poursuivre « elle est contrainte à jouer comme dans une partie de poker »… Comme j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, soyons sérieux. Concernant l’espionnage de la commission Européenne et des principaux dirigeants Européens, avec les moyens dont disposent les USA si on se réfère aux révélations d’Edward SNOWDEN, les Américains sont bien informés des cartes des négociateurs Européens et du coup les raisons de cette opacité d’une négociation à huit clos ne tient pas. Pas plus d’ailleurs que de se retrancher derrière le Parlement qui aura à s’exprimer sur le Grand Marché Transatlantique et qu’il pourra éventuellement bloquer TAFTA… Ce qui est vrai, mais malgré une forte opposition d’un nombre important de nouveaux parlementaires Européens, la majorité est Sociale Démocrate et de Droite, ceux la même dont les gouvernants de leurs pays respectifs ont imposé ce type de négociations, tant dans la forme que sur le fond. On peut difficilement imaginer qu’une fronde généralisée des parlementaires Européens, PS – Sociaux démocrates et UMP – parti populaire, débouche sur une jacquerie contre le traité final et la décision des chefs d’Etat membres, dont l’une ou l’autre de ces formations politiques l’ont agréé.

Outre l’opacité des négociations, les annonces de fin de participation aux négociations ne cachent-elles pas une autre réalité ?

Outre l’opacité que l’on dénonce, les annonces de fin de participation aux négociations ne permettent-elles pas d’occulter certaines réalités, dont un rapport de force très inégal entre l’U.E. et les USA, ne serait-ce que par rapport à la superficie des territoires et la démographie, avec des atouts incontestables en faveur des USA ?…

L’UE a une superficie territoriale de 4,325 millions pour 5,110 millions d’habitants (1,7 millions de km2 de terres agricoles) quand les USA ont une superficie de 9,857 millions de km2 (plus de la moitié que l’UE) pour 318,9 millions d’habitants (presque la moitié de moins) avec 4,11 millions de km2 de terres agricoles…

Avec une Union Européenne, du fait d’une population sans cesse croissante, à laquelle s’ajoute quotidiennement des milliers de migrants, en perte constante de terres arables et qui est incapable de parvenir à l’autosuffisance alimentaire, on peut comprendre ainsi pourquoi les USA n’entendent pas céder pour déverser leur production de poulets désinfectés au chlore ou imposer l’autorisation de la Ractopamine. La ractopamine est un médicament utilisé pour gonfler la teneur en viande maigre chez les porcs et les bovins. Du fait de ses risques pour la santé des bêtes et des consommateurs, elle est bannie dans cent soixante pays, parmi lesquels les Etats membres de l’Union européenne, la Russie et la Chine. Mais qu’importe… Certes le marché européen devrait rester fermé au bœuf aux hormones Américain. Mais au-delà des promesses à court terme, le simple maintien de cette interdiction ne résisterait pas très longtemps face aux standards américains imposés par les multinationales, y compris, grâce aux recours à la justice privée par tribunal arbitral. En effet le TAFTA doit valider une Justice privée d’exception au service des Multinationales. Sous un tel régime, les entreprises seraient en mesure de contrecarrer les politiques de santé, de protection de l’environnement ou de régulation de la finance mises en place dans tel ou tel pays en lui réclamant des dommages et intérêts devant des tribunaux extrajudiciaires. Composées de trois avocats d’affaires, ces cours spéciales répondant aux lois de la Banque mondiale et de l’Organisation des Nations unies (ONU) seraient habilitées à condamner le contribuable à de lourdes réparations dès lors que sa législation rognerait sur les « futurs profits espérés » d’une société. INADMISSIBLE !

Pour conclure

Le TAFTA, à terme, c’est la suppression rapide de dizaines, voire de centaines de milliers d’exploitations agricoles en France et en Europe, grâce aux fonds d’investissement Américains, remplacées par des « fermes usines », dont ces pauvres animaux seront toujours et encore plus dopés aux antibiotiques, aux hormones et nourris aux OGM par les bons soins de MONSANTO. Ce type concentrationnaire d’élevage sera également vrai pour les autres animaux (poulets, moutons, porcs). Comme pour les OGM, la FNSEA qui soutient la réalisation de ces « fermes usines » pourra toujours inviter ses agriculteurs à manifester violemment pour le prix du lait ou de la viande, mais il n’y aura plus d’agriculteurs… Ces agriculteurs qui font de l’intensif et noient leurs champs de pesticides, on ne va pas les regretter, Sauf que Si pour la santé il est important de réduire sa consommation de viande, celle-ci risque de ne pas diminuer pour autant, car à très bas prix sur le marché, bourrées « d’hormones et de ractopamine » avec les productions importées des USA elles inonderont le marché…

 

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