Mieux encore, l’Algérie revient même petit à petit dans le giron saoudien alors qu’elle était naguère le redoutable rebelle qui refuse le diktat de la puissante monarchie wahhabite. Alger revoit sa position parce que les chèques de l’Arabie Saoudite pour surmonter la terrible crise financière qui la tourmente sont précieux. Et les saoudiens ne cachent pas leur générosité lorsque les Algériens rejoignent leur camp.

La réconciliation entre Alger et Riyadh a commencé officiellement ce mi-février lors de  12eme session de la commission mixte algéro-saoudienne. Une importante délégation d’hommes d’affaires  conduite par le ministre de l’Investissement et du commerce du Royaume d’Arabie Saoudite, Madjid Ben Abdallah Al Qassabi, débarque à Alger. Ce réchauffement est nécessaire pour les deux pays dans la conjoncture actuelle. « L’Algérie n’a pas beaucoup d’amis dans la région. Et l’Arabie saoudite se sent un peu isolée notamment depuis l’élection de Donald Trump à la tête des États-Unis », explique un ancien diplomate algérien.  « Ce rapprochement est utile même si l’Algérie a des choses à reprocher à l’Arabie saoudite dont sa position sur le Sahara occidental et son soutien diplomatique et financier au Maroc», explique-t-il. L’Arabie saoudite aide le Maroc dans tous les domaines, y compris en réglant une partie de ses factures d’achats d’armes.

En mars dernier, l’ambassadeur d’Arabie Saoudite au Maroc, Abdelaziz El Khouja, avait exprimé publiquement le soutien de son pays à « l’intégrité territoriale du Maroc », incluant le Sahara occidental occupé. Il avait aussi officiellement annoncé l’engagement de l’Arabie saoudite à investir dans le Sahara occidental. Mais cet épisode semble faire partie du passé. La pomme de la discorde aura été presque toujours diplomatique. Faut-il rappeler que la situation était longtemps restée conflictuelle depuis le refus de l’Algérie de rejoindre la coalition arabe dans son offensive contre Saddam Hussein en 1990. La réponse de Ryad, à l’époque, fut sordide puisqu’elle recevait les dirigeants du Front islamique du salut dans son ambassade et laissait émettre des fatwas meurtrières à notre encontre.

L’intervention militaire saoudienne au Yémen en 2015 a fait ressurgir les vieux démons que les relations d’amitié qu’entretenait Abdelaziz Bouteflika avec la monarchie wahhabite, avaient quelque peu domptés. Le refus d’Alger de participer à un OTAN arabe contre les Houtis a fini par fâcher Ryad, d’autant plus que la majorité des chefs d’État de la ligue arabe avaient accépté d’en faire partie.

Après moult tractations et une intense activité diplomatique, les relations semblent revigorées.

En marge de cette visite, plusieurs sociétés algériennes et saoudiennes avaient signé huit mémorandums d’accord et de partenariat économique englobant divers domaines d’investissement lors d’une rencontre d’affaires. Ces accords concernent le secteur de l’industrie de transformation du phosphate, de production d’engrais naturels et de papier, la gestion des structures médicales, des prestations hôtelières et l’entretien. Comme à leur habitude, les saoudiens ramènent leur fric pour imposer leur lobbying. Plombée par la crise financière, l’Algérie déroule le tapis rouge aux investisseurs saoudiens et  tente d’arracher le maximum de projets.

Pour séduire encore davantage les richissimes saoudiens, le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdesslam Bouchouareb, exécute une véritable danse du ventre et jure à ses interlocuteurs que le régime algérien va « lever tous les obstacles pouvant se dresser devant la réalisation des projets retenus entre les opérateurs économiques algériens et saoudiens ».

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ob_406847_unknownL’Algérie se met à rêver de ses capitaux saoudiens qui l’aideront à créer enfin cette richesse et ces emplois tant attendus par les jeunes algériens. Des projets fous ont été exposés lors de cette commission algéro-saoudienne.  Le ministre des Travaux publics et des transports, Boudjemaa Talai, et le ministre saoudien du Commerce et de l’investissement, Madjed Ben Abdallah Al Qassabi, ont même convenu de lancer une étude pour l’ouverture d’une ligne maritime pour le transport de marchandises entre l’Algérie et l’Arabie Saoudite.

Dans le tourisme, l’Algérie a tenté de vendre une partie des 65 hôtels publics. Une ouverture du capital ou une privatisation entière de ces établissements est à l’étude à Alger et les saoudiens ont été les premiers démarchés par le gouvernement algérien. Tout a été fait pour convaincre la cinquantaine d’hommes d’affaires en déplacement à Alger de miser sur le marché algérien.

Officiellement, l’objectif d’Alger est de le volume d’augmenter les volumes d’échanges et des investissements avec l’Arabie Saoudite à près de 15 milliards de dollars au cours des dix prochaines années. Le régime algérien est conscient que des compromis politiques sont nécessaires pour atteindre cet objectif. Et le lobby saoudien commence d’ores et déjà à retrouver ces avantage perdus ces dernières années en Algérie.

Les salafistes, les chouchous des wahabites, ne sont plus aussi contrôlés et surveillés dans les mosquées algériennes. La confrérie Ahmadite, considérée par les saoudiens comme une secte dangereux qui menace son idéologie, est en train d’être démantelée par les services de sécurité algériens. Quand au délicat dossier iranien, Bouteflika prend petit à petit ses distances avec Téhéran et se contente d’être le médiateur qui essaie de relayer les messages et colères de Riadh. La réconciliation avec l’Arabie Saoudite a un prix. Et l’Algérie est, décidément, contrainte de payer ce prix.