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19 avril 2024

Algérie, Gaïd Salah maître du jeu par défaut


 

France-Irak Actualité : actualités sur l’Irak, le Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique

Analyses, informations et revue de presse sur la situation en Irak, au Proche-Orient, du Golfe à l’Atlantique. Traduction d’articles parus dans la presse arabe ou anglo-saxonne, enquêtes et informations exclusives.

Publié par Gilles Munier

Catégories : #algérie, #bouteflika, #maroc, #tunisie

Le général Ahmed Gaïd Salah

Par Nicolas Beau (revue de presse : Mondafrique – 9/1/19)*

Dans le théâtre d’ombres qu’est devenu l’Algérie, les « décideurs » algériens peinent à définir les conditions de la succession du président Abdelaziz Bouteflika. A l’exception du chef de l’Etat-Major, Gaïd Salah, qui pourrait tirer son épingle du jeu 

Qui gouverne vraiment l’Algérie? Cette question récurrente n’a jamais obtenu des réponses claires, tant le pouvoir algérien est par nature opaque, cloisonné et secret. On se souvient de cette conférence donnée dans les années 1980 à Sciences-Po par l’ancien ministre de Pompidou et de Mitterrand, le très subtil et clairvoyant Michel Jobert, qui ironisait sur l’incapacité de l’ambassadeur de France à Alger de répondre à cette question pourtant élémentaire. Au grand désespoir du Quai d’Orsay.

Une institution militaire divisée

Avec un Président Bouteflika aujourd’hui à bout de force et privé de parole , il n’y a plus de pilote dans l’avion algérien. Plus que jamais, le système de gouvernance est une boite noire. Plus grave, l’armée algérienne, qui a toujours été le premier et le dernier recours dans les moments de crise, est divisée comme jamais.

Trois clans semblent s’affronter au sein de l’institution militaire. Le premier, le plus puissant pour l’instant, s’impose sous l’autorité du chef d’état major et vice ministre de la défense Nationale, Gaïd Salah; le second est regroupé autour du général Tartag, qui, sous l’ombrelle de la Présidence algérienne, a été nommé à la tète de la Direction du Service de Sécurité (DSS), héritier du Département Renseignement et Sécurité (DRS) et préposé aux basses oeuvres de Said Bouteflika, le frère du Président; le troisième groupe qui n’est pas le moins influent est constitué par les réseaux du général Mohamed Mediène, dit Toufik, qui fut, pendant un quart de siècle, le chef redouté du DRS et le vrai patron de l’Algérie.

L’omniprésent Gaïd Salah

Les Algériens ne peuvent échapper désormais à l’image du général Ahmed Gaïd Salah qui fait l’ouverture de tous les JT du pays. Les réunions entre le chef d’état major, Gaïd Salah, en tenue militaire, avec ses collaborateurs occupent les journées télévisées pendant plusieurs longues minutes. La voix du « généralissime »  transmise par la télévision est ferme et autoritaire.

C’est comme s’il fallait à tout prix faire oublier la silhouette pathétique du Président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Lequel, lors de ses apparitions qui restent exceptionnelles, se tient assis sur sa chaise roulante que grâce aux courroies qui sanglent péniblement le corps usé de ce chef d’état épuisé.

« Moi ou le chaos »

Ces images d’une autre époque viennent quotidiennement apporter la preuve de la toute puissance de Gaïd Salah, ou du moins de sa mainmise sur la télévision nationale. Le Président est en fin de vie, mais son vice ministre de la Défense reste vaillant et rassurant. Une des cartes maitresses de Gaïd Salah est d’être un des rares gradés de la puissante armée algérienne à avoir débuté sa carrière à l’époque de la légendaire ALN, le bras armé du FLN durant la guerre d’indépendance.

Les rares discours du chef d’état major retransmis sur les médias algériens tendent à donner cette impression de solidité. « Nous serons l’oeil qui ne se refermera jamais, déclarait Gaïd Salah récemment, dans l’intérêt de l’Algérie et contre ses ennemis ». »

Moi ou le chaos », tel est le message subliminal que tente, à la façon du général de Gaulle, de faire passer le général Gaïd Salah. Lequel ne cache plus devant ses proches de se présenter aux élections présidentielles du mois d’avril si la classe politique algérienne ne parvient pas à définir les conditions d’une transition pacifiée. Et pour l’instant, le bilan est miné par les tentatives du camp présidentielle de favoriser une solution où Saïd Bouteflika jouerait le rôle de faiseur de Roi.

Le « cinquième mandat » aux oubliettes

Du coté du Palais de Zéralda, où le Président Bouteflika est l’objet de soins intensifs, l’obsession est de gagner du temps dans une espèce de course pathétique vers l’abime. L’objectif de Saïd Bouteflika est de trouver un successeur à son propre frère qui soit susceptible de garantir au clan familial une sécurité judiciare à l’heure des règlements de compte.

Ces derniers mois, la Présidence a donc défendu le projet improbable, voire ahurissant, d’un cinquième mandat du Président Bouteflika. Une façon, faute de stratégie claire, d’éteindre le débat public. Toute allusion à la santé du Président était condamnée et les transports sanitaires de Bouteflika vers des cliniques européennes considérés comme des secrets d’état.

On n’en est plus là. Le scénario du « 5eme mandat » qui suscitait un scepticisme grandissant chez les partenaires internationaux de lAlgérie, France et Etats-Unis en tète, n’est plus à l’ordre du jour. Un secrétaire général du FLN, qui avait brandi « le cinquième mandat » en décembre s’est retrouvé démissionné et finalement hospitalisé.

Toutes les tentatives imaginées pour trouver une « solution » favorable au clan présidentiel n’ont, pour l’instant, guère abouti. Grace à son emprise grandissante sur la plupart des institutions algériennes, l’Etat Major a réussi à faire avorter la plupart des scénarios imaginés au Palais de Zéralda. La piste d’un ou de deux vice présidents s’est embourbée. Le report des élections est évoqué par des partis politiques, mais sans calendrier précis. L’Etat-Major enfin se garde bien de soutenir la moindre candidature précise, alors qu’il tente encore de consolider ses positions dans l’appareil sécuritaire.

Des réseaux dormants

La valse des renvois et des nominations de hauts gradés, ces derniers mois, laisse perplexe. D’autant plus que ces changements interviennent au plus haut niveau de l’armée et de la police. On a vu ainsi des chefs de région militaire, ces grands féodaux qu’on croyait intouchables, emprisonnés pendant quelque semaines, accusés des pires complots par des « sources » autorisées, puis enfin relâchés sans plus d’explications.

Autant de changements brutaux qui traduisent des luttes sourdes entre les lieutenants de l’actuel chef d’état major, Gaïd Salah, et les partisans du général Toufik, l’ancien chef du DRS qui dans l’ombre ne manque pas d’activer ses réseaux.

Les changements intervenus à la tète du Renseignement militaire (ou DCSA), la garde rapprochée de Gaïd Salah au sein de l’armée, témoignent de l’âpreté de ces violentes bagarres au sein de l’institution militaire. A la fin du mois d’aout, le général Benmiloud Atmane, surnommé « le caniche » par ses hommes en raison de son chien qu’il traine partout, est nommé chef de la DCSA. Cet homme sans envergure mais qu’on dit loyal supervise notamment, au nom de l’armée, les perquisitions et les convocations dans le très lourd dossier dit de la cocaïne, qui éclabousse de nombreuses personnalités, notamment dans l’entourage du clan présidentiel.

Trois mois après, le général Athmane est brutalement remplacé, après avoir été admis, quelques jours avant sa révocation, à l’hôpital militaire de Aïn-Naâdja suite à un malaise cardiaque. A l’époque, les proches de Gaïd Salah ont expliqué qu’Athmane était en relations permanentes avec le général Toufik. Autrement dit, le traitre aurait joué double jeu. Pire, il aurait même orchestré l’arrestation des chefs de région pour nuire à la volonté de rassemblement de Gaïd Salah. Lequel, à l’évidence, ne semble pas en mesure de contrer certains coups tordus au sein du sérail militaire.

Sauver les meubles

Beaucoup de « décideurs » algériens pourraient pourtant se rallier, dans un contexte incertain, à une armée algérienne qui a toujours été, selon le mot de feu le Président Boumedienne, « la colonne vertébrale » du régime. Le sérail algérien qui a survécu à une quasi guerre civile dans les années 1990 (150000 morts), fera tout pour sauver un système qui leur a permis, depuis l’indépendance, d’accaparer à quelques uns une manne pétrolière abondante. Il leur faut bien, malgré les sourdes luttes claniques, dégager un consensus entre un clan présidentiel considérablement affaibli et un chef d’état-major qui est le seul, par défaut, à incarner l’unité nationale.

Le général Gaïd Salah parviendra-t-il pour autant à restaurer, dans les semaines qui viennent, la cohésion de l’institution militaire? Saura-t-il promouvoir une solution politique qui soit crédible? Pourra-t-il rassurer les Français qui n’aiment guère cet ami des Russes et cet adversaire déclaré du Maroc?

Tous pronostic sur l’Algérie reste un exercice périlleux

*Source : Mondafrique

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