Par Luc Michel. Le 13.01.2019, Sur Afrique Média.
Derrière les ‘Gilets Jaunes’ français, et leur difficile internalisation en Belgique, en Serbie, au Mali ou au Liban, il y a une dimension géopolitique et géoidéologique : nous sommes face à la première révolte populaire contre la Globalisation libérale made in USA. Cette globalisation précisément que représente le président français Macron !
L’ACTU – CE DIMANCHE 13 JANVIER 2019 SUR AFRIQUE MEDIA/
Où vont les ‘Gilets Jaunes’ ? (IIIe analyse de la révolte après le succès de l’Acte IX)
Fort regain de mobilisation pour le 9e samedi d’action, au moins 92 000 manifestants en France ! Les « Gilets jaunes » étaient appelés à se retrouver à Paris, à Bourges. À Bordeaux et dans plusieurs autres villes de France, samedi, pour une nouvelle journée d’action nationale.
DOSSIER LES ‘GILETS JAUNES’ PREMIÈRE RÉVOLTE POPULAIRE CONTRE LA GLOBALISATION MADE IN USA
Quel avenir pour la révolte des ‘Gilets Jaunes’ ?
LA FRANCE DU RÉGIME MACRON LABORATOIRE IDÉOLOGIQUE ET SOCIO-POLITIQUE DE L’INTÉGRATION EUROPÉENNE DANS LA GLOBALISATION …
« Je crois au bloc occidental. Je pense qu’aujourd’hui, en termes de sécurité et d’économie, nous en avons encore plus besoin (…) Nous avons donc besoin d’un bloc occidental cohérent et convergent » – Emmanuel Macron (‘Monocle, mars 2017).
«En France, nous n’avons pas réussi à atteindre le type de compromis social nécessaire pour créer le modèle du monde anglophone, qui tolère bien plus d’inégalités. Nous devons également reconsidérer le système de chômage et de formation professionnelle. Il s’agit de droits et d’obligations; les gens ne devraient pas être autorisés à refuser une offre d’emploi décent si cela correspond à leurs qualifications» – Emmanuel Macron (‘Monocle, New-York, Londres et Hong-Kong, mars 2017).
Derrière les ‘Gilet Jaunes’ français, et leur difficile internalisation en Belgique, en Serbie, au Mali ou au Liban, il y a une dimension géopolitique et géoidéologique : nous sommes face à la première révolte populaire contre la Globalisation libérale made in USA. Cette globalisation précisément que représente le président français Macron.
« Emmanuel Macron dit vouloir faire de la politique autrement, et se pose en défenseur des oubliés du système social. Il défend en fait, en creux, un programme très libéral, largement inspiré du modèle anglo-saxon (…) Sous couvert de générosité sociale, Emmanuel Macron entend donc faire basculer vers la France vers un système beaucoup plus libéral et individualiste. Vous avez dit hypocrisie ? » – ‘La Tribune’ (Paris, 16 nov. 2016).
« Young Leader » (promotion 2012) de la ‘French American Foundation’, Macron était le choix politique des réseaux d’influence américains en France, le «parti américain» disaient de Gaulle et Thiriart, la «5e colonne US». Macron a pour programme et objectifs l’alignement géopolitique de Paris sur Washington (le « renforcement » du «Bloc occidental» dit-il). Mais aussi un objectif social en France et dans l’UE : la liquidation du modèle social euro-français (qui domine aussi notamment en Allemagne ou en Belgique) et l’imposition du modèle social anglo-saxon nord-américain et britannique (« le modèle du monde anglophone, qui tolère bien plus d’inégalités » dit-il aussi).
Macron est perçu à juste raison comme «le président des riches». Mais ce sont les riches définis comme les élites « gagnantes » de la globalisation made in USA : les très riches et les nouvelles classes moyennes émergentes. Macron, rappelons-le, est l’élu de cette minorité, 64% des 50% des Français qui sont allés voter (outre les manipulations électorales), soit un tiers des citoyens. Soit une “démocratie“ réduite aux “gagnants de la globalisation” …
Le vrai Macron est à trouver dans une interview, donnée en anglais, à l’influente revue anglo-saxonne (New-York, Londres, Hong-Kong) ‘Monocle’, en mars 2017 (1), alors que celui-ci n’était encore que candidat. Et voir, l’importance donnée à l’entretien, le choix de l’élite anglo-saxonne: «Emmanuel Macron est un politicien en mission. Nous parlons à l’homme qui pourrait être le prochain président de la France». Macron, et c’est révélateur du monde idéologique qui est interviewé par Christine Ockrent, épouse de Bernard Kouchner, figure de proue de ces «néocons à passeport français» (2). Le discours, et le moment où il est donné, à destination du public anglo-saxon, permet de penser que c’est ce que Macron pense réellement, est celui d’un fidèle partisan du Bloc américain.
Sur le plan social, Macron se prononce contre le modèle euro-français et pour le modèle du «monde anglo-saxon» (ce pour quoi il sera élu) :
«Nous avons un système qui vise une économie de récupération, pas une économie d’innovation. En fait, nous sommes aujourd’hui le plus grand pays européen à n’avoir pas résolu le problème du chômage de masse. Nous avons besoin d’un système similaire à ceux de l’Allemagne et des pays scandinaves. En France, nous n’avons pas réussi à atteindre le type de compromis social nécessaire pour créer le modèle du monde anglophone, qui tolère bien plus d’inégalités. Nous devons également reconsidérer le système de chômage et de formation professionnelle. Il s’agit de droits et d’obligations; les gens ne devraient pas être autorisés à refuser une offre d’emploi décent si cela correspond à leurs qualifications».
Ajoutons qu’il annonce clairement la couleur. Il sera le président des riches (soit une “démocratie“ réduite aux “gagnants de la globalisation”) :
«Je veux recréer la mobilité sociale et économique. Je dénonce les règles d’un système qui s’est refermé sur lui-même et qui aujourd’hui a créé le malheur dans nos sociétés. Il y a une crise des classes moyennes. Dans les sociétés occidentales, en raison de la mondialisation du capitalisme, les «1%» – les plus riches – ont énormément profité. Les classes moyennes des pays émergents ont aussi, mais les classes moyennes des pays occidentaux ne l’ont pas. La transformation du capitalisme mondial, que nous traversons, menace notre démocratie. Je suis tout pour dénoncer le système politique actuel mais j’essaye de le faire avec des arguments rationnels et en discutant des faits, tout en faisant des propositions dynamiques».
LES ENJEUX IDÉOLOGIQUES DU RÉGIME MACRON
Ironiquement, c’est à un autre ancien «Young Leader» (promotion 1996) de la ‘French American Foundation’ (3), Laurent Joffrin, le directeur du journal de la gauche «bobo-caviar» ‘Libération’, que l’on doit la meilleure analyse des enjeux idéologiques du Régime Macron !
Commentant un Rapport de l’économiste marxisant Piketty, il écrit ce qui suit (dans sa ‘Lettre’ quotidienne du 18 déc. 2017) :
«On peut dire beaucoup de mal de ce vieux continent poussif, nostalgique, déprimé à bien des égards. On peut dire beaucoup de mal de cette Union brinquebalante qui va de compromis boiteux en arrangements obscurs, empêtrée dans l’écheveau des égoïsmes nationaux et déstabilisée par le vent libéral qui souffle en tempête depuis des décennies. Pourtant, l’impressionnant rapport élaboré par Thomas Piketty et ses amis économistes corrige quelque peu ce sombre tableau. Au bout du compte, l’Europe qui a maintenu vaille que vaille un Etat-providence en état de marche, qui a conservé des taux d’imposition redistributifs, qui a investi massivement dans l’éducation, a somme toute résisté à la révolution conservatrice lancée par Ronald Reagan, et Margaret Thatcher au début des années 80. L’inégalité majeure qui devient la règle dans les autres parties du monde y est moindre, le fossé entre riches et pauvres moins profond et une forme de société plus équilibrée, moins dure aux faibles, a survécu aux réformes imposées partout par des gouvernants libéraux, c’est-à-dire, en fait, par les riches.Ce résultat qui relégitime l’intervention collective dans l’économie pose du coup un problème politique aigu à Emmanuel Macron, du moins tel qu’on le voit gouverner la France depuis six mois. Qu’est-ce au fond que sa politique, in fine, sinon une tentative peinte de couleurs attrayantes pour rapprocher la France du modèle anglo-saxon ? Réduction des impôts pour les classes favorisées, libéralisation du marché du travail, ode à l’initiative individuelle et à la réussite matérielle : le macronisme est un libéralisme à visage juvénile. Il peut aboutir à un redressement économique. Mais il y a fort à parier qu’il débouchera sur des inégalités plus grandes. C’est-à-dire à l’inverse des préconisations contenues dans le rapport Piketty » …
C’est précisément ce modèle social anglo-saxon et cette inégalité sociale de la jungle ultra-libérale de la Globalisation américaine que refusent les ‘Gilets Jaunes’ !