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27 avril 2024

Les intellectuel(le)s français : chiens de garde des puissants 


Les intellectuel(le)s français : chiens de garde des puissants (2/2)

Robert Bibeau

Juil 31

 Par Khider Mesloub.

La première partie de ce pamphlet est disponible ici :
Les intellectuel(le)s français : chiens de garde des puissants (1/2) – les 7 du quebec

 

La Commune est cet événement historique où le peuple parisien s’empara du pouvoir pour l’exercer pour le peuple. Effectivement, du 18 mars au 21 mai 1871, le pouvoir fut concentré entre les mains du peuple. Au cours de cette phase révolutionnaire, la Commune avait gouverné la ville de Paris. La Commune organisa la société dans l’unique intérêt du peuple. Elle fut le premier « État des travailleurs », première expérience de l’autogestion populaire. Durant cette éphémère période de prise de pouvoir par le peuple, la classe dominante, réfugiée à Versailles, avait déployé tous les moyens meurtriers pour récupérer les rênes de son pouvoir. Jusqu’à se compromettre avec l’Allemagne de Bismarck, la veille encore combattue sur les champs de bataille.

La Commune de Paris donna immédiatement lieu à des réactions véhémentes hystériques. Tout ce qui comptait en France d’écrivains et d’intellectuels manifesta pour le mouvement et pour ses protagonistes une haine assassine. Un esprit vindicatif génocidaire.

Sans surprise, actuellement, de nouveau on assiste de la part des élites françaises otaniennes, sur le chapitre de la politique extérieure, à la même manifestation de haine vindicative et belliqueuse à l’égard des Russes, depuis l’invasion de l’Ukraine. D’aucuns, notamment des généraux, des écrivains ou des journalistes, sur les plateaux télé, sans être aucunement officiellement en guerre, appellent ouvertement à assassiner Poutine, à s’enrôler dans l’armée ukrainienne pour combattre, abattre les Russes. Et sur le chapitre de la politique intérieure, au même déferlement de diatribes vindicatives scélérates à l’endroit des jeunes prolétaires insurgés contre le système à la suite de l’assassinat de Nahel, à l’égard de leurs parents, accusés d’être responsables de l’embrasement de la France.

Contre la Commune de Paris, la bourgeoisie, effrayée par le renversement de son ordre social, trouva aussitôt un allié de poids : l’intelligentsia littéraire, qui mit sa vénale plume au service des classes dominantes. Dans un sursaut d’union sacrée de classe, la majorité des écrivains (petits-bourgeois) s’associa à la bourgeoisie pour fustiger la Commune de Paris, pourfendre les révolutionnaires. La Commune de Paris déchaîna aussitôt, chez ces tirailleurs littéraires, un tombereau d’injures et de falsifications (« falses news »).

À l’exception notable de Jules Vallès, Arthur Rimbaud, Paul Verlaine et Villiers de l’Isle-Adam, partisans de la Commune, et hypocritement de Victor Hugo qui conserva une neutralité lâche et calculée, tous les écrivains de l’époque fusionnèrent et communièrent dans une haine inexpiable contre les communards. Ces écrivains s’emportèrent avec virulence contre la Révolution parisienne, « gouvernement du crime et de la démence », selon Anatole France.

Par-delà leurs divergences idéologiques, tous ces écrivains trempèrent leurs plumes venimeuses dans l’encrier sanguinolent versaillais pour éructer leur belliqueuse hostilité assassine contre la Commune, appeler au massacre des communards. Ils transformèrent symboliquement leurs plumes en baïonnettes prêtes à écrire en lettres rouge sang leurs œuvres criminellement bourgeoises.

Actuellement, ces écrivaillions, nullement vaillants, éructent depuis les rédactions de leur journal, les plateaux télé ou leur bureau leur belliqueuse animosité assassine contre les Russes, les nouveaux ennemis déclarés de l’Occident décadent. Contre les Arabes et musulmans, devenus la cible des élites intellectuelle françaises xénophobes.  Notamment de Michel Houellebecq, écrivain devenu, depuis 20 ans, orfèvre en matière de haine des Arabes et des musulmans, néanmoins décoré de la Légion d’honneur par Macron. En effet, le 18 avril 2019 l’islamophobe « intellectuellement terroriste » (n’avait-il pas déclaré lors de son dialogue avec Michel Onfray : « Je pense que des actes de résistance auront lieu. Il y aura des attentats et des fusillades dans des mosquées, dans des cafés fréquentés par les musulmans, bref des Bataclan à l’envers » : implicitement il invite la population française gauloise à s’armer pour se préparer à perpétrer des attentats contre les musulmans, à les combattre -abattre- les armes à la main : le policier,  meurtrier de Nahel, a bien suivi les conseils de Houellebecq) recevait des mains du président de la République française la médaille de la honte, autrement dit celle de la légitimation du racisme, de l’adoubement ségrégationniste. Et depuis le 27 juin 2023, en sus des Russes et des Arabes, contre les jeunes prolétaires des banlieues populaires insurgés contre le système du Capital.

Si ce soulèvement généralisé cristallise toutes les attaques de la part des élites bourgeoises françaises, sonnées par la fulgurance de l’embrasement du territoire, c’est parce que ce soulèvement, par son étendue et sa radicalité, dépasse amplement celui de 2005. Et à la différence de 2005, sans nul doute, avec l’insurrection juvénile de l’été 2023, nous avons eu affaire à une révolte politique visant directement les symboles du pouvoir d’État, honni et contesté. Contrairement à ce que laisse entendre le narratif officiel médiatique et étatique tendant à criminaliser et dépolitiser ce mouvement insurrectionnel incendiaire, la révolte des jeunes s’inscrit dans une dynamique de la lutte des classes actuellement en pleine exacerbation. Et ce n’est pas innocent si les institutions publiques ont été visées par les jeunes. Quant aux pillages dénoncés par les élites, ils corroborent la dimension sociale de cette révolte populaire, la profondeur de la crise économique qui frappe la France en voie de tiers-mondisation, car ils impriment à ce soulèvement généralisé une configuration de « révolte de la faim », fréquemment observée dans les pays pauvres. (Voir Après le règne par la Peur voici la gouvernance par la Terreur – les 7 du quebec).

En tout cas, pour venir à bout de cette révolte juvénile populaire, il a fallu la mobilisation de plus de 45.000 policiers et gendarmes ainsi que d’unités spéciales comme la Brigade de recherche et d’intervention (BRI) ou le GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale).

À l’époque de la Commune, toutes obédiences politiques confondues, depuis les écrivains conservateurs à l’instar de Maxime Du Camp et Gustave Flaubert, en passant par les royalistes comme Alphonse Daudet, le comte de Gobineau, Ernest Renan, la comtesse de Ségur, Taine et bien d’autres, jusqu’aux réactionnaires Leconte de Lisle et Théophile Gautier, tous ces écrivains troquèrent leur costume de salon contre l’uniforme de mercenaire scribouillard, endossé pour épauler les Versaillais dans leur croisade bourgeoise génocidaire.

Outre ces écrivains de l’Ancien régime, s’agrégèrent à la canonnade contre la Commune les plumitifs de sensibilité républicaine, comme François Coppée, Anatole France, George Sand, Émile Zola (oui, cet écrivain encensé comme un progressiste était en vrai un partisan de la nouvelle République bourgeoise génocidaire et colonialiste, autrement dit la Troisième République née sur le massacre de masse de la Commune de Paris et la théorisation pédagogique de la politique colonialiste exterminatrice dispensée par l’école de Jules Ferry, lui-même fervent partisan du colonialisme), pour ne citer que les plus célèbres.

En dépit de quelques nuances dans leurs diatribes hystériques anti-communardes, la dénonciation des communards fut unanimement partagée par l’ensemble de ces écrivains (aujourd’hui encore édités, publiés et enseignés à l’école, tandis que de célèbres écrivains des années 1900-1940 ont été bannis du système scolaire et des librairies en raison de leur collaboration avec le régime de Vichy). Parmi les plus virulents propagandistes zélés, d’aucuns décidèrent de rejoindre le chef du pouvoir exécutif, Thiers, à Versailles, le boucher de la Commune, pour le seconder dans ses préparatifs de la répression, du génocide de la population parisienne insurgée.

Dans leurs violentes campagnes anti-communardes, ces écrivains versèrent dans une outrance verbale haineusement meurtrière, emplie de préjugés de classe. Toute cette engeance littéraire communiait dans une aversion aristocratique des classes laborieuses. Pour ces parasites intellectuels, les classes laborieuses étaient avant tout des classes dangereuses (aujourd’hui, ce sont les jeunes prolétaires insurgés contre le système qui sont taxés de voyous nuisibles par leurs descendants intellectuels : écrivains, journalistes, politiciens). Aux yeux injectés de haine de ces plumitifs réactionnaires, la Commune était l’œuvre de la « canaille », de la « populace », « mue par l’envie » (Macron est allé à bonne école versaillaise en usant de termes avilissants contre les Gilets jaunes, qualifiés notamment de “foule haineuse”).

Au reste, ils comparaient le prolétariat à une « race nuisible », les travailleurs à des « bêtes enragés », à des « nouveaux barbares » menaçant la « civilisation » (leurs descendants, la bourgeoisie culturelle contemporaine, ciblent de nos jours les jeunes rebelles, notamment d’origine maghrébine et de confession musulmane, qualifiés de « barbares menaçant la civilisation française »). Les communards furent affublés de tous les qualificatifs dégradants et effrayants :« brigands », « barbares », « Peaux-rouges », « cannibales ».

De nos jours, sous la plume des chiens de garde de l’ordre établi, reviennent fréquemment les termes de « racailles », « ensauvagement » pour qualifier les classes populaires rebelles, notamment celles issues de l’immigration postcoloniale, en particulier de confession musulmane. Depuis le déclenchement de la guerre d’Ukraine, ces infâmes qualificatifs sont dorénavant proférés contre les Russes, les nouveaux barbares de « l’Occident civilisé » en Croisade contre la Russie. Les capitalistes occidentaux, en général, et de France, en particulier, s’inventent constamment des nouveaux ennemis, intérieurs ou extérieurs, pour nourrir leur bellicosité atavique : les Juifs (pendant des siècles), les Boches, les Bolcheviks, les Russes, les Ritals, les Polacks, les Bougnoules, les Musulmans, les Arabes, les Noirs, les Chinois (contre lesquels l’Angleterre avait livré deux guerres de l’opium), etc.

Indubitablement, il est de la plus importance historique de rappeler l’issue sanglante de la Commune de Paris (que l’actuelle classe régnante française, soutenue par ses élites intellectuelles enragées, n’hésitera pas à réitérer dans un proche avenir, à la faveur des inévitables soulèvements populaires provoqués par la dégradation des conditions de vie, comme on vient d’avoir un aperçu avec la révolte des jeunes des quartiers populaires.

En effet, du 22 au 28 mai 1871, la Commune fut réprimée dans le sang par les troupes de Versailles. Bilan de cette « semaine sanglante » : près de 30 000 personnes massacrées (5000 par jour, uniquement dans Paris), 46 000 arrestations, 10 000 déportations (parmi les déportés expédiés dans les bagnes de la Nouvelle-Calédonie figure la célèbre révolutionnaire Louise Michel, qui se liera d’amitié avec beaucoup d’Algériens de Kabylie, internés également dans ces bagnes calédoniens à la suite de la révolte des El-Mokrani, monumentale insurrection contre le pouvoir colonial français, survenue en Algérie le 16 mars 1871, deux jours avant le déclenchement de la Commune de Paris : les grands esprits révolutionnaires se rejoignent.

Pour information, à la suite du soulèvement généralisé consécutif à l’assassinat de Nahel, en l’espace de 4 nuits de révolte seulement, le pouvoir a interpellé et mis en garde à vue presque 4000 jeunes, dont 1200 mineurs. Quasiment 1000 jeunes ont été déférés devant la justice, où ils ont été humiliés et condamnés par des juges animés d’un mépris de classe innommable. Preuve de la violence de l’institution judiciaire mobilisée au service de la bourgeoisie déterminée à sévir contre les jeunes rebelles pour en faire un exemple, au total 380 personnes ont été incarcérées.

Durant la Commune, la bourgeoisie, éprouvée par la frayeur de sa probable disparition, scandalisée par l’audace du peuple parisien d’avoir pris les commandes du pouvoir et tenté de briser les bases du système capitaliste, fit chèrement payer, pour l’exemple, cette «hérésie» révolutionnaire aux communards. (À l’époque actuelle, sa descendante classe bourgeoise mondiale fait chèrement payer

aux classes populaires massivement révoltées ces dernières années, notamment en France, à Hongkong, au Liban, au Chili, etc., leur audacieuses insurrections, par la dégradation de leurs conditions de vie, le musèlement de leurs droits d’expression, la restriction de leurs libertés collectives, l’écrasement de leur esprit frondeur obtenu au moyen de l’instauration généralisée du despotisme sanitaro-sécuritaire, la militarisation de la société, du terrorisme social opéré par la paupérisation généralisée des populations, cette nouvelle arme de neutralisation et d’annihilation par la famine, organisée par le capital mondialisé, orchestrée au moyen de l’endommagement des chaînes d’approvisionnement alimentaire et du renchérissement des prix des matières énergétiques, véritables mesures politiques de sabordage et de sabotage économique ourdies par les puissants aux fins de briser psychologiquement les populations, anéantir leur force de résistance, pour les enrôler plus aisément dans la guerre mondiale en préparation.)

Edmond de Goncourt ne s’était pas trompé dans son verdict apologétique scélérat lorsqu’il écrivit : « les saignées comme celle-ci, en tuant la partie bataillante d’une population, ajournent d’une conscription la nouvelle révolution. C’est vingt ans de repos que l’ancienne société a devant elle. »

Actuellement, en 2020-2023, avec la terreur « covidatoire » et la propagation de la psychose d’une guerre nucléaire, le carnage économique et le massacre social, les gouvernants tentent – illusoirement ? – de nous extirper le goût de la révolte pour cinquante ans, nous confiner à une existence de survie nourrie d’obéissance et de soumission, gavée de répressions, rassasiée d’arrestations, garnie d’incarcérations, le tout sur fond de guerres impérialistes permanentes démographiquement épuratrices.

Quant à Gustave Flaubert, pour sa part la répression ne fut pas suffisamment cruelle, car il estima « qu’on aurait dû condamner aux galères toute la Commune et forcer ces sanglants imbéciles à déblayer les ruines de Paris, la chaîne au cou, en simples forçats. Mais cela aurait blessé l’humanité. On est tendre pour les chiens enragés, et point pour ceux qu’ils ont mordus. »

Des propos que n’auraient pas désavoués l’élite intellectuelle contemporaine, qu’auraient pu être écrits ou prononcés par Bernard Henry Levy ou Luc Ferry, par la confrérie servile des intellectuels et la corporation vénale des journalistes contemporains officiant sur les chaînes d’information en continu, contre les jeunes insurgés après l’assassinat de Nahel.

Ainsi, tous les écrivains apportèrent leur soutien au régime sanguinaire de Versailles. Ils approuvèrent, cautionnèrent et bénirent cette répression sanglante, ce génocide de la population parisienne (comme, à notre époque, l’ensemble de la corporation médicale, scientifique, intellectuelle, politique aura cautionné le génocide sociale et l’extermination économique perpétrés par les gouvernants, ces représentants du Grand capital financier international, d’abord sous couvert de la crise sanitaire du Covid-19, et, aujourd’hui, sous prétexte de la guerre d’Ukraine ou de la crise énergétique). (sic)

Une chose est sûre : la Commune de Paris favorisa, dans l’esprit de cette engeance intellectuelle, l’éclosion d’une imagination débridée haineusement anti-ouvrière (comme le déclin actuel de la France favorise l’imagination débridée haineusement anti-arabe et islamophobe de la majorité des intellectuels français. La France, aux heures sombres, verse toujours dans la politique de bouc-émissairisation, pour tenter de rallumer la flamme de l’unité nationale menacée d’implosion, recouvrer ses Lumières…, en vrai depuis longtemps éteintes, et à jamais).

En effet, cette élite intellectuelle rédigea dans une prose réactionnaire des textes incendiaires émaillés de métaphores animalières ou médicales, à la connotation dégradante dégoulinante de mépris de classe. Elle usa de termes hérissés de peurs et d’épouvantes propres à susciter parmi l’opinion publique l’effroi et la terreur. (Michel Houellebecq et Éric Zemmour – et les millions de leurs fervents sectateurs – sont les dignes nauséabonds héritiers de cette engeance intellectuelle française versaillaise terroriste).

Pour la majorité de ces écrivains, la Commune était l’expression d’une imperfection congénitale biologique, d’une dépravation morale (sic). La Commune était l’illustration de « la lutte du Bien contre le Mal, de la civilisation contre la barbarie, de l’ordre contre l’anarchie, de l’intelligence contre la bêtise, de la tête contre le ventre, du devoir contre l’égoïsme, du travail contre la paresse, de l’élite contre l’engeance populaire ».  (Aujourd’hui, d’aucuns diraient de l’Occident civilisé contre la Russie barbare ou le monde musulman, de la civilisation républicaine française contre la barbarie populaire immigrée arabe et musulmane.)

Voici un florilège des textes de ces écrivains enragés, engagés contre la Commune.

« Que l’humanité est une sale et dégoûtante engeance ! Que le peuple est stupide ! C’est une éternelle race d’esclaves qui ne peut vivre sans bât et sans joug. Aussi ne sera-ce pas pour lui que nous combattrons encore, mais pour notre idéal sacré. Qu’il crève donc de faim et de froid, ce peuple facile à tromper qui va bientôt se mettre à massacrer ses vrais amis ! », avait sentencieusement martelé Leconte de Lisle. (« Qu’il crève donc de faim et de froid, ce peuple facile à tromper » : n’est-ce pas le programme politique des bourgeoisies européennes « versaillaises » contemporaines appliqué à leurs respectives populations, notamment par les pénuries organisées et l’inflation spéculative, en premier lieu par le gouvernement Macron ?)

Ailleurs, à propos des communards, Leconte de l’Isle avait dénoncé ainsi « cette ligue de tous les déclassés, de tous les incapables, de tous les envieux, de tous les assassins, de tous les voleurs, mauvais poètes, journalistes manqués, romanciers de bas étage ». Tandis qu’Alphonse Daudet voyait plutôt des « têtes de pions, collets crasseux, cheveux luisants. » Pour Anatole France, les communards n’étaient qu’« un comité d’assassins, une bande de fripouillards, un gouvernement du crime et de la démence ».

Ernest Feydeau avait précisé que « ce n’est plus la barbarie qui nous menace, ce n’est même plus la sauvagerie qui nous envahit, c’est la bestialité pure et simple ». Théophile Gautier acquiesçait : les communards sont des « animaux féroces », des « hyènes » et des « gorilles », qui « se répandent par la ville épouvantée avec des hurlements sauvages ».  En juillet 2023, lors du soulèvement généralisé des jeunes prolétaires des quartiers populaires, les syndicat Alliance et UNSA Police, soutenus par la majorité de la population française marquée à l’extrême droite, ont diffusé un communiqué martial et ultra-violent qui rappelle les diatribes des anti-communards.  « Face à ces hordes sauvages, exiger le calme ne suffit plus, il faut l’imposer », « l’heure n’est pas à l’action syndicale mais à la lutte contre ces « nuisibles » », « nous sommes en guerre », « nous savons déjà que nous revivrons cette chienlit ».

Avec des métaphores médicales, la Commune était selon Maxime Du Camp « un accès d’envie furieuse et d’épilepsie sociale », et selon Émile Zola « une crise de nervosité maladive », « une épidémique fièvre exagérant la peur comme la confiance, lâchant la bête humaine débridée, au moindre souffle ».

Sur un ton paternaliste, un autre écrivain, Maurice Montégut, s’épanchait avec sollicitude sur les pauvres : « La paix et la concorde doivent venir d’en haut, descendre, ne pouvant monter. C’est le devoir des compréhensifs, des forts, de tendre la main aux faibles, aux enténébrés. Comment en vouloir à la foule – puisque l’on ne fait rien pour l’éclairer, l’instruire – d’avoir gardé l’atavique instinct des brutes préhistoriques, au temps où les ancêtres cannibales, dans les forêts monstrueuses, ne se rencontraient que pour se dévorer sur le seuil des cavernes ? Avec un peu de douceur, beaucoup de charité, on apaise les bêtes frustres qui tendent le dos, se soumettent sous l’étonnement d’une caresse ».

Pour certains écrivains, l’esprit égalitaire de la Commune offusquait leur conception élitiste et aristocratique de la société. Ainsi, Taine écrit avec ironie, sur un ton persifleur : « Le patron, le bourgeois, nous exploite, il faut le supprimer. Moi ouvrier, je suis capable, si je veux, d’être chef d’entreprise, magistrat, général. Par une belle chance, nous avons des fusils, usons-en et établissons une République où des ouvriers comme nous soient ministres et présidents ».

Renan, pour qui l’Allemagne constituait un modèle, avait estimé que « l’essentiel est moins de produire des masses éclairées que de produire de grands génies et un public capable de les comprendre ».

De même, les femmes « communardes » n’avaient pas été également épargnées par les outrances verbales de ces écrivains sanguinaires versaillais. Ces femmes, appelées aussi les pétroleuses (femmes qui, pendant la Commune, auraient allumé des incendies avec du pétrole), étaient comparées à des « louves » ou des « hyènes ». Ainsi, Arthur de Gobineau, théoricien du racisme, écrit : « Je suis profondément convaincu qu’il n’y a pas un exemple dans l’histoire d’aucun temps et d’aucun peuple de la folie furieuse, de la frénésie fanatique de ces femmes. » (Remplacez « femmes » par Arabes ou musulmans, et vous retrouvez la même nauséabonde atmosphère culturelle assassine versaillaise dans la société française contemporaine).

Un autre écrivain moins célèbre, Ernest Houssaye, avait déclaré quant à lui : « Pas une de ces femmes n’avait une figure humaine: c’était l’image du crime ou du vice. C’étaient des corps sans âme qui avaient mérité mille fois la mort, même avant de toucher au pétrole. Il n’y a qu’un mot pour les peines : la hideur».

Au moment de la répression sanglante des communards, Anatole France jubilait : « Enfin, le gouvernement du crime et de la démence pourrit à l’heure qu’il est dans les champs d’exécution ! ». Anatole France se réjouit du génocide du peuple de Paris (comme l’élite intellectuelle française se réjouira du massacre de masse commis contre les Algériens le 8 mai 1945. Il faut se rendre à l’évidence : c’est la même bourgeoisie culturelle qui de siècle en siècle cautionne tous les massacres commis contre les ouvriers, les indigènes, les « ennemis de la patrie », les immigrés).

Émile Zola se montrait, pour sa part, indulgent envers les Versaillais : « Le bain de sang que le peuple de Paris vient de prendre était peut-être d’une horrible nécessité pour calmer certaines de ses fièvres. Vous le verrez maintenant grandir en sagesse et en splendeur. » ( Michel Houellebecq pourrait reprendre à son compte ces propos : « la douche de bombes que prendrait les musulmans, notamment dans leurs mosquées, serait d’une heureuse nécessité pour réfréner leurs ardeurs»)

Décidément, sous le règne de la domination de classe règne toujours l’abomination de classe, l’extermination sociale. Ainsi, l’histoire nous enseigne que, si en période de « paix sociale » (autrement dit de soumission totale à l’ordre établi), la classe dominante française arbore sereinement le masque hypocrite de la respectabilité « démocratique », en période d’agitations sociales radicalement revendicatives ou insurrectionnelles (et de déclin, comme le vit actuellement la France), la même classe dominante, apeurée, dévoile belliqueusement son véritable visage hideux. Toute sa coutumière phraséologie libérale sur le respect des « Droits de l’Homme » se métamorphose en son contraire.

La répression devient son mode de gouvernance. L’intimidation, sa méthode de gestion barbouzienne. La calomnie, son moyen de communication médiatique. L’incarcération, sa technique de bannissement politique. L’arbitraire, sa conduite procédurale judiciaire. Le mépris, son expression naturelle. La manipulation, sa stratégie étatique machiavélique. Le bellicisme sa conduite officielle. La guerre sa voie de salut.

Le mouvement des Gilets Jaunes Résultats de recherche pour « gilets jaunes » – les 7 du quebec   illustra dramatiquement cette sinistre réalité. Devant la radicalisation de ses revendications, le pouvoir de Macron révéla toute sa cruelle brutalité, son cynisme arrogant. Depuis le début l’année 2023, à la faveur de la mobilisation massive contre la réforme des retraites,  le gouvernement Macron renoue avec sa versaillaise politique despotique, persécutive et répressive. Et, aujourd’hui, depuis le 27 juin 2023, à la faveur de la révolte de la jeunesse contre le système. La bataille des retraites…victoire ou défaite pour les salariés français? – les 7 du quebec

Une chose est sûre : dès que le peuple laborieux, le prolétariat de France, relève la tête, la haine de la classe dominante française s’abat sur lui. Suivie ensuite par les répressions, les internements, puis les massacres de masse, perpétrés toujours avec le soutien politique et la caution idéologique des « chiens de garde » de l’intelligentsia française de gauche comme de droite.

Khider MESLOUB

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