JUSTICE – 1800 condamnés, 1200 en attente de jugement. Édouard Philippe a donné en début de semaine un premier bilan judiciaire de la fronde des gilets jaunes. Ce mercredi 13, c’est au tour de Christophe Dettinger de passer devant la justice. Une comparution très attendue tant les images de l’ancien boxeur frappant des policiers sur une passerelle au-dessus de la Seine lors de l’acte VIII du mouvement, avaient choqué une partie de l’opinion et galvanisé certains gilets jaunes.
Cet ancien champion de France 2007 et 2008 des lourds-légers, devenu star des pages Facebook dédiées au mouvement, doit être jugé pour « violences volontaires en réunion sur personnes dépositaires de l’autorité publique. » Un délit passible de sept ans d’emprisonnement pour ce père de trois enfants au casier judiciaire vierge.
Des pères de famille à bout…
Dans le détail, les gilets jaunes poursuivis comparaissent pour des faits de violences volontaires, de dégradations, de menaces, de rébellion et outrage ou encore de port d’arme prohibé. Une immensité de délits qui raconte l’hétérogénéité d’un mouvement qui descend dans les rues samedis après samedis après avoir organisé des occupations de ronds-points et autres blocages de périphérique.
À Caen, quatre gilets jaunes ont par exemple été condamnés vendredi 1er décembre à des peines allant de neuf mois à deux ans et demi de prison ferme, notamment pour blessures volontaires sur des gendarmes. Parmi eux, deux hommes de 20 et 40 ans, employé agricole pour le premier et chômeur pour le second, ont connu à cette occasion leur premier passage devant le tribunal. Des personnes « rassemblées par de grandes souffrances familiales et personnelles » selon leur avocate, qui n’avaient pas le profil de casseur.
Comme ces manifestants caennais, ils ont été nombreux à plaider l’accès de rage pour expliquer leurs gestes. Le 10 décembre, un trentenaire vivant à Bagnols-sur-Cèze près d’Avignon était condamné à un mois de prison avec sursis pour avoir envoyé des projectiles sur les forces de l’ordre deux jours plus tôt à Paris. Ce père de deux enfants, auto-entrepreneur gagnant 1200 euros par mois se défendait en expliquant qu’il avait vu rouge en étant la cible d’un tir de flashball, ce qui l’aurait poussé à jeter des « petits morceaux de bitume. »
« Je n’étais pas là pour la casse, je ne suis pas un casseur, pas un voyou. J’ai fait 6 heures de route pour me retrouver tout seul ici avec des ecchymoses », regrettait le trentenaire prénommé Damien lors de son passage devant la justice selon un article de France Inter.
Christophe Dettinger explique lui aussi qu’il a réagi en réponse à la violence des forces de l’ordre. Lors de sa brève comparution devant le tribunal, le 9 janvier, il avait dit « regretter (ses) actes » et demandé un délai pour préparer sa défense. Ce père de trois enfants au casier judiciaire vierge avait expliqué avoir eu un accès de colère après avoir « vu des gendarmes matraquer un jeune homme et une femme au sol ».
… aux casseurs professionnels
Outre ces pères de famille éprouvés par des semaines de lutte, d’autres plaident la malchance ou le concours de circonstance. C’est le cas par exemple de Valentin, un jeune homme âgé de 22 ans et vivant chez ses parents dans un petit bourg de Haute-Marne. Présenté devant le juge en comparution immédiate pour « violences volontaires contre les personnes » lors de l’Acte IV du mouvement, il a alors expliqué qu’il avait simplement repoussé une grenade lacrymogène qui lui venait dessus. Quand au tournevis qu’il possédait dans son sac? « Oublié pour le travail », selon ce carrossier-peintre au casier judiciaire vierge et impressionné par la solennité et les débats à en croire France Inter.
Le préfet de police Michel Delpuech dénonçait lui-même parmi les casseurs du 1er décembre 2018 « un très grand nombre de manifestants portant un gilet jaune » et qui n’ont pas hésité par « désinhibition » ou un effet d' »entraînement » à « se livrer eux aussi à des violences injustifiables ».
Mais à leurs côtés se trouvaient également des militants bien plus aguerris, venus des rangs de l’ultragauche comme de l’ultradroite et bien décidés à en découdre avec les forces de l’ordre. Loin des profils iconoclastes des manifestants radicalisés, « ces personnes étaient visiblement rompues aux affrontements avec la police ou aux techniques pour incendier une barricade ou une voiture. Quand des grenades lacrymogènes étaient lancées par les policiers, ils donnaient des consignes aux manifestants et leur enjoignaient de ne pas paniquer et ‘de ne pas courir' », rapportait l’AFP début décembre.
Des membres de groupes extrêmes étaient présents tout au long des journées de mobilisation comme en témoignent de nombreux slogans anticapitalistes scandés dans la foule et l’inscription sur plusieurs murs et magasins de l’acronyme ACAB (All Cops Are Bastards, « tous les flics sont des bâtards ») régulièrement utilisé par la mouvance ultra-gauche.
Ainsi, six jeunes membres de mouvances d’extrême droite ont été condamnés mercredi 10 janvier à des peines allant du sursis à trois mois de prison pour leur « participation à un groupement en vue de commettre des dégradations » lors de la manifestation des gilets jaunes du 1er décembre. Agés de 20 à 27 ans, ils ont tous été relaxés du chef d’association de malfaiteurs, pour lequel ils encouraient cinq ans d’emprisonnement.
Plusieurs d’entre eux ont été condamnés pour des dégradations en réunion, notamment des tags non loin de la place de l’Etoile, et l’un d’entre eux pour rébellion et outrage à agent lors de son arrestation. Des peines bien plus légères que celles requises par le procureur, qui avait demandé jusqu’à un an ferme contre des prévenus ayant « un niveau d’étude très supérieur à la moyenne » et « une passion commune pour la violence », loin du profil habituel des comparutions immédiates de gilets jaunes.
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