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28 mars 2024

Les Grosses Orchades, les Amples Thalamèges, le blog


 

 

 

 

 

Naufrage du Vengeur du Peuple – Juin 1794

 

 

Il y a aujourd’hui 225 ans…

THERMIDOR

 

 

Ils savaient leur révolution vaincue. Ils savaient qu’ils allaient mourir. Il y avait eu, au mois d’avril, l’aggravation de la santé de Robespierre et son éloignement de 40 jours des affaires (oui, c’est l’essentiel de la Terreur), non seulement parce qu’il était sans forces mais parce que les freins du char de l’État avaient lâché, sa conduite désormais aux mains des fripons.

Que fait-on dans ces circonstances ?

On démissionne, on se désolidarise.

Sauf en cas d’invasion du territoire : les armées des Coalisés marchaient sur Paris. Membre du gouvernement, il avait signé, la mort dans l’âme, tout ce qu’on lui avait apporté, par principe, sans y regarder.

Le 8 juin, pendant la Fête de l’Être Suprême, alors que tous défilaient, leur petit bouquet de fleurs à la main, suivant le rituel que venait d’ordonner David, Philippe Le Bas, désespéré, avait résolu de se suicider sans attendre et prié sa jeune femme de l’accompagner dans la mort. Elisabeth, qui venait d’accoucher d’un petit Philippe, dont elle ne savait pas encore qu’il deviendrait le Sénèque français, n’avait pu se résoudre à laisser sans protection son nouveau-né. Entre le père et le fils, elle avait choisi.

Moins de trois semaines plus tard, Saint-Just, partant pour le front et bien décidé à « y chercher la mort » était passé par Blérancourt pour se réconcilier avec la terrible mère qui l’avait trahi à même pas dix-huit ans et l’avait fait emprisonner lorsqu’il avait quitté, mineur, le toit familial.

Le 26 juin, il était à Fleurus, aux côtés de son ami le général Jourdan, qu’il avait sauvé des poignards ennemis en le cachant dans son  appartement. Par trois fois, il y avait conduit la charge, traversant sabres et mitraille sans une égratignure. La mort ne le voulait pas là.

Ce même jour, en Corse, le général Napoléon Bonaparte, en congé-maladie, attendait prudemment de savoir qui allait tirer les marrons du feu et au bénéfice de qui.

Le 8 thermidor (26 juillet) Robespierre était venu, devant l’Assemblée, faire son ultime discours, appelé très justement son testament de mort.*

Les conjurés, exaspérés par la peur et l’impatience, avaient empêché Saint-Just de prononcer le sien. L’« Archange de la Terreur » avait alors fait ce que ferait deux siècles plus tard Pierre Mendès France, Premier ministre, au moment de sa propre mise à mort politique : forcé les greffiers à enregistrer ce qu’on ne lui avait pas laissé dire.

La suite est archi-connue : l’arrestation, la délivrance par la Commune, l’appel du peuple aux armes que Robespierre, après avoir tracé les deux premières lettres de son nom, n’avait pu se résoudre à signer, parce que cela eût fait de lui le chef d’une faction. Saint-Just n’avait-il pas dit « Je ne suis d’aucune faction, je les combattrai toutes » ? Le moment venu de choisir, ils avaient choisi.

La fin se déroule comme un mauvais film gore : l’irruption des tueurs à gages dans l’Hôtel de Ville où ils se tenaient, la balle du gendarme Merda lui fracassant la mâchoire. L’invalide Couthon précipité avec sa chaise roulante au bas des escaliers, les autres montés en chaussettes sur le rebord extérieur des fenêtres, appelant à l’aide la Garde en faction sur la place… qu’une traîtrise de Bourdon avait fait renvoyer et remplacer par des complices des conjurés  – c’est donc leurs assassins qu’ils appelaient à l’aide. La longue nuit où, à côté de Robespierre aux outrages, tourmenté sans répit par ses tortionnaires, Saint-Just debout, les bras croisés, avait attendu avec hauteur le moment de leur exécution.

La séquence ultime est non moins connue : le parcours en charrette, l’exécution des 116… les membres de Couthon, moribond, cassés pour pouvoir l’allonger sur la planche, le cadavre de Le Bas guillotiné pour la forme, et enfin, le grand cri de Robespierre à qui Samson venait d’arracher la mâchoire avant de le décapiter.

L’enterrement des cadavres dans une grande fosse commune du cimetière des Errancis, recouverts de chaux vive, et le cimetière définitivement fermé « pour que le peuple n’y vienne pas en pèlerinage ».

Robespierre avait un grand chien, cadeau de quelqu’un, appelé Blount, qui avait disparu au départ de son maître et qui fut retrouvé, trois jours plus tard, sur la fosse.

Pour faire bonne mesure, on construisit sur le charnier une guinguette, et la génération suivante vint y danser sans savoir.

Au nombre de ceux qui sont montés ce jour-là sur la guillotine avec Robespierre, il y avait un général sans-culotte nommé Servais Boulanger. Servais était un ouvrier orfèvre, un Liégeois immigré, habitant du Faubourg Saint-Antoine, qui avait participé à la prise de la Bastille. Hébertiste, il avait été par deux fois au bord de l’exécution et, par deux fois, Robespierre lui avait sauvé la vie en réclamant une commission d’enquête chargée de prouver les crimes qu’on lui reprochait. Il ne put le sauver cette troisième fois. Sans illusions, lorsque les conjurés étaient venus l’arrêter dans la cour de la Halle aux Blés, son aide de camp s’était suicidé d’un coup de pistolet.

Toute cette fin de tragédie s’était déroulée sous une canicule impitoyable. Les exécutions terminées (il y en aurait encore beaucoup d’autres), l’orage, enfin, creva.

 _____________________

  •  Dans l’avant-dernière ligne du Discours de Robespierre, publié par l’Assemblée Nationale, il y a une faute de français manifeste qui vient peut-être des greffiers (?). Robespierre n’a pas pu écrire « hommes de biens ». Sur cette expression, v. H. Guillemin.

 

 

 

 

 

Une commémoration parmi d’autres :

 

 

8, 9, 10 thermidor Robespierre abattu, Révolution française terminée

dimanche 28 juillet 2019.

http://www.gauchemip.org/spip.php?article5584

 

 

 

 

… retour aux fondamentaux

 

 

 

Le grand méchant Robespierre

Marc Belissa et Yannick Bosc

Interviewés par Le Média – 8 juin 2019

 

Dans ce nouveau numéro de La Grande H. consacré au personnage de Robespierre, Julien Théry reçoit les deux historiens Marc Belissa et Yannick Bosc. On y évoque la diabolisation de la figure révolutionnaire depuis sa mort jusqu’à aujourd’hui.

Avec les historiens Marc Belissa (Univ. de Paris Nanterre) et Yannick Bosc (Univ. de Rouen). Avant même son arrestation et son exécution lors de Thermidor (juillet 1794), Maximilien Robespierre a été outrancièrement vilipendé et calomnié par les ennemis de la Révolution, en particulier par les presses royaliste et anglaise. Son élimination a été immédiatement justifiée par une diabolisation destinée à discréditer tout projet de démocratie réelle au profit d’un système représentatif reléguant le peuple à la passivité et laissant aux possédants le monopole d’un gouvernement « des compétences » mené en fonction de leurs intérêts. En évoquant les différents regards successivement portés sur l’« Incorruptible » jusqu’à nos jours, M. Belissa et Y. Bosc montrent la permanence de l’enjeu politique essentiel qui s’est cristallisé autour de cette figure. Enjeu qui demeure on-ne-peut-plus actuel : la démocratie réelle, où l’action des représentants serait strictement contrôlée par le peuple, est-elle possible ? Une émission de Julien Théry.

 

 

 

 

 

 

 

 

Deux ou trois choses qu’on peut lire en dehors du bourrage de crânes biséculaire

 

 

Marc BELISSA, Yannick BOSC

Robespierre, la fabrication d’un mythe

Éd. Ellipses Marketing (19 novembre 2013)

456 pages

 

Présentation des éditeurs

Maximilien Robespierre (1758-1794) fait partie de ces figures historiques qui suscitent toujours le débat, non seulement parmi les historiens, mais aussi dans la société travaillée encore aujourd’hui par la référence à la Révolution française. Si Robespierre n’a jamais cessé d’être d’actualité, c’est parce qu’à chaque étape de leur histoire, les Français se sont affrontés sur la signification et l’héritage de la Révolution dont il fut un des acteurs les plus importants. Deux siècles après son exécution le 10 thermidor an II (28 juillet 1794), il est impossible de comprendre Robespierre sans entreprendre une déconstruction des légendes, des représentations iconographiques, historiographiques ou politiques qui se sont succédés jusqu’à nos jours. C’est l’objet de cet ouvrage qui constitue non une biographie de l’Incorruptible, mais plutôt une histoire de la fabrication du « mythe Robespierre », de sa genèse et de ses enjeux politiques. De ses adversaires thermidoriens jusqu’à ceux qui le voient en ce début de XXIe siècle comme un utopiste glacé et sanglant, de ses admirateurs républicains du début du XIXe siècle jusqu’à ceux qui le considèrent aujourd’hui encore comme une source d’inspiration dans les combats politiques et sociaux de notre temps, Robespierre, ou plutôt les Robespierre, n’ont pas fini d’être un objet d’histoire conflictuel et actuel.

 

Les auteurs

Marc BELISSA est maître de conférences et directeur de recherches en histoire moderne à l’université de Paris Ouest Nanterre. Il a publié de nombreux ouvrages sur le XVIIIe siècle, les Lumières et la Révolution française dont Fraternité Universelle et Intérêt National (1713-1795). Les cosmopolitiques du droit des gens, Paris, Kimé, 1998, Repenser l’ordre européen 1795-1802, Paris, Kimé, 2006, ainsi que Haendel en son temps, Paris, Ellipses, 2011.

Yannick BOSC est maître de conférences en histoire moderne à l’université de Rouen, il a publié notamment Les voix de la Révolution : projets pour la démocratie (avec Sophie Wahnich), Paris, La Documentation française, 1990, une anthologie des discours de Robespierre, Pour le bonheur et pour la liberté (avec Florence Gauthier et Sophie Wahnich), Paris, La Fabrique, 2000 ainsi que l’ouvrage collectif Républicanismes et droit naturel (avec Marc Belissa et Florence Gauthier), Paris, Kimé, 2009.

 

 

 

 

 

 

 

Gertrud Kolmar et Robespierre

 

 

Gertrud Kolmar (1894 – 1943)

 

On ne se plaindra pas que, du monde mystérieux de l’édition française, nous arrivent parfois, de véritables pépites. C’est le cas du recueil de poèmes Robespierre [poésie], suivi de Le portrait de Robespierre, de la poétesse Gertrud Kolmar, publié par les éditions Circé. Qui connaît Gertrud Kolmar ? Ce recueil de poèmes ? Qui plus est, consacré à Robespierre ?

[..

Gertrud Kolmar

Robespierre

Circé, 2017

217 pages

 

Les Amis d’Henri Guillemin ont consacré à ce livre et à Gertrud Kolmar (morte en 1941 au camp d’Auschwitz) un article très documenté, suivi d’un commentaire de Patrick Rödel. Les voici :

http://www.henriguillemin.org/livres/robespierre-toujours-vivant/

 

 

 

 

 

 

Bronterre O’Brien et Maximilien

 

 

Du côté de la poésie, il restera à publier un jour (?) les Élégies sur la mort de Maximilien, pièces de vers du chartiste Bronterre O’Brien,  qui sont conservées en feuilles volantes à la British Library, sans rapport autre que leur objet avec la dissertation qui suit, conservée, elle, à la National Library of Australia :

 

 

Pour lire ce document de 93 pages [y compris l’Ode à Louis-Napoléon Bonaparte : « Imperial puppet ! – idol of an hour ! »], voir ici :

https://nla.gov.au/nla.obj-52889799/view?partId=nla.obj-112244027#page/n5/mode/1up

 

 

Incidemment… Qu’est allée faire en Australie cette publication anglaise si particulière ?

C’est que nos amis grand-bretons ont beaucoup pratiqué, au XIXe siècle, la déportation à vie des opposants. De là que bon nombre d’Australiens et de Néo-Zélandais d’aujourd’hui descendent, peut-être sans le savoir, de militants du chartisme.

 

 

 

 

 

 

À propos de Bronterre…

Ce que généralement on ignore, c’est que le long séjour que l’auteur avait fait à Paris, et les nombreux entretiens qu’il y avait eus avec les témoins encore en vie du parcours de Robespierre, dont il est question dans le document ci-dessus, devaient fournir la matière du IIe volume de sa biographie de Maximilien, mais que le manuscrit jamais publié est sans doute irrémédiablement perdu : son séjour en France avait si fort mis à mal ses finances, que le pauvre Bronterre ne pouvait plus payer son loyer. Jeté à la rue et tous ses biens saisis, il a ainsi vu disparaître aux mains des huissiers son précieux manuscrit, sans aucun espoir de le revoir jamais. Tous les efforts des historiens du chartisme pour le retrouver, et ce jusqu’à la fin des  années 1980, sont restés vains.

 

 

 

 

 

 

De la Nakba française à la Nakba haïtienne

 

 

 

 

 

Toussaint Louverture, la dignité révoltée

 

Brève histoire du précurseur de l’indépendance d’Haïti par Salim Lamrani, université de La Réunion .

 

 

 

Première partie

 

 

 

Introduction

Depuis la révolte de Spartacus en 73 avant Jésus-Christ contre l’oppression de l’esclavage dans la Rome antique, aucun peuple asservi ne s’était soulevé avec succès contre le joug des chaînes. En 1791, Toussaint Louverture, fidèle au principe selon lequel les droits naturels de l’être humain étaient imprescriptibles, reprit le flambeau de la lutte pour l’émancipation, tout comme le légendaire gladiateur romain, revendiquant ainsi le droit du peuple noir à la liberté[1].

L’insurrection des exploités brisa les chaînes de l’asservissement colonial et ouvrit la voie à l’indépendance d’Haïti, première nation du Nouveau-Monde à conquérir sa liberté. L’influence décisive de Toussaint Louverture et du peuple haïtien dans l’indépendance de l’Amérique latine n’est toujours pas considérée à sa juste valeur. Les esclaves noirs de Saint-Domingue, en menant une lutte acharnée contre les oppresseurs français, montrèrent le chemin de l’affranchissement aux peuples assujettis du continent et changèrent le cours de l’Histoire.

Quelle fut la trajectoire du héros national haïtien ? Comment a-t-il réussi à renverser le système esclavagiste, conquérant ainsi la liberté de son peuple ? Comment est-il devenu le premier organisateur de la nation ?

Toussaint Louverture, révolté dès son plus jeune âge par l’esclavage qu’il subira dans sa propre chair, mènera la révolte des écrasés et combattra la violence coloniale de l’Empire français. Le Premier des Noirs rejoindra ensuite la Révolution émancipatrice menée par Maximilien Robespierre, réunifiera l’île en chassant les Espagnols et les Anglais et organisera la nation en la dotant d’une ambitieuse Constitution. Trahi par Napoléon Bonaparte, qui refusera obstinément d’accepter la destinée de la première nation d’Amérique latine à conquérir son indépendance, Toussaint Louverture finira ses jours dans un cachot du Jura, loin de la terre qu’il a libérée, léguant au Nouveau-Monde l’exemple de la dignité conquise par la lutte. En effet, la Révolution haïtienne, mère de toutes les Révolutions d’Amérique latine, ouvrira la voie à l’émancipation des peuples du continent de la tutelle coloniale européenne.

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URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/toussaint-louverture-la-dignite-revoltee-i/

 

 

 

 

Deuxième partie

 

 

 

L’unification de l’île et l’instauration du pouvoir

La partie espagnole de l’île était devenue française le 22 juillet 1795 avec la signature du traité de Bâle. Mais la République, qui consacrait toutes ses forces à l’avènement de la Révolution et à ses soubresauts émanant de la trahison thermidorienne et de l’assassinat de Robespierre, n’avait pas encore pris possession du territoire. Celui-ci était encore sous le contrôle d’un gouverneur espagnol. Le 26 janvier 1801, Toussaint Louverture décida alors de procéder à l’unification territoriale et, par ses efforts, arriva à instaurer la paix civile dans l’île. Les colons qui s’étaient enfuis suite à la Révolution louverturiste furent incités à rentrer et à apporter leur concours au développement de l’île[1].

L’Assemblée centrale de Saint-Domingue, sous l’autorité de Toussaint Louverture, adopta une constitution le 2 juillet 1801 qui octroyait une importante autonomie à l’île, l’émancipant ainsi de la tutelle de la France sans pour autant rompre définitivement les liens avec la puissance coloniale. Elle se basait sur l’article 91 de la Constitution française de 1799 qui stipulait que « le régime des colonies françaises [était] déterminé par des lois spéciales ». Toussaint Louverture fut alors nommé gouverneur à vie de Saint-Domingue[2].

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URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/toussaint-louverture-la-dignite-revoltee-ii/

 

 

 

Troisième partie

 

 

 

 

La trahison de Napoléon Bonaparte

Face à la ténacité des habitants, accablé par le climat et les maladies, le général Leclerc proposa la fin des hostilités[1]. Pour sauver les vies humaines, Toussaint accepta le pacte à condition qu’il s’agît d’une paix digne et honorable. « L’intérêt public exigeait que je fisse de grands sacrifices », écrivit-il dans ses mémoires[2]. L’accord fut conclu sur les bases suivantes : liberté pour tous les citoyens de l’île et conservation de leur grade et fonction pour tous les officiers civils et militaires. De son côté, le leader noir conserverait son état-major et choisirait son lieu de résidence[3].

L’accord de paix fut conclu et Toussaint Louverture décida de se retirer à Ennery[4]. Mais les promesses ne furent pas tenues. Ainsi, les généraux Jean-Jacques Dessalines et Charles Belair, qui devaient conserver leurs commandements respectifs à Saint-Marc et à l’Arcahaye, furent démis de leurs fonctions[5]. Conscient de la popularité du leader de Saint-Domingue, le général Leclerc dépêcha une troupe de 500 soldats dans le petit bourg où Toussaint Louverture avait élu demeure, afin de le surveiller[6]. Ce dernier était lucide sur la situation et n’était pas dupe du sort qui l’attendait : « Le lendemain, je reçus dans cette habitation la visite du commandant d’Ennery, et je m’aperçus fort bien que ce militaire, loin de me rendre une visite d’honnêteté, n’était venu chez moi que pour reconnaître ma demeure et les avenues, afin d’avoir plus de facilité de s’emparer de moi, lorsqu’on lui en donnerait l’ordre[7] ».

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URL de cet article : http://blog.lesgrossesorchadeslesamplesthalameges.fr/index.php/toussaint-louverture-la-dignite-revoltee-iii/

 

Docteur ès Etudes Ibériques et Latino-américaines de l’Université Paris IV-Sorbonne, Salim Lamrani est Maître de conférences à l’Université de La Réunion, spécialiste des relations entre Cuba et les États-Unis. 

Son dernier ouvrage s’intitule Fidel Castro, héros des déshérités, Paris, Editions Estrella, 2016. Préface d’Ignacio Ramonet. 

Contact : lamranisalim@yahoo.fr ; Salim.Lamrani@univ-reunion.fr 

Page Facebook : https://www.facebook.com/SalimLamraniOfficiel

 

 

 

 

 

Napoléon et Toussaint face à face :

Ce que l’histoire officielle ne dit pas et que Salim Lamrani pourrait tenter de vérifier, c’est que Napoléon n’aurait rien épargné pour faire dire à Toussaint prisonnier « où il avait caché son trésor » et n’aurait jamais pu se résoudre à croire qu’il n’y en avait pas.

L’idée qu’un homme puisse, à la pointe du sabre, prendre la direction d’un pays sans s’emplir les poches au passage était inconcevable pour le futur empereur. On peut même penser qu’à ses yeux, elle était anathème.

 

L.G.O.

 

 

 

 

« Il nous lisait Voltaire, le soir à la veillée. »

Élisabeth Duplay

 

Dédié à Dieudonné M’Bala M’Bala

 

 

En ces temps de persécution d’artistes qui ne pensent pas en file indienne, il nous plaît de rappeler que non seulement ces persécutions ne sont pas nouvelles, puisque nombre d’œuvres de François-Marie Arouet et de quelques-uns de ses illustres confrères furent publiées à l’étranger, notamment en Hollande et au Pays de Liège, mais que, de notre vivant, alors que Dieudonné était encore dans les choux, les États-Unis d’Amérique ont vu une vague de persécutions sans précédent même dans leur histoire archi-bigote…

Il s’agit de la chasse lancée par le sénateur du Wisconsin Joseph MacCarthy sur la fleur de l’intelligentsia US, souvent d’origine juive d’Europe centrale ou orientale, qui se retrouva du jour au lendemain frappée au fer rouge de la marque infamante : « communiste ».

Hollywood, qui était en particulier leur fief, se trouva dépeuplé de son élite (pour une fois que le mot était approprié !). Beaucoup de personnes de grand talent – artistes et intellectuels, poètes, romanciers, essayistes, scénaristes – se retrouvèrent du jour au lendemain sans gagne-pain et poursuivis par un tribunal d’exception : la trop fameuse Commission MacCarthy.

Certains d’entre eux, grâce à des sympathies anonymes, continuèrent à s’exprimer tant bien que mal sous des pseudonymes, mais le mal fut irréparable.

 

 

 

 

 

À ce propos, on rappellera entre parenthèses que la même chose s’était produite en Allemagne nazie, et que le chef d’œuvre du cinéma allemand à grand spectacle, Les fantastiques aventures du baron de Munchausen, tourné à la demande de Goebbels en 1943, pour les 25 ans de la UFA, a eu pour scénariste un auteur (allemand et non juif) frappé d’interdiction par le même Goebbels (ses livres brûlés en public, il y assista en cachette) : Erich Kästner, lequel, grâce à l’insistance de dieusait qui à la UFA, fut exceptionnellement autorisé à écrire le scénario du film, à condition qu’il le fît sous un pseudonyme : celui de Berthold Bürgerle.

 

 

 

 

 

« Berthold Bügerle » ne fut pas invité à la première en fanfare du film, et même, aussitôt après, son autorisation d’écrire lui fut retirée. C’est ce que raconte, dans ses addenda, la version splendidement restaurée du film, sortie en DVD en 2013.

 

 

 

 

On rappellera enfin que dans leur entreprise de nivelage par le bas, les USA, non contents de se priver aussi bêtement d’un grand nombre d’intellectuels et d’artistes étiquetés « communistes » et qui l’étaient peut-être – parmi lesquels Charlie Chaplin, qui, ayant perdu sa nationalité US, reçut à Paris l’accueil d’un roi en exil impossible à imaginer dans le Paris dégénéré d’aujourd’hui – les Zuniens se privèrent aussi de non communistes qui n’eurent droit, eux, qu’à la stigmatisation « génie trop coûteux », notamment Eric von Stroheim et Orson Welles.

Deux de ceux qui avaient été ainsi frappés, Lilian Hellman et Leonard Bernstein, eurent l’idée de commenter indirectement ces méandres désastreux de l’histoire en mettant en musique le Candide de Voltaire. C’est ainsi qu’en 1957 naquit l’opéra-comique le plus brillant de la deuxième moitié du XXe siècle et un authentique chef d’œuvre.

Que faire de mieux, puisque l’histoire se répète, que vous offrir, en ce jour de sombre anniversaire, l’enregistrement historique d’une version de concert donnée à Londres, au Barbican, en décembre 1989, par le compositeur et une pléiade de grands chanteurs qui, tous, eurent, ce soir-là, une miraculeuse ressemblance physique avec les créatures de Voltaire auxquelles ils donnaient voix.

 

 

Candide

Dir. : Leonard Bernstein

Londres – Décembre 1989

 

 

 

 

 

Pour mesurer ce que l’Amérique a perdu avec l’interdiction professionnelle de Lilian Hellman  et de tant d’autres (ici Dorothy Parker, John Latouche, Stephen Sondheim, John Wells et Richard Wilbur), y compris Leonard Bernstein lui-même, qui aimait  rappeler à l’occasion, comment « on » lui avait confisqué son passeport pour qu’il ne pût sortir des USA :

(à 40:00)

What a day, what a day for an auto da fé !

(qui contient ce petit bijou d’air de la vérole)

 

CHORUS
What a day, what a day
For an auto-da-fé !
What a sunny summer sky !
What a day, what a day
For an auto-da-fé !
It’s a lovely day for drinking
And for watching people fry !
Hurry, hurry, hurry,
Watch’em die !
Hurry, hurry, hurry,
Hang ’em high !

BEAR-KEEPER
See the great Russian bear !

COSMETIC MERCHANT
Buy a comb for your hair !

WOMEN
But the price is much too high !

DOCTOR
Here be potions and pills
For your fevers and chills !

WOMEN
But we haven’t any money
So there’s nothing we can buy !

JUNKMAN
Any kind of metal
Bought and sold !

ALCHEMIST
Any kind of metal
Turned to gold !

JUNKMAN
Pots and pans,
Metal cans,
Bought or traded or sold !
Pans and pots
And what-nots !
Trading new ones for old !

ALCHEMIST
Pots and pans,
Metal cans,
I can turn them into gold !
Pans and pots
And what-nots !
For a tiny fee
My alchemy
Can turn them into gold !

CHORUS
Hurry, hurry, hurry,
Come and buy !
Hurry, hurry, hurry,
Come and try !
What a fair, what a fair !
Things to buy everywhere,
But the prices are too high !
It’s not fair, it’s not fair,
Things to buy everywhere;
But we haven’t any money
So there’s nothing we can buy !

PANGLOSS
But you can’t execute me; I’m too sick to die !

CHORUS
What d’ya mean sick ?

PANGLOSS
Oh my darling Paquette,
She is haunting me yet
With a dear souvenir
I shall never forget.
‘Twas a gift that she got
From a seafaring Scot,
He received he believed in Shalott !
In Shalott from his dame
Who was certain it came
With a kiss from a Swiss
(She’d forgotten his name),
But he told her that he
Had been given it free
By a sweet little cheat in Paree.
Then a man from Japan,
Then a Moor from Iran,
Though the Moor isn’t sure
How the whole thing began;
But the gift we can see
Had a long pedigree
When at last it was passed on to me !

CHORUS
Then a man from Japan,
Then a Moor from Iran,
Though the Moor isn’t sure
How the whole thing began;
But the gift we can see
Had a long pedigree
When at last it was passed on to he !

PANGLOSS
Love is sweet, love is sweet,
And the custom is sound,
For it makes the world go ’round.

CANDIDE, PANGLOSS
I repeat, love is sweet,
And the custom is sound,
For as we/I have shown it’s love alone
That makes the world go ’round.

PANGLOSS
Well, the Moor in the end
Spent a night with a friend
And the dear souvenir
Just continued the trend
To a young English lord
Who was stung, they record,
By a wasp in a hospital ward !
Well, the wasp on the wing
Had occasion to sting
A Milano soprano
Who brought home the thing
To her young paramour,
Who was rendered impure,
And forsook her to look for the cure.
Thus he happened to pass
Through Westphalia, alas,
Where he met with Paquette,
And she drank from his glass.
I was pleased as could be
When it came back to me;
Makes us all just a small family !

CHORUS
Oh, he happened to pass
Through Westphalia, alas,
Where he met with Paquette,
And she drank from his glass.
He is pleased as can be
For it shows him that we
One and all are a small family !

PANGLOSS
I am pleased as can be
For it shows us that we
One and all are a small family !

CHORUS
What a day, what a day
For an auto-da-fé !
What a lovely day for drinking
And for watching people fry !
What a day, what a day,
Oh, what a day,
What a perfect day for hanging !

GRAND INQUISITOR
Silence !

INQUISITORS
Shall we let the sinners go or try them ?

CHORUS
Try them.

INQUISITORS
Are the culprits innocent or guilty ?

CHORUS
Guilty.

INQUISITORS
Shall we pardon them or hang them ?

CHORUS
Hang them.
What a lovely day, what a jolly day,
What a day for a holiday !
He don’t mix meat and dairy,
He don’t eat humble pie,
So sing a miserere
And hang the bastard high !

INQUISITORS
Are our methods legal or illegal ?

CHORUS
Legal.

INQUISITORS
Are we judges of the law, or laymen ?

CHORUS
Amen.

INQUISITORS
Shall we hang them or forget them ?

CHORUS
Get them !
What a perfect day, what a jolly day,
What a day for a holiday !
When foreigners like this come
To criticize and spy,
We chant a pax vobiscum,
And hang the bastard high !

GRAND INQUISITOR
The supreme moment has arrived. All ye faithful –
genuflect !

CHORUS, INQUISITORS
Oh, pray for us, pray for us!
Fons pietatis, pray for us !
Davidis turris, pray for us !
Rex majestatis, pray for us !
(The crowd scatters in fear.)

PANGLOSS
Ladies and gentlemen, one final word. God in his
wisdom made it possible to invent the rope…
aaargh.

CHORUS
What a lovely day what a jolly day,
What a day for a holiday !
At last we can be cheery,
The danger’s passed us by.
So sing a Dies Irae
And hang the bastard high !
Oh, what a day !!

MAXIMILIAN
Pangloss is hanged, Candide flogged. Candide still believes
Pangloss was right.

 

 

 

Mis en ligne le 28 juillet 2019

10 Thermidor An 225

 

 

 

 

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