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28 mars 2024

Arabie saoudite – Un parti d’opposition créé par des dissidents saoudiens


Baptisé Parti de l’Assemblée nationale (NAAS), son objectif est d’instituer un régime démocratique dans le royaume.

Par Julie Kebbi (revue de presse : L’Orient-Le Jour – 25/9/20)*

L’initiative est inédite en son genre sous le règne du roi Salmane d’Arabie saoudite. Un groupe de dissidents saoudiens, pour la plupart en exil, a annoncé mercredi la création d’un parti politique dont le but est d’instituer un régime démocratique dans le royaume. Baptisé Parti de l’Assemblée nationale (NAAS), il a été fondé par des personnalités connues pour leurs prises de position contre les politiques de Riyad : l’universitaire Madaoui al-Rachid au Royaume-Uni, le fondateur de l’organisation de défense des droits humains ALQST à Londres Yahia Assiri, le chercheur Saïd ben Nasser al-Ghamdi, le militant Ahmad al-Mshikhs, Abdallah Aloudh, basé aux États-Unis, le fils du prédicateur Salmane al-Ouda détenu en Arabie depuis 2017, et Omar Abdel Aziz, qui a obtenu l’asile au Canada en 2014.

Monarchie absolue, le royaume est dirigé par la dynastie des Saoud depuis sa création en 1932 et empêche toute forme d’opposition politique de se constituer. « Nous pensons que (la création de) ce parti peut nous mettre en danger, mais nous pensons également que beaucoup ont perdu leur liberté et leur vie dans cette tentative (d’organiser une opposition) », a déclaré Omar Abdel Aziz mercredi lors de l’annonce faite en direct par visioconférence. La répression s’est accrue au cours de ces dernières années contre les dissidents politiques et les activistes des droits humains dans la foulée de l’accession de Mohammad ben Salmane en 2017 au statut de prince héritier saoudien. « Cette déclaration intervient à un moment où l’horizon politique est bouché », souligne le communiqué de NAAS dont la publication a coïncidé avec la célébration du 90e anniversaire de la création de l’Arabie saoudite.

L’arrivée du jeune dauphin avait pourtant été vue d’un bon œil dans un premier temps par les dirigeants occidentaux, le considérant comme un interlocuteur crédible et susceptible de réformer le royaume en profondeur, symbolisé par son projet de réformes sociales et économiques Vision 2030. Si des changements ont été réalisés sur le plan sociétal, la chasse aux contestataires s’est intensifiée avec les arrestations en série d’activistes œuvrant pour les droits des femmes, d’intellectuels, de théologiens. Seulement cinq mois après sa nomination, MBS avait lancé de larges purges contre les figures saoudiennes accusées de corruption ou considérées comme de potentielles menaces pour son accession au trône. Une initiative qui lui avait permis d’incarner une rupture dans la manière de gouverner, avec une pratique verticale du pouvoir concentrée autour de sa personne.

Élections libres

La répression s’était cependant accrue l’année suivante après l’assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul, suscitant l’indignation et la colère au sein de la communauté internationale. Alors que Riyad a toujours fermement démenti avec avoir commandité la sordide opération, huit personnes ont été condamnées ce mois-ci à des peines de prison allant de sept à vingt ans par la justice saoudienne, qui a annulé dans le même temps les sentences de peines capitales prononcées l’année dernière contre cinq des accusés.

Aujourd’hui, l’Arabie saoudite figure à la 159e place du classement 2020 des pays par indice de démocratie, publié chaque année par le consortium de média dirigé par le magazine britannique The Economist. C’est dans ce contexte que le parti dénonce dans son communiqué « l’absence d’un pouvoir judiciaire indépendant, le monopole du gouvernement sur les médias et le musellement de l’opinion publique ». « Nous voulons un système politique démocratique avec des élections nationales libres, un gouvernement élu et une séparation des pouvoirs (exécutif, législatif et judiciaire) », explique à L’Orient-Le Jour la porte-parole du parti, Madaoui al-Rachid, issue de la dynastie des Rachidi et petite-fille du dernier prince de l’émirat de Ha’ïl, Mohammad ben Talal.

Selon des experts saoudiens cités par l’agence Reuters, si Mohammad ben Salmane a alimenté le ressentiment de certains au sein de la famille royale, il a le soutien d’autres membres et de l’appareil de sécurité et reste populaire parmi la jeunesse du royaume. La création de NAAS est toutefois annoncée à un moment où la couronne espère remettre sur pied son économie, fragilisée par la crise du pétrole en début d’année et la pandémie de coronavirus, à moins de deux mois du G20 qu’elle doit présider. Elle intervient également à l’approche de l’élection présidentielle américaine en novembre où une victoire du candidat démocrate Joe Biden devrait signifier un repositionnement américain dans la région moins favorable à l’Arabie saoudite.

S’il paraît difficile pour le parti d’ébranler le pouvoir, il devrait permettre de canaliser les efforts des dissidents saoudiens dans le royaume et à l’étranger et d’être un obstacle supplémentaire aux politiques appliquées par Riyad. Selon Madaoui al-Rachid, « à court terme, nous voulons faire évoluer les consciences dans le pays et sensibiliser davantage au fait qu’un État civil et la démocratie sont les meilleures options pour une Arabie saoudite sûre et prospère ».

*Source : L’Orient-Le Jour

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