Revue de presse : Mondafrique (22/12/20)*
L’enracinement progressif et durable des activités des plus importantes organisations criminelles italiennes en Afrique est devenue une réalité (Une chronique du site Areia24News)
Article paru dans la revue Carto n°60, « Géopolitique des îles : des territoires dans la mondialisation », juillet-août 2020.
En juin 2015, une équipe de journalistes et d’avocats indépendants publie le résultat de ses recherches sur la présence de la mafia dans 13 pays d’Afrique (1) (cf. carte). Une première qui prouve l’enracinement progressif et durable des activités des plus importantes organisations criminelles italiennes – la Camorra napolitaine, la Cosa Nostra sicilienne et la ’Ndrangheta de Calabre –, mais aussi de clans familiaux, comme les D’Agosta de Sicile, sur le continent, depuis le trafic de drogues et de médicaments jusqu’aux intérêts dans le secteur minier.
L’enquête détaille notamment le rôle clé de clans de la ’Ndrangheta dans le trafic de cocaïne entre l’Amérique du Sud et l’Europe, en passant par le Togo, le Sénégal et le Maroc. La mafia s’associe avec le crime organisé local. Ainsi, au Kenya, elle est impliquée dans le scandale visant la banque Charter House, qui aurait servi à blanchir plus de 1,5 milliard de dollars. Son enracinement passe également par des activités en apparence légales, en particulier en Afrique du Sud et dans son voisinage proche (Angola, Namibie, Zimbabwe). Vito Roberto Palazzolo, un ancien banquier de la Cosa Nostra condamné pour son implication dans la « Pizza Connection » (réseau de trafic d’héroïne entre 1974 et 1985), a construit un empire durant son exil sud-africain de 1986 à 2012. Il est présent dans plus de 200 entreprises, en Afrique, mais également au Liechtenstein et à Hong Kong. Une grande partie de sa fortune provient de mines de diamants en Afrique du Sud et en Angola, dont la valeur est estimée à 280 millions de dollars.
Contrôle des diamants
Une constante : la collusion entre la mafia et les autorités locales. En Afrique du Sud, Vito Roberto Palazzolo a su trouver des partenaires aussi bien au sein des gouvernements de l’apartheid (1948-1991) que du Congrès national africain (ANC, depuis 1994). Il échappe ainsi aux six demandes d’extradition émises par la justice italienne entre 1992 et 2007.
Sous l’identité de Robert von Palace Kolbatschenko, il est devenu un homme d’affaires respecté, citoyen sud-africain depuis 1995, connu pour fournir la compagnie aérienne nationale en eau minérale. Au Zimbabwe, la Cosa Nostra s’est associée au régime de Robert Mugabe (1987-2017) pour contourner le processus de Kimberley, interdisant l’exportation de diamants bruts du pays en sanction des massacres commis par les troupes zimbabwéennes pour prendre le contrôle des gisements de Marange. En 2011, l’un de ses hommes de main a fait sortir du pays une cargaison d’un million de carats, estimée entre 70 millions et 450 millions de dollars.
La communauté internationale dispose d’outils limités pour lutter contre ce phénomène. L’arrestation de Palazzolo en 2012 en Thaïlande par Interpol représente un succès indéniable – l’homme est détenu en Italie depuis 2014. Mais il aura fallu attendre qu’il se trouve loin d’Afrique pour l’appréhender. Il aura eu vingt-quatre ans pour consolider l’empire de la mafia sur son nouveau territoire, sans jamais être inquiété.
Note:
(1) « Made in Africa : How the Mafia infiltrates the African economy », in Correct!v, juin 2015. À consulter sur : https://mafiainafrica.investigativecenters.org/
*Source: Mondafrique