Go to ...
RSS Feed

18 novembre 2024

La face cachée de l’éditorial «d’une hostilité inouïe» du journal Le Monde contre Alger analysée par un politologue


 

 

Afrique

URL courte
Par
 

Dans un entretien à Sputnik, le Dr Riadh Sidaoui, politologue et directeur du CARAPS, analyse les enjeux qui pourraient se cacher derrière «l’attaque violente» du Monde contre l’Algérie contre l’Algérie, deux jours après un entretien du Président algérien au Point. Pour lui, «tous les chemins semblent mener à Barkhane».

Deux jours après la publication d’une interview d’Abdelmadjid Tebboune au Point, parue le 3 juin, le journal Le Monde a signé un éditorial «empreint d’une hostilité inouïe» à l’égard du chef de l’État algérien et de l’armée de son pays, pour reprendre les termes de la mise au point adressée par l’ambassadeur d’Algérie à Paris au directeur du quotidien.

L’éditorial intitulé «L’Algérie dans l’impasse autoritaire» a suscité une vague d’indignation dans le pays, bon nombre d’observateurs se posant des questions sur les objectifs cachés de cette énième diatribe du journal contre les institutions algériennes.

Ainsi, pourquoi Le Monde a-t-il mené cette «attaque» à la veille des élections législatives du 12 juin en Algérie? Qu’a dit le chef de l’État algérien au Point qui aurait pu susciter cet éditorial? Cela a-t-il une relation avec ce qui se passe au Mali et au Sahel en général, et le désir de la France de mettre un terme à l’opération Barkhane devenue très coûteuse en moyens et vies humaines?

Pour répondre à ces questions, Sputnik a sollicité le Dr Riadh Sidaoui, politologue et directeur du Centre arabe de recherches et d’analyses politiques et sociales (CARAPS) de Genève. Selon lui, «pour voir plus clair dans cette situation où le flou est le maître mot, il est nécessaire de mettre en perspective certains événements précédents».

«Tous les chemins mènent-ils à Barkhane»?

«Il est de notoriété publique que la puissance occidentale influente dans tous les pays du Sahel, voire dans beaucoup d’autres pays africains, est incontestablement la France», affirme l’expert, soulignant qu’il «est important d’observer la politique française dans cette région prise dans son ensemble».

À ce titre, il y a lieu de rappeler certains événements qui se sont succédé en quelques semaines dans la majorité des pays du Sahel.

En effet, dans la nuit du 30 au 31 mars, à deux jours de la cérémonie d’investiture le 2 avril du nouveau Président nigérien Mohamed Bazoum, un coup d’État militaire visant le palais présidentiel à Niamey a été déjoué. Il y a également eu l’assassinat le 13 avril à Bamako du président de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Sidi Brahim Ould Sidati.

Ce dernier était à la tête de la délégation de la CMA lors de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation le 20 juin 2015 à Alger, qu’il avait lui-même paraphé. Puis le 20 avril, le Président Idriss Déby Itno, réélu pour un cinquième mandat le 11 avril, est décédé suite à des blessures sur le front, annonçait à la télévision nationale le porte-parole de l’armée tchadienne. Le 24 mai, la capitale malienne Bamako était secouée par un nouveau coup d’État militaire, mené par le même groupe de colonels maliens commandé par Assimi Goïta, qui a mis fin au pouvoir de l’ex-Président déchu Ibrahim Boubacar Keïta, neuf mois auparavant.

Et enfin, le nord du Burkina Faso a été frappé dans la nuit du 5 au 6 juin par deux attentats terroristes dont l’un a fait au moins 138 morts, le plus meurtrier dans ce pays depuis le début des violences djihadistes en 2015.

«Peut-on dire que tous ces évènements majeurs, qui se sont succédé en l’espace de deux mois, avec leurs impacts sur la sécurité et la stabilité de la région, sont le fruit du hasard?», s’interroge le spécialiste, constatant que «le Mali, le Tchad, le Niger et le Burkina Faso sont les pays du Sahel qui accueillent les 5.100 soldats français déployés depuis 2014 dans le cadre de l’opération Barkhane ayant succédé à Serval […]. Comme quoi, tous les chemins semblent mener à Barkhane».

Un «deux poids deux mesures» de la France?

Dans le même sens, le Dr Sidaoui pointe le fait que «la France, qui a adoubé le conseil de transition dirigé par des militaires au Tchad, dont Mahamat Idriss Déby, 37 ans, chef des services secrets tchadiens et de la garde présidentielle, s’oppose à la junte militaire qui s’est installée au Mali sous le commandement du colonel Assimi Goïta. Le Président Macron a même décidé, en guise de sanction, de suspendre les opérations de Barkhane jusqu’à nouvel ordre dans ce pays».

Pourquoi donc cette ambivalence dans la position française à l’égard de deux situations qui se ressemblent? Pour Riadh Sidaoui, «ce qui se dessine est fort probablement une volonté de la France de mettre fin à l’opération Barkhane, devenue un gouffre financier en plus des pertes humaines». «Il est fort probable que Paris cherche à pérenniser sa présence militaire dans la région, mais par procuration», avance-t-il.

Et d’expliquer que «le Président Idris Déby, qui a refusé de déployer son armée sur deux fronts (dans le cadre de la mission de l’Onu au Mali et de la Force G5 Sahel), n’étant plus-là, il est tout à fait plausible que le nouveau pouvoir au Tchad, sous la pression de la France, accepte de le faire moyennant un peu plus d’aides matérielles et financières». «Ceci permettrait de remplacer les soldats français qui pourraient être retirés, comme envisagé par le Président français», souligne-t-il.

Par ailleurs, «l’instabilité au Mali, notamment dans le nord du pays et dans la région des trois frontières partagées avec le Niger et le Burkina Faso, dans le contexte du coup d’État mené par la junte militaire dirigée par le colonel Goïta, donnera le prétexte idéal à la France pour se retirer avec honneur en endossant la responsabilité de l’échec de l’opération Barkhane aux pays de la région».

Et l’Algérie et Tebboune dans ce scénario?

Avant de partir, «la France cherchera certainement à continuer à protéger ses intérêts géostratégiques (pétrole, gaz, uranium) et à se positionner comme l’interlocuteur incontournable avec les autres puissances, dont la Chine, la Russie et l’Inde, dans la région» soutient le Dr Sidaoui. Ainsi, «la clé de la réussite de ce plan se trouve certainement dans l’implication directe de l’Armée nationale populaire (ANP) algérienne, deuxième puissance militaire du continent africain après celle de l’Égypte, dans le combat contre le terrorisme au Sahel, afin de combler le vide qui serait laissé par le départ des soldats français».

Or, dans ce cadre, rappelle le spécialiste, «le Président Tebboune a affirmé dans son entretien au Point que certes la nouvelle Constitution algérienne autorisait l’intervention de l’ANP en dehors des frontières du pays, précisant néanmoins que “la solution n’était pas là”». Dans le même sens, «le chef de l’État algérien a mis l’accent sur la nécessité de redéployer l’État malien tout en assurant une aide de son pays en termes de formation militaire», ajoutant qu’il «a également fait savoir que la contribution de l’Algérie dans lutte antiterroriste au Sahel demeurera strictement discrète».

Plus important encore, souligne Riadh Sidaoui, le Président algérien «a estimé que le G5 Sahel “pourrait être plus efficace s’il avait plus de moyens. Mais le G5 n’en a pas. Il a été créé contre le CEMOC [Comité d’état-major opérationnel conjoint – regroupant l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger, ndlr] qui était mieux doté”». Enfin, selon l’interlocuteur de Sputnik, Tebboune a expliqué que «certains s’opposent aux avancées de l’Algérie sur le dossier malien, avant d’ajouter que “pour nous, il existe une volonté de saboter les accords d’Alger”».

Vers un «chantage par la dette»?

Par quel moyen la France peut-elle tenter de faire plier tous les pays de la région pour servir son dessein? Pour Riadh Sidaoui, «la recette est simple et vieille de plusieurs décennies en Afrique: c’est le chantage par la dette».

«Le 18 mai 2021 s’est tenu à Paris un sommet France-Afrique sous la présidence de Macron en la présence de plusieurs chefs d’État africains et européens et des représentants du Fonds monétaire international (FMI). Ce dernier a estimé que jusqu’à 285 milliards de dollars de financements supplémentaires sur la période 2021-2025 seront nécessaires aux pays africains pour juguler la crise de Covid-19». Lors de sa conférence de presse sanctionnant le sommet, «Macron a déclaré qu’il était possible de réallouer les DTS (Droits de tirage spéciaux) à hauteur de 100 milliards de dollars pour l’Afrique, espérant qu’un accord puisse être conclu entre juin et octobre».

«Quand est-ce que le FMI ou les clubs de Paris ou de Londres ont prêté aux Africains pour les aider à se développer et sans condition politique? Jamais! Il n’y a qu’à voir l’état de la majorité des pays du continent qui souffrent encore le martyre après 70 ans de décolonisation», pointe le Dr Sidaoui.

«L’Algérie, qui a été pillée durant les 20 ans de Bouteflika et dont la majorité des capitaux détournés se trouvent en France, selon les autorités algériennes, fait face à une crise économique, financière et sociale depuis la chute du prix du pétrole en 2014. Ceci fait dire à un bon nombre d’économistes que le pays pourrait être contraint à brève échéance de recourir à l’endettement extérieur».

«Dans ce contexte, comment expliquer la notation accordée par la Coface, organisme public français, à l’Algérie en la classant comme pays à risque très élevé, ce qu’elle n’a pas fait pour le Maroc et la Tunisie, sachant que ceci lui rendra la tâche de réaliser un emprunt sur les marchés internationaux extrêmement difficile?», conclut-il.

Lire aussi:

Le monde ne sera pas «le globe de l’Otan, ni celui de l’UE»
Macron se fait gifler lors de son déplacement dans la Drôme – vidéo
Blinken évoque les «pires» conséquences que peut avoir la construction du Nord Stream 2 pour les USA
Tags:
Abdelmadjid Tebboune, France, Sommet G5 Sahel, G5 Sahel, Sahel, Mali, Algérie
Commenter via SputnikCommenter via Facebook

Tous les commentaires

  • avatar

    joss
    Pas un homme politique lui même nous explique ce qui se passe la bas .On a l’impression de revenir dans les années 50 ……La France fusils à la main ( chez les autres )
  • avatar

    Pat Debolle
    Il faut peut-être rappeler que le Monde est un journal indépendant qui ne prend d’ordres de personne. La junte militaire croit que ça se passe comme au bled en France ??
  • avatar

    dimwapaen réponse àPat Debolle(Afficher le commentaire)
    Pat Debolle, Le Monde journal indépendant? Prière de m’expliquer pourquoi Fottorino a été évincé par le trio Niel/Bergé/Pigasse quand ils ont repris le Monde. je vais aller encore plus loin dans l’historique de « l’indépendance » du Monde, lire de toute urgence  » Le Monde, histoire d’un journal, un journal dans l’histoire » de Jacques Thibau. La pseudo indépendance du Monde va voler en éclats dès les premiers chapitres. Thibau savait de quoi il parlait, tout est soigneusement documenté.
  • avatar

    Ataman_d’alger
    On croit rêver ma parole. Le complexe politico-médiatique français, dans sa globalité, s’adonne à la diabolisation de l’Algérie depuis indépendance de ce pays en 1962. On peut dire que c’est même une constante des médias aux ordres de l’Élysée. A telle enseigne d’ailleurs, que je défie quiconque de me dénicher un seule article de la presse française, une émission ou un documentaire quelconque qui aborde l’actualité algérienne sur un tonalité positive ou neutre. C’est tout simplement impensable. Mais depuis l’élection de DU président Abdelmadjid Tebboune, il faut reconnaitre que les campagnes récurrentes de dénigrement systématique se sont amplifiées et sont devenues particulièrement virulentes au point de friser l’indécence.
  • avatar

    Personneen réponse àPat Debolle(Afficher le commentaire)
    Pat Debolle, Pas de bol de devoir lire pareilles énormités. Le Monde du politiquement correct et de la censure.
  • hangar ben hadeden réponse àAtaman_d’alger(Afficher le commentaire)
    Ataman_d’alger, Merci pour ta réponse !
  • avatar

    poseidon
    Domage que l a france reste pas faire faillite au.mali et s’humilier lors d’un combat avec la resistance. on comprend mieux pourquoi les sdf dorment dehors
  • avatar

    poseidonen réponse àjoss(Afficher le commentaire)
    joss, la france et son chantage par la dette 😂
  • avatar

    Paul Escandaou
    La bourgeoisie française qui tire profit du pillage de l’Afrique, et donc du Mali, du Burkina Faso et du Niger, est très en colère par son éviction politique lors du coup d’état au Mali. Si l’armée malienne a fait un coup d »état c’est qu’elle est très en colère contre l’opération Barkhane. Que cache cette opération qui suscite ce courroux? L’Algérie qui n’a pas envie de présence terroriste à ses frontières est mis en accusation par les médias liés à nos oligarques « africains » comme Bolloré (par l’intermédiaire de Niel, actionnaire du monde qui sert de pont entre Bolloré et Arnault avec des liens économiques et familiaux). Bref, nos oligarques sont énervés et nerveux face au développement de la situation aussi bien en Afrique qu’en France et dans le Monde. Ils montrent leur faiblesse et leur affaiblissement, leur éviction d’Afrique.
  • Marc Minaud44
    À quoi bon de s’immiscer dans les luttes tribales en Afrique. Ces gens ne pensent pas comme nous.
  • avatar

    Rochaen réponse àPat Debolle(Afficher le commentaire)
    Pat Debolle, Vous vous êtes arrêté dans le temps à ce que je vois, le Monde est un journal totalement décrédibilisé, il fait entièrement partie du système, rien à voir avec ce journal Independent qu’il fut par le passé, il est totalement dévoué et aux ordres.
  • avatar

    Rocha
    La France doit partir a tout prix, François Hollande a commis une grosse erreur en intervenant au Mali s’ils se coupait les mains et se faisait fouetter c’était leur affaire, les voilà au milieu d’un guêpier d’où ils auront du mal à sortir, certains inconscients parlent de pillage de l’Afrique, ils n’ont pas la moindre idée du prix que coute une telle présence sans compter les pertes humaines, l’armée dois revenir, ici nous avons le même problème, c’est ici qu’on a besoin d’eux, l’Afrique aux africains à eu de se débrouiller avec leur progéniture et leurs idées.
  • Caucasus sky
    qu’ils arrêtent déjà de parler français et tournent la page….
  • avatar

    Algériaoneen réponse àCaucasus sky(Afficher le commentaire)
    Caucasus sky, ça te dérange autant qu’ont sache manier plusieurs langues ?
  • avatar

    ezzine
    L’Otan « sionisé » véritable manipulateur des régimes fantoches, invente la guerre de 5éme génération(G5G) à multiples facettes où par exemple le terrorisme « islamique » devient son bras armé. Puis charge individuellement ses alliés d’entretenir les groupes terroristes qui lui sont acquis, (Irak, Syrie, etc…) et combattre les « terroristes rebelles » (Mali, etc…) avant de concocter « des missions obligatoires soi-disant de sécurité « propres » à leurs différents agents régionaux dominés afin qu’ils continuent à sa place de lui sauvegarder ses intérêts géostratégiques face à la concurrence sino-russe.
  • avatar

    Maxim1677
    Non seulement, la France (oligarchie) n’est pas l’amie des Algériens, mais surtout, la France combattra les Algériens par tous les moyens et ne s’arrêtera jamais jusqu’à la fin des temps.
  • avatar

    Pat Debolleen réponse àdimwapa(Afficher le commentaire)
    dimwapa, le Monde tape habituellement toujours dur le Maroc, pour une fois qu’il critique l’Algérie, on ne va pas en faire un plat…🙄
  • avatar

    Pat Debolleen réponse àMaxim1677(Afficher le commentaire)
    Maxim1677, tu as oublié de rajouter « vive l’ANP » 😅😅
  • avatar

    pingpong
    Riadh Sidaoui est un élucubrateur payé par les services Algériens, il n’y a qu’a se rapporter a ses déclarations plus anciennes pour constater l’étendue des dégâts. au delà de ce que on dit ici ou la et des intentions des uns et des autres, Les faits sont clairs, 39,88% est le taux de participation lors des élections ayant mené Tebboune a le tête de l’état malgré une fraude massive, les manifestions contre le maintient du régime et de ses mascarades électorales n’ont jamais cessé jusqu’à ce jours, les deux hommes forts réels du pays précédemment jugés, l’un « incarcéré » et l’autre ayant prit la fuite sont de retour aux commandes après la mort du général gaid salah, il y a aussi l’affaire du général dégradé wassini bouazza accusé d’avoir favorisé le candidat azzedine mihoubi et ce, au détriment des autres candidats.

Partager

More Stories From AFRIQUE