Par Tarek Benaldjia

 

Depuis 2001, des initiatives visant à criminaliser le colonialisme français ont été présentées au Parlement algérien pour discussion et ratification, mais en vain. Aujourd’hui, le Sénat français a voté en première lecture un projet de loi demandant des « excuses » aux harkis algériens et une tentative de « réparation » des préjudices qu’ils ont subis. 331 membres ont voté en faveur de la loi, alors que seulement 13 se sont abstenus.

Le 18 novembre, les députés de l’Assemblée nationale (Parlement) ont approuvé un projet de loi reconnaissant les « conditions inadaptées » pour l’accueil de 90 000 Harkis et leurs familles, qui ont fui leur pays, l’Algérie, après l’indépendance en 1962. La loi prévoit de « réparer » les dégâts, en prévoyant une somme d’argent en fonction de la durée du séjour dans des campements et lieux inadaptés.

Le gouvernement français estime le nombre de bénéficiaires potentiels à environ 50 000 personnes, pour un coût total de 302 millions d’euros (environ 340 millions de dollars) sur environ 6 ans.

L’introduction du projet de loi est intervenue quelques jours après que plus de 100 parlementaires algériens ont présenté un projet de loi criminalisant le colonialisme français au niveau du bureau de l’Assemblée populaire nationale.

Il est à noter que la loi française est une traduction juridique directe du discours du président Emmanuel Macron, qu’il a prononcé le 20 septembre, en présence de représentants des militants, lors d’une cérémonie en son honneur.

Pendant la guerre de libération algérienne à l’époque du colonialisme français (1830-1962), jusqu’à 200 000 Harkis ont été recrutés comme assistants de l’armée française, et à la fin de la guerre, des dizaines de milliers d’entre eux, accompagnés de leurs épouses et enfants, ont été transférés en France, puis placés dans des «camps provisoires» où les conditions de vie n’étaient pas disponibles.

La loi criminalisant le colonialisme français verra-t-elle le jour à l’ère de l’Algérie nouvelle?

En janvier 2020, des représentants de l’Assemblée populaire nationale (première chambre du parlement) ont déposé un projet de loi criminalisant la colonisation française du pays entre 1830 et 1962, auprès de la présidence du parlement, afin de le soumettre à la discussion.

En mars de la même année, les auteurs de l’initiative ont publié une déclaration appelant le président l’Assemblée populaire nationale, Souleymane Chanine, à ouvrir le débat sur la loi afin de la mettre aux voix. La tentative des députés algériens de promulguer une loi criminalisant la colonisation au niveau du Parlement algérien en 2009 a échoué, pour des raisons qui demeurent inconnues jusqu’à présent.

Sur un total de cinquante initiatives, dont le dernier en octobre de l’année dernière. La plupart de ces initiatives étaient sous le président Bouteflika, et une seulement sous le règne du président Abdelmadjid Tebboune.

Quant aux quatre initiatives, les choses sont claires, Bouteflika et son entourage n’osent pas se mettre d’accord sur un projet de loi qui éliminerait complètement l’arrogance de l’État colonial français, qui traite toujours l’Algérie comme si elle était toujours sous sa tutelle. A l’époque de Bouteflika, les autorités supérieures intervinrent par tous les moyens et méthodes pour faire avorter le projet.

La criminalisation du droit colonial verra-t-elle le jour à l’ère de la nouvelle Algérie ? Le président Taboun mettra-t-il fin à la longue série dans les coulisses et les coffres forts de la présidence de la république et celui du parlement.

N’a-t-on pas entendu dire un responsable de la présidence algérienne en l’occurrence « Abdelmadjid Chikhi »  déclaré, que promulguer une loi criminalisant la colonisation française (1830/1962) n’est pas une priorité pour les autorités, « parce que le peuple algérien l’a déjà criminalisée depuis longtemps ».

C’est ce qui ressort des propos de l’intéressé, conseiller du président algérien pour les affaires de la mémoire (période coloniale), dans des déclarations aux journalistes en marge d’un événement dans la capitale.

Cheikhi a été interrogé sur son opinion à propos de l’initiative des députés pour présenter un projet de loi à la présidence du Parlement visant à criminaliser la colonisation française.

Il a indiqué : « Quant à moi, en tant que responsable du dossier de la mémoire, cette question n’est pas une priorité ». Et d’ajouter : « Notre mission première est de valoriser les luttes du peuple algérien contre la colonisation et de les rendre accessibles à tous ».

Sinon quel est le secret pour ne pas discuter et ratifier le projet, d’autant plus que la partie française a ratifié la loi de glorification du colonialisme il y a de 17 ans, en février 2005 ? Depuis cette date, date de la ratification de la loi glorifiant le colonialisme au Parlement français, celui-ci n’a cessé d’adopter de nouvelles politiques insistants sur toute l’importance qu’il attache à ses intérêts se rapportant aux  anciennes colonies.

En Algérie, beaucoup ont parlé de la loi criminalisant le colonialisme français en Algérie, une loi pour tenir la France responsable de ses actes criminels pendant 132 ans. Mais sans effet, contrairement à ce qui était attendu.

Pour répondre à ses provocations mémorielles, faisant une égalité parfaite entre le   bourreau et la victime, comme devise, pour plaider la cause des générations postindépendance de l’Algérie, les représentants des deux chambres du parlement sont appelés à accélérer l’adoption du projet de loi criminalisant la colonisation française, et la mise d’une stratégie pour poursuivre la France dans les instances juridiques internationales sur ses crimes contre l’humanité en Algérie,

La loi exige une compensation financière et morale de la France et des excuses officielles

Le projet de loi criminalisant le colonialisme se compose de 54 articles, répartis sur 18 pages, « vise tout d’abord à condamner les pratiques criminelles de l’odieuse occupation française de l’Algérie, ensuite pose les bases juridiques de la récupération des biens algériens pillés par l’armée d’occupation, ainsi que des établissements et enfin le suivi de tous ceux qui sont impliqués dans les crimes commis contre les Algériens, ou Tous ceux qui œuvrent à glorifier les pratiques du colonialisme français.

Le nouveau projet est une version mise à jour et développe de nombreux projets précédents qui étaient voués à l’échec pour des raisons politiques, et il est réapparu après que les députés français ont promulgué la loi du 23 février 2005, glorifiant le colonialisme, dans ce qui était connu sous le nom de liste de réponse aux députés français. Malheureusement depuis cette date, tous sont tombés à l’eau.

En face du pardon aux Harkis par le sénat français, le nouveau projet réussira-t-il ? Le président Tebboune réussira-t-il avec son projet de « Nouvelle Algérie » à aider à faire passer la loi et à exclure les fidèles de la France et tous ceux qui œuvrent pour contrecarrer le projet ?

Beaucoup voient le défi comme grand, et Tebboune est candidat pour remporter ce gros pari. Parmi les éléments les plus importants de ce projet, le projet d’octobre 2021, figure la confirmation et la référence aux  crimes continus que l’État français supporte étant la responsabilité morale, militaire et politique est engagée par son gouvernement.

Le projet a qualifié ces crimes de « continus », car ils continuent de tuer et de mutiler des Algériens, comme c’est le cas avec les essais nucléaires dans le désert de Reggane, qui ont pollué la terre, l’eau et l’air. La France coloniale refuse toujours de répondre aux demandes algériennes d’épuration des zones affectées par les rayonnements nucléaires, et refuse toujours de remettre les cartes de ces explosions, ainsi que les mines posées, aux autorités algériennes, afin d’éviter leurs dommages et périls.

Le projet de loi criminalisant le colonialisme décrit les pratiques menées par l’armée d’occupation française en Algérie comme « une guerre de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, ainsi que des actes brutaux visant à effacer et déformer l’identité nationale algérienne ». Les crimes n’ont pas de délai de prescription, pas plus qu’ils n’en ont pas. Il relève des lois d’amnistie, fondées sur les dispositions du droit international humanitaire. Le projet considère également les opérations militaires menées par l’armée d’occupation française contre les Algériens comme des opérations agressives qui ont visé le peuple algérien dans sa vie, sa souveraineté, sa dignité et sa liberté, qui sont qualifiées de violations graves conformément au droit international humanitaire et coutumier, comme indiqué dans le document.

La loi présente les pieds noirs (les colons que la France avait amenés en Algérie pour exploiter les terres agricoles qui ont été pillées aux Algériens), les qualifiant d’étrangers arrivant en Algérie, et donc ils n’ont pas le droit de revendiquer leur propriété en Algérie, car ils l’on obtenu illégalement, conséquemment est considéré comme complètement illégitime. La loi « harki » (les Algériens qui ont combattu aux côtés de l’armée française) sont des traîtres et des agents, car ils ont combattu leurs frères et compatriotes lors de la révolution de libération victorieuse. Ils sont considérés par conséquent comme étant des collabos à la solde des dominateurs.

Le projet appelle les autorités françaises à présenter des excuses et à fournir une compensation matérielle et morale à l’Algérie et aux Algériens pour tous les crimes commis contre les Algériens. Ce droit peut être revendiqué par l’Etat algérien, les organisations et associations, voire les personnes physiques ayant perdu leurs parents à la suite des campagnes militaires françaises pendant la période odieuse de l’occupation.

Contrer les efforts pour bloquer le projet criminalisant la France

L’honorable lecteur peut se demander : Pourquoi la tergiversation et le manque de sérieux dans la poursuite et la ratification du dossier de la criminalisation du colonialisme français ? Ou, en d’autres termes, pourquoi certaines forces du pouvoir algérien s’obstinent-elles à faire avorter l’initiative et à l’éliminer avant même qu’elle ne soit née ? Il est probable que les forces politiques, certaines proches du président Bouteflika et de son entourage, et celles fidèles à la France aient fait obstruction à toutes les tentatives visant à faire adopter et ratifier le projet de loi.

La France, bien sûr, met tout en œuvre pour contrecarrer le projet car il lui cause de très gros dommages, que ce soit financièrement ou au regard de sa réputation au niveau international. L’opinion publique internationale ignore encore à ce jour que la France, depuis son entrée en Algérie en 1830, a fait plus de 8 millions de morts, et a également procédé à des essais nucléaires bien plus dangereux que ceux d’Hiroshima et de Nagasaki.

Pendant 132 ans, la France a répandu l’ignorance en Algérie, car le nombre d’Algériens instruits avant le colonialisme français était bien supérieur au nombre de personnes instruites après la sortie de la France. L’Algérie, la conscience humaine et l’opinion publique mondiale ont un besoin urgent de connaitre les révélations antérieures et prépare la voie aux révélations futures, sur le pire et le plus horrible colonialisme que l’humanité ait jamais connu.

A chaque fois le projet s’est heurté à des obstacles et à des rejets de la part des plus hautes autorités du pays. A plusieurs reprises, le président Abdelaziz Bouteflika, par l’intermédiaire de son entourage, est intervenu pour stopper l’initiative, en déclarant alors au président du Parlement de l’époque Ammar Saadani : « Cette affaire est l’une de mes prérogatives et est lié à la politique étrangère de l’Algérie, personne n’est autorisé à posséder un tambour parlant et seuls des messagers spéciaux sont autorisés à en parler.

Il est également rapporté que Claude Guillon, secrétaire général de l’Elysée à l’époque du président François Sarkozy, s’est déplacé en Algérie, notamment pour rencontrer le président Bouteflika et arrêter le projet.

Il y a ceux qui pensent que le moment est venu de discuter et de ratifier le projet après les récentes déclarations du président Macron dans lesquelles il a insulté les Algériens à travers ses déclarations sur l’histoire de l’Algérie, qui étaient loin de la vérité. Les initiatives du projet de loi criminalisant le colonialisme français se poursuivent à chaque législature et ne s’arrêtent pas, mais les éléments d’échec l’emportent toujours sur les variables de succès dues à la position des autorités supérieures.

Les données vont-elles changer ? Le président Tebboune saura-t-il briser la règle et incarner son projet de « Algérie-Nouvelle » en promulguant une telle loi avec toute sa sainteté, sa signification et sa symbolique pour l’histoire d’un État, la lutte d’un peuple et les sacrifices de justes martyrs ? Le président Tebboune le fera-t-il ? C’est ce que les jours à venir nous en diront plus au sujet du caractère du gouvernement et de celui qui le dirige.

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