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22 décembre 2024

Les profits records de Total sont le résultat d’un désastre néo-colonial en Ouganda et en Tanzanie


Le 10 février, Total présentera ses résultats pour 2021. Les commentateurs parlent de profits records. Mais ces annonces ont un goût amer quand, au même moment, Total investit massivement dans le plus scandaleux et néo-colonial de ses projets : l’« oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est », plus connu sous le nom d’EACOP.

Alors que le monde se dirige vers une augmentation de la température de 2,4 °C, Total fait fi de l’urgence climatique en développant le projet d’extraction de pétrole Tilenga et l’oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP) qui lui est associé – un oléoduc aussi long que la distance de Bruxelles à Madrid.

La décision finale d’investissement d’un montant total de 10 milliards de dollars a été fièrement annoncée la semaine dernière par Total et ses partenaires en Ouganda.

Saluée par le président Macron lui-même, cette construction de 1445 km sera le plus long oléoduc chauffé au monde. On estime qu’il causera des émissions de 34,3 millions de tonnes de CO2 par an. En amont, le projet Tilenga consiste à forer plus de 400 puits de pétrole, dont un tiers au sein du parc national des Murchison Falls, la plus ancienne aire protégée du pays, sur les rives du lac Albert, source du Nil.

En 2022, la major pétrolière issue du pays qui a vu naître l’Accord de Paris, développe donc un projet pétrolier qui va détruire de précieux écosystèmes et priver de moyens de subsistance plus de 100 000 habitants en Ouganda et en Tanzanie. Tout ceci, alors qu’elle continue à affirmer son objectif de « zéro émission nette d’ici 2050 ».

À l’opposé des fausses promesses de Total clamant que leurs investissements seraient bénéfiques aux populations locales, des peuples autochtones comme les Barbaig, Sandawe, Ndorobo, Maasaï, qui vivent dans la région de l’Albertine, l’une des plus riches en biodiversité d’Afrique, en sont les premiers impactés : leurs terres sont accaparées, leurs cultures détruites.

La plupart des familles affectées attendent des compensations depuis plus de deux ou trois ans. Les membres de ces communautés et les militants des ONG locales qui osent s’opposer au projet subissent harcèlements, intimidations et arrestations illégales.

L’étendue des violations des droits humains déjà provoquées par ce projet est sans précédent.

L’oléoduc EACOP doit traverser le bassin du Lac Victoria – le plus grand lac d’eau douce d’Afrique. Ce lac est un important lieu de pêche et fournit en eau environ 40 millions de personnes en Ouganda, Tanzanie et Kenya. Une marée noire ne mettrait pas seulement en danger les 204 espèces endémiques du lac, ajoutant à l’effondrement de la biodiversité en cours, mais elle provoquerait surtout une catastrophe humanitaire d’une ampleur difficilement imaginable. Le néocolonialisme de Total paraît sans limites.

Le PDG de Total se moque peut-être des destructions causées par ses investissements. Mais des milliers de gens à travers le monde se mobilisent contre ces injustices.

Un groupe de militant.e.s de Fridays for Future Ouganda et Tanzanie, ainsi que des activistes français.es et allemand.es, se sont récemment opposé.e.s au projet devant la ministre de l’Ecologie Barbara Pompili, pendant une cérémonie officielle à Grenoble. Comme le disait l’un d’entre eux : « Pouyanné, Macron, faites attention, parce que ce projet pourrait bien devenir votre plus grand cauchemar politique ».

En pleine crise climatique, il n’y a plus de place pour aucun nouvel investissement dans les énergies fossiles. Alors que les actionnaires de Total célébreront ses succès financiers ce 10 février, il nous faut maintenant regarder le vrai visage de Total.

Récemment, son PDG a clamé que l’entreprise « ne fait pas de greenwashing » et a annoncé son retrait de Birmanie en raison des violations des droits humains qui y sont commises. Mais si l’entreprise est en quoi que ce soit sincère sur l’importance qu’elle accorde au climat et aux droits humains, elle doit immédiatement cesser toute participation aux méga-projets pétroliers en Afrique de l’Est. S’ils continuent leur greenwashing tout en construisant un oléoduc de 1445 kilomètres de long, le destin de l’entreprise pourrait être scellé bien plus tôt que prévu.

Et l’EACOP deviendrait le dernier clou planté dans le cercueil de Total.

Auteurs : Camille Etienne, Evelyn Acham, Faith Kwagala, Davis Reuben Sekamwa, Kobusingye Hamira

 

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