Le goût de la Bretagne de … Lawrence d’Arabie
25 avril 2022
Publié par Gilles Munier sur 25 Avril 2022, 07:35am
La plage de Dinard au début du XXème siècle
Par Stéphane Brousse (revue de presse : NHU – 24/4/22)*
“Tous les hommes rêvent mais pas de la même façon. Ceux qui rêvent de nuit s’éveillent le jour et découvrent que leur rêve n’était que vanité. Mais ceux qui rêvent de jour sont dangereux, car ils sont susceptibles, les yeux ouverts, de mettre en œuvre leur rêve afin de pouvoir le réaliser. C’est ce que je fis …”
Les Sept Piliers de la Sagesse, Thomas Edward Lawrence, 1922
De l’hiver 1891 au printemps 1894, un père et ses fils, accompagnés d’une gouvernante, loue dans une rue paisible en périphérie de Dinard – 25 rue Barbine – un joli pavillon qui abritera durant ces trois années, celui qui allait devenir vingt ans plus tard, le légendaire Lawrence d’Arabie. Celui qui n’était encore que Thomas Edward reviendra sur la côte nord de la Bretagne à plusieurs reprises de 1906 à 1910.
Le 16 août 1888, à Tremadog, au Pays de Galles, nait Thomas Edward Lawrence.
Il est le deuxième fils de Sir Thomas Chapman, lui-même septième baronnet d’une ancienne et prestigieuse famille irlandaise du Comté de Westmeath. Son épouse, Lady Edith Hamilton Boyd, est prétend-il, une mégère acariâtre. Sir Thomas Chapman ne pouvant en divorcer, décide tout bonnement de fuir avec Miss Sarah Junner, la gouvernante dont il est tombé éperdument amoureux. Elle est elle-même la fille illégitime d’un certain Lawrence. De cette union naitront cinq fils.
Les fugitifs, qui souhaitent se faire discrets, résident durant une courte période, en Écosse, au Pays de Galles, puis sur l’Ile de Mann, puis à Jersey.
C’est en décembre 1891 qu’ils s’installent à Dinard dans une villa louée par des amis, les Chaignon.
La demeure est plaisamment nommée le Chalet du Vallon. Thomas Edward, que tout le monde surnommera bientôt Ned, en dépit de son très jeune âge reçoit un enseignement en langue française, ainsi que des cours de gymnastique dispensés par les Frères de Lamennais, communauté responsable de l’école Sainte-Marie qui jouxte le Chalet du Vallon.
Au printemps 1894, la famille Lawrence (le père a abandonné ses terres, ses titres son château et même le nom de Chapman) quitte Dinard et s’installe aux environs d’Oxford. Les garçons se doivent de recevoir une éducation de gentlemen. Thomas Edward, intègre le Jesus College de Oxford et y étudie de 1907 – 1909.
Le jeune homme se passionne pour l’histoire médiévale.
De 1906 à 1909, les Lawrence sont accueillis chaque été au Clos Briand, à Saint-Enogat.
La villa devient une sorte de camp de base qui permet aux jeunes gens d’explorer la Bretagne et la France. Thomas Edward a désormais dix-huit ans. Il est passionné d’architecture militaire médiévale et … de bicyclette. Il s’épuise dans des courses de plus en plus longues au guidon de sa Morris à grand développement. Il visite en France les places fortes de Château-Gaillard, Carcassonne, Chinon, Aigues-Mortes, le Mont Saint Michel et en Bretagne, Fougères, Vitré, Rennes, Saint-Malo, Lamballe, Le Château de la Hunaudaye …
Dinard, en ce début de XXe siècle se couvre de villas splendides et d’hôtels luxueux.
Lorsque Thomas-Edward y séjourne, il se baigne à Saint-Enogat dans une petite crique un peu au-delà d’un lieu nommé la Goule aux Fées. Son corps, se réjouit-il, se raffermit et lui permet des randonnées de plus en plus exigeantes à travers la France. Le jeune garçon est complexé dit-on par sa petite taille (165 cm) sa silhouette trop fine et son visage trop long. Chaque jour ou presque, il adresse à ses proches, à sa mère surtout, une lettre ou une carte postale décrivant ses périples, ses découvertes, ses états d’âme. C’est durant ces longues échappées à bicyclette, qu’il se forge un corps robuste et aussi ce goût immodéré de la solitude. On y découvre un jeune homme proche de ses sous, à la limite de la pingrerie. Le futur héros est par ailleurs décrit, par ceux qui le côtoie alors, comme arrogant, méprisant, affabulateur, n’hésitant pas à s’inventer un passé glorieux ; des reproches qui lui seront souvent faits plus tard. C’est au cours de l’été 1908, qu’il gagne les rives de la Méditerranée.
“J’ai senti que j’avais atteint le chemin qui mène à l’Orient mythique, la Grèce, Carthage, l’Egypte, la Syrie. Les voilà ! Tous presque à portée de main. Il faudra que je revienne ici et que j’aille encore plus loin …”
L’année suivante, Thomas Edward voyage à pied au Liban et en Syrie parcourant en quelques mois, dit-il, près de 1800 kilomètres à pieds.
Il n’y visite pas moins de trente-six citadelles, la forteresse de Saladin, la forteresse de Margat et bien sûr le Krak des Chevaliers. A son retour en Grande-Bretagne, le jeune homme soutient une thèse ayant pour sujet L’influence des croisades sur l’architecture militaire européenne à la fin du XIIe siècle.
On lui propose alors un poste de professeur.
Il refuse. Enseigner l’histoire de la poterie médiévale ne l’enchante guère semble-t-il … En août et septembre 1910, il parcourt à nouveau à bicyclette, la Normandie et la Bretagne. Il embarque en décembre pour une mission archéologique au Moyen-Orient et côtoie au cours de ces fouilles, les archéologues britanniques les plus prestigieux, tels que David Hogarth, Reginald Campbell Thomson, Leonard Woolley.
Thomas Edward Lawrence se mêle alors aux autochtones, en adopte la langue et le costume, en étudie les us et coutumes, cheminant ainsi peu à peu vers celui qui allait devenir Lawrence d’Arabie, un des êtres les plus fascinant de son temps selon les propos de Winston Churchill.
Bibliographie
Lawrence d’Arabie
Folio biographie, 16 novembre 2012
Michel Renouard
Thomas Edward Lawrence en Bretagne et à Paris
La Lauze éditions, 21 février 2008
Guy Penaud
Circuit Lawrence d’Arabie à Dinard : www.villedinard.fr/medias/2015/12/fiche-circuit-lawrence-darabie.pdf
*Source : NHU.bzh
*Source : NHU.bzh (avec photos de Lawrence jeune)