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27 avril 2024

Un danger pour la Libye nouvelle : le mimétisme constitutionnel et politique


 

La Libye est à la recherche de sa souveraineté, de la paix : elle doit se débarrasser des factions qui la déchirent, reprendre le contrôle de ses richesses, en premier lieu de son pétrole. Elle a besoin aussi de fonder un système politique qui lui soit propre, c’est-à-dire ajusté à ses réalités culturelles et sociales, en récusant les « modèles » que veulent lui imposer les prédateurs, descendants du colonialisme italien qu’ils soient américains, français, russes, qataris, etc. Tous ces faux « amis » d’Occident ou du monde arabe désireux de disposer d’un simple « Comité d’administration du pétrole et du gaz », sous contrôle extérieur au nom, si nécessaire, d’un gardiennage de la « démocratie » libérale !

Les « printemps arabes », prétendue transition vers cette démocratie, ne sont pas des « modèles ». Ils ont débouché sur le vide, après avoir été impulsés de l’étranger (voir, par exemple, l’Egypte dont l’armée, financée par les Etats-Unis, a « laissé faire » une pseudo-révolution conclue par la dictature Sissi).

L’ingérence multiforme et multinationale que subit la Libye ne permet pas encore l’édification d’un régime authentiquement libyen. Voilà dix ans que le peuple de ce petit pays – qui a eu le « tort » de vouloir être plus grand – est victime du chaos et de la corruption : la destruction de la Jamahiriya de M. Kadhafi par la France sarkozyste et l’OTAN a fait la preuve de sa profonde nocivité.                                                                                                                                                                           

La Libye n’a pas bénéficié longtemps de l’indépendance pourtant garantie par la SDN puis par l’ONU depuis un siècle. Le colonialisme de Mussolini, puis la domination américano-française sous la monarchie d’Idriss après la Seconde Guerre mondiale, n’a rien apporté au peuple libyen. Le pétrole est devenu source de profit pour quelques-uns et de violation de la souveraineté pour d’autres, tous sous la tutelle des grandes compagnies. Avec la Révolution kadhafiste, pour la première fois, la Libye a recherché une voie de développement réellement nationale, refusant d’accepter que son système politique soit un produit d’import-export ! Pour la première fois, une nouvelle forme de gouvernance, ambitieuse et originale, tente de prendre en considération les besoins populaires jugés prioritaires.

Après le meurtre de M.Kadhafi, tout est à refaire, dans un climat de décomposition politique et morale.

Le danger dans le processus de rétablissement d’un système politique national est le mimétisme constitutionnel, c’est-à-dire l’adhésion à un « modèle » inapproprié d’origine étrangère, condamné à rester ineffectif comme diverses constitutions de l’Afrique subsaharienne calquées sur le système de l’ex-métropole coloniale ! Le « viol de l’imaginaire » national, le soft power des valeurs consuméristes occidentales, l’opportunisme d’intellectuels carriéristes, créent une situation défavorable à l’invention pourtant nécessaire d’un régime permettant la reconstruction de l’économie nationale, une politique sociale progressiste, la sauvegarde de l’unité territoriale du pays. Les pesanteurs dues à l’interventionnisme des puissances étrangères s’ajoutent aux difficultés intérieures. L’universitaire s’inquiète, à l’occasion des jurys de thèse de doctorants libyens, de l’esprit de « copiage » des institutions occidentales, d’une profonde absence de confiance en soi et d’esprit de renaissance : cette élite – qui n’en est pas une – est un danger pour l’ensemble du peuple libyen qui a besoin d’un esprit de résistance et d’innovation.

Comment ne pas tenir en grand compte l’héritage, la culture, la structure de classes, de tribus et d’ethnies qui caractérisent la société libyenne ? Il convient d’imaginer des structures fédérales, de rendre prioritaire les droits économiques et sociaux dont sont privés les citoyens libyens. Les élections, qui ne sont pas la panacée démocratique telle que les présentent les occidentaux, ne sont qu’une composante parmi bien d’autres d’un système respectueux de la volonté des Libyens. Qui a oublié que le régime nazi s’est installé en Allemagne après la victoire électorale du parti hitlérien ?

La Libye a besoin d’un Etat social : on connaît le sort des Palestiniens privés d’Etat et placés sous tutelle ! Sa fonction principale est l’éradication de la pauvreté et de la corruption : la Libye en a les moyens ! Cet Etat social suppose la réconciliation nationale mettant à l’écart les milices violentes, les spéculateurs de l’importation, les gaspilleurs de devises et de tous les parasites ; il doit éviter de n’être qu’une « démocratie du bavardage », source d’illusions et de perte de temps ! Les individus, les tribus, doivent devenir les vrais décideurs imposant une répartition équitable des richesses, notamment du pétrole et du gaz, pour que règne la paix.

La souveraineté n’est pas un archaïsme : elle permet de choisir les liens que l’Etat veut réellement nouer. Choisir ainsi la coopération Sud-Sud, nécessaire pour faire face aux puissances impériales et intrusives, semble être le meilleur choix : l’Afrique a l’avenir devant elle pour résister à la crise décivilisatrice qui affecte le vieux monde soi-disant « développé ».

Robert CHARVIN co président du Comité international pour la Défense des droits du peuple Libyen

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