Si le Congrès a eu lieu à la mi-juillet, ce n’est sans doute pas un hasard si ce compte-rendu de la fraternité des communistes africains par l’envoyé du KPRF a été publié aujourd’hui. Il s’agit d’une preuve de plus de ce que vit ce continent africain, la manière dont il refuse de se laisser dicter son rôle dans le monde, son mode de développement. Marianne, qui a traduit pour nous ce texte, me dit avoir été impressionnée par le débat mené par le représentant du secteur international du PCF pour l’Afrique à la fête de l’Humanité. Il tranchait sur les mœurs habituels du dit secteur. Certes il a débuté par le regret de l’opération spéciale russe en Ukraine mais très vite il a été défini ce principe largement partagé par les peuples africains et ceux d’autres continents: “quand nous voyons une condamnation au plan international, nous regardons qui l’a signée et si ce sont des États dont nous savons par expérience leur rôle colonisateur, raciste, hier comme aujourd’hui nous nous méfions a priori.” Et quand il s’agit comme ici du puissant parti communiste africain, l’histoire des liens avec la Russie est encore plus déterminante. (note de Danielle Bleitrach traduction de Marianne Dunlop)
https://kprf.ru/dep/gosduma/activities/213234.html
À la mi-juillet, à Johannesburg, la capitale économique de l’Afrique du Sud, l’une des plus grandes villes d’Afrique, s’est tenu le 15e congrès du Parti communiste sud-africain (SACP). Le comité central du KPRF m’a demandé de représenter notre parti à ce congrès.
Journal la Pravda. Viatcheslav TETIOKINE, membre du comité central du parti communiste de la Fédération de Russie, docteur en histoire.
2022-09-11 13:52
C’est l’hiver en Afrique du Sud. Mais selon nos critères, le temps est clément. La température monte à 18-20 degrés pendant la journée. Cependant, la nuit, il peut faire très froid – jusqu’à 4-5 degrés. En l’absence de chauffage central dans la grande majorité des maisons, c’est tout à fait palpable. Surtout si l’on considère que les murs des maisons n’ont au mieux qu’une brique d’épaisseur, et que de très nombreuses familles pauvres ont des murs en contreplaqué ou même en carton.
Le parti communiste sud-africain est le plus ancien d’Afrique. Il a été créé en 1921 sous l’influence de la révolution d’octobre 1917 en Russie. Le 15e congrès du SACP était la dernière étape d’une série d’événements organisés pendant un mois pour marquer le 100e anniversaire du parti. Le SACP est l’un des plus grands partis de gauche au monde, avec 340 000 adhérents. Avec le Congrès national africain (ANC), il fait partie de la coalition gouvernementale. Les communistes occupent les postes de ministres du travail et de l’emploi, de l’enseignement supérieur, des sciences et de la technologie, ainsi que des postes de vice-ministres.
La nature de la coalition du gouvernement sud-africain reflète la force du bloc des forces démocratiques du pays, comprenant l’ANC, le SACP et le Congrès des syndicats sud-africains (COSATU), qui a évolué au cours de décennies de lutte commune contre l’apartheid. Les dirigeants de l’ANC et du COSATU ont délivré de longs messages de bienvenue au congrès.
Sous le slogan “Construisons ensemble un puissant mouvement socialiste des travailleurs et des pauvres”, le congrès a duré quatre jours. Plus de 400 délégués et environ 200 invités y ont participé. L’ordre du jour comprenait les rapports politique et organisationnel du Comité central, la discussion de ces rapports et de la situation socio-économique du pays dans les cinq commissions du congrès, l’adoption d’un programme d’action pour le proche avenir et l’élection de la direction du Parti. Blade Nzimande, secrétaire général du SACP, a présenté un rapport politique approfondi. Son discours a duré plus de quatre heures. Mais c’était très intéressant de l’écouter.
Une particularité de la façon de parler africaine, même pour les discours officiels, est que ces discours sont fortement saturés d’humour. L’orateur, pour illustrer un point, quitte soudain des yeux le texte préparé et lance quelques phrases amusantes. Mais ce n’est pas un “divertissement”. Les proverbes et dictons vont de pair avec les sujets sérieux abordés. Et cet humour populaire élimine la “fadeur” souvent inhérente aux longs discours officiels.
Les rapports politiques sont monnaie courante, mais le rapport d’organisation de 250 pages du comité central a surpris. Il contenait une évaluation détaillée des activités de chaque branche du parti et de toutes les campagnes politiques que le parti avait menées au cours des 5 années écoulées. Il ne s’agissait pas d’un autoportrait cérémoniel “sur les réalisations et les succès”, mais d’une analyse approfondie de l’efficacité du Parti dans son ensemble et de toutes ses branches et subdivisions, avec une bonne dose de critique et d’autocritique. Par exemple, la campagne Octobre rouge – la commémoration annuelle de l’anniversaire de la révolution de 1917. Aujourd’hui, en Afrique du Sud, l’anniversaire n’est pas seulement commémoré le 7 novembre, mais pendant tout un mois avant la date du début de la révolution. C’est une liste très impressionnante d’événements dans tout le pays.
La convention a été très bien organisée. Chaque délégué a reçu un petit sac à dos avec une veste rouge et un T-shirt avec le logo du SACP ainsi qu’un ensemble de documents sur le programme du parti. L’hébergement et les repas des délégués étaient parfaitement organisés. Pour leur part, les délégués ont fait preuve d’un grand sens de la discipline. Ils travaillaient tard dans la nuit et l’activité des délégués n’était pas inférieure à celle du matin.
Les travaux du congrès ont été très démocratiques. Des discussions sérieuses ont eu lieu sur l’ordre du jour, avec de nombreux discours bien informés de la part des participants. Cela prolonge la procédure, mais également démontre le respect des dirigeants du parti pour les opinions des délégués ordinaires. Les représentants de la Ligue de la jeunesse, par exemple, ont exigé de pouvoir s’exprimer avant le rapport politique du Comité central. Bien qu’il s’agisse d’une violation de l’ordre du jour convenu et d’un manque de logique, la direction du parti a fait preuve de souplesse et a accepté cette décision pour éviter tout conflit.
Par ailleurs, l’égalité traditionnelle entre les dirigeants du parti (parmi lesquels se trouvaient plusieurs membres du gouvernement) et les délégués de la base est aussi un signe marquant du SACP. Il n’y avait aucune différence dans l’apparence ou le comportement. Ils portaient tous les mêmes vestes et sweat-shirts da parti. Ils prenaient tous leurs repas au même endroit. Je devais parler à Solly Mapaila, le secrétaire général adjoint du parti. Mais compte tenu de son emploi du temps extrêmement chargé, c’était impossible. Ce n’est que vers minuit, le deuxième jour du congrès, que Solly s’est soudainement assis à côté de moi au dîner. Une conversation s’est engagée. Mais toutes les 30 secondes, un délégué s’approchait de Solly, et le secrétaire général adjoint du Parti trouvait quelques mots aimables pour chacun d’eux. Étonnamment, cela n’a pas affecté la qualité de la conversation.
Le congrès était principalement axé sur les questions socio-économiques. L’économie sud-africaine se trouve dans une situation difficile. Cela s’explique en partie par le fait que les autorités sud-africaines ont fait preuve d’un excès de zèle en imposant des restrictions lors de la pandémie de COVID-19 en 2020-2021. Cependant, les problèmes de l’économie (et les problèmes sociaux aigus) sont principalement dus à des facteurs plus profonds. Les forces démocratiques dirigées par l’ANC ont obtenu le pouvoir politique en 1994, mais le pouvoir économique est resté aux mains des entreprises transnationales, étroitement liées au capital occidental.
Bien sûr, les grandes entreprises sont intéressées par la maximisation des profits plutôt que par le développement du pays dans l’intérêt de la majorité de sa population. D’où la persistance de distorsions dans la structure économique, un taux de chômage extrêmement élevé (environ 40 %), notamment chez les jeunes (jusqu’à 60 %), et d’énormes problèmes sociaux, dont la criminalité. À cet égard, l’alliance ANC-SACP-COSATU pose la question d’une deuxième phase de la révolution démocratique nationale, incluant la redistribution du pouvoir économique.
Le congrès a été suivi par des invités des partis frères. Cependant, la plupart d’entre eux étaient des ambassadeurs de pays amis (Chine, Vietnam, Cuba, Palestine, RPDC). Les représentants des partis de gauche ne provenaient que des pays voisins (Zimbabwe, Swaziland, Mozambique) et de la République démocratique du Congo et du Venezuela. Parmi les partis communistes européens, seul le KPRF était présent au congrès. En outre, dans une lettre envoyée à Moscou, S. Mapaila, secrétaire général adjoint du SACP, a souligné qu’”il était extrêmement important que le KPRF participe au congrès”.
Avant le congrès, je m’inquiétais de l’attitude des délégués à l’égard de la Russie, étant donné la dure campagne anti-russe menée par les médias pro-occidentaux locaux. Cependant, il était clair, dès la première réaction du public à l’annonce des invités du congrès, y compris le représentant du KPRF, que les délégués avaient une opinion très favorable de la Russie.
J’ai eu l’occasion de prendre la parole pendant 30 minutes lors de la session plénière. Il était clair que les camarades étaient surtout intéressés par nos évaluations de la nature du conflit militaire en Ukraine. Cependant, il était tout aussi important de montrer aux camarades luttant pour le socialisme en Afrique du Sud que le capitalisme en Russie était en train d’échouer et que la sympathie pour le socialisme augmentait. Ce discours a reçu un accueil exceptionnellement chaleureux. Le discours a été interrompu à plusieurs reprises par des applaudissements, et à la fin, tous les délégués se sont levés et ont scandé à l’unisson. Selon les traditions locales, cela signifie la plus haute forme d’approbation et de soutien.
Il est à noter que le président de l’ANC, le Sud-Africain Cyril Ramaphosa, se trouvait à ce moment-là dans le présidium du congrès et a écouté attentivement le discours du représentant du KPRF. Étant donné que le chef de l’État allait s’exprimer, tous les grands médias du pays étaient présents et ils ont dû écouter les arguments du KPRF sur l’opération spéciale russe en Ukraine.
Dans son discours, le président sud-africain, après avoir énoncé sa position officielle sur la nécessité d’un règlement politique en Ukraine, a fait référence à deux reprises au représentant du KPRF. D’autres invités étrangers du congrès ont eu l’occasion de prononcer de brèves salutations (4-5 minutes). Un représentant du Parti communiste chinois a délivré un message vidéo.
Le dernier jour du congrès, la nouvelle direction du parti a été élue. Pour remplacer Blade Nzimande, qui a été secrétaire général du parti pendant 23 ans, a été élu Solly Mapaila, notre vieux camarade pendant de nombreuses années, premier secrétaire général adjoint du SACP et membre actif de la lutte armée clandestine contre l’apartheid dans le passé. B. Nzimande lui-même a été élu président du parti (un poste largement formel). David Masondo, leader de la Ligue des jeunes du SACP, a été élu comme l’un des deux adjoints du secrétaire général. Il convient de noter que D. Masondo est le vice-ministre sud-africain des finances et membre du comité exécutif national de l’ANC. Cela montre l’ancrage réel du SACP dans la vie politique du pays.
Avant même le congrès, j’ai eu une conversation approfondie avec la direction du principal syndicat d’Afrique du Sud, l’Union nationale des Mineurs, qui comprenait le président, le vice-président, le secrétaire général et le trésorier du syndicat. Les dirigeants des mineurs étaient particulièrement intéressés par les perspectives de coopération entre les syndicats de Russie et d’Afrique du Sud. Il y a d’ailleurs deux présidents sud-africains qui sont issus des secrétaires généraux du syndicat.
A l’issue du congrès, l’auteur de ces lignes a eu une longue (4 heures) conversation avec l’ancien président sud-africain Thabo Mbeki, ancien membre du Politburo du SACP, ainsi qu’une courte conversation avec un autre ancien président sud-africain, Khalema Motlanthe. Lors de sa rencontre avec Thabo Mbeki, je lui ai remis la médaille du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique “100 ans de formation de l’URSS”, décernée à l’occasion de son 80e anniversaire et de sa grande contribution au renforcement de l’amitié entre nos pays. L’ancien dirigeant sud-africain a exprimé sa sincère gratitude au KPRF pour cet honneur.
Pendant le congrès, SABC, le principal radiodiffuseur d’Afrique du Sud, a demandé une interview. Nous avons parlé des problèmes de l’Opération spéciale en Ukraine. Le même radiodiffuseur a consacré un reportage au discours du représentant du KPRF au congrès dans son programme d’information. Tant l’interview que le discours au congrès ont été présentés avec un texte court : “L’OTAN est accusée d’avoir provoqué le conflit en Ukraine”. Cela montre qu’il existe des possibilités de promouvoir notre position même dans des médias qui sont considérés comme pro-occidentaux.
Quelles conclusions peut-on tirer de la participation d’un représentant du KPRF au congrès du parti communiste frère d’Afrique du Sud ? En Afrique du Sud, malgré l’énorme pression de la propagande occidentale, l’attitude amicale envers la Russie a été maintenue et même renforcée. L’Opération spéciale en Ukraine est de plus en plus considérée comme une lutte contre l’OTAN et pour un monde unipolaire.
Nos amis de longue date au sein de l’alliance des forces démocratiques au pouvoir, dirigée par l’ANC, jouent un rôle clé à cet égard. Les syndicats, notamment l’Union nationale des Mineurs, jouent un rôle crucial en Afrique du Sud. Il est fortement influencé par le SACP (le président du syndicat est membre du parti communiste) et a montré un fort désir de coopérer avec la Russie.
Dans l’ensemble, la participation d’un représentant du KPRF au congrès du SACP a permis de communiquer avec plus de force la position de notre parti sur un large éventail de questions à l’opinion publique sud-africaine. Ce voyage a permis de cimenter des relations amicales anciennes et nouvelles avec des forces influentes, des personnalités politiques et publiques en Afrique du Sud.
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