Aller à…
RSS Feed

29 mars 2024

Aux origines païennes de l’imposition du voile 


Aux origines païennes de l’imposition du voile (2/3)

Robert Bibeau

Nov 7

Par Khider Mesloub.

La première partie de ce texte est ici:
Aux origines païennes de l’imposition du voile (1/3) – les 7 du quebec

C’est dans ce contexte de la naissance de la ville qu’il faut donc situer l’imposition du voile à la femme. Et de manière générale, la dégradation accentuée de la condition féminine. En effet, la ville, alimentée par le flux continu de nouveaux « migrants » issus des tribus environnantes sédentaires ou nomades, allait constituer une agression pour ces nouveaux résidents citadins détribalisés. Particulièrement pour les femmes exposées au regard des autres citadins. Pour les soustraire au regard des étrangers, afin de conserver leur valeur marchande certifiée par leur virginité, les parents mâles (père, frère ou mari) s’activeront à cloîtrer leurs femmes sous le voile, symbolisant l’hymen, cette membrane érigée en citadelle de l’honneur de la société patriarcale.

Le voile devient ainsi la nouvelle prison ambulatoire de la femme fraîchement « citadinisée ». Emmurée dans sa demeure urbaine, elle sera tout aussi encagée sous le voile dans ses rares sorties autorisées par le mâle.

Effectivement, outre les restrictions sévères imposées à la circulation de la femme seule en dehors du périmètre confiné de sa résidence familiale, la femme, lors de ses rares déplacements obligatoirement accompagnés d’un mâle, doit désormais impérativement porter le voile.

Sans conteste, il y’ a une relation de cause à effet entre endogamie tribale (ou plutôt sa dégradation) et un certain avilissement de la condition féminine.

Pour remonter le temps à notre époque contemporaine, c’est dans cette perspective caractérisée par la dégradation des sociétés tribales « musulmanes », impulsée par leur urbanisation, qu’il faut inscrire l’apparition récente du voile dans les sociétés actuelles musulmanes, fraîchement urbanisées mais encore fortement tribales, et non au retour du refoulé religieux.

Pour preuve, à la faveur de la modernisation et de l’urbanisation de l’Algérie, sur fond de l’expansion de l’islamisme favorisé par les pays du Golfe, la première revendication des hommes algériens « islamistes » fut l’exigence agressive du port du voile. Et non pas l’obligation de faire la prière pour tout le monde. L’obligation de respecter le ramadan. D’accomplir son devoir de El Hadj (pèlerinage à la Mecque).

Pourtant préceptes fondamentaux du Coran.

La femme, voilà l’ennemi de l’Algérien musulman fraîchement détribalisé. Et celles qui résistent au diktat du port du voile, seront agressées, violentées, voire vitriolées. Le voilement du corps des femmes algériennes est au cœur du projet réactionnaire des islamistes. C’est leur fer de lancer pour contrôler et soumettre les femmes. Encore aujourd’hui, en Algérie, les adolescentes et les étudiantes, sous la pression sociale, sont contraintes de se voiler.

 

Certaines fraîchement voilées sont même récompensées lors de cérémonies officielles. La femme voilée est associée à la bonne musulmane, la femme digne. Tandis que la femme non-voilée, « occidentalisée » selon la terminologie péjorative des islamistes, fait l’objet d’une disqualification humaine, assimilée à une femme aux mœurs légères.

En réalité, ces réactionnaires algériens s’opposent à la transformation de leur société traditionnelle agraire bousculée par l’intrusion du mode de production industriel et l’urbanisation capitaliste imparable.

La claustration de la femme, son « encagement » résulte d’un blocage culturel, ou, pour user d’un terme freudien, d’un conflit sociétal.

Tout comme les nœuds psychologiques, le « conflit civilisationnel » en question paraît être le produit d’une contrariété chronique, d’une agression envahissante urbanistique, à laquelle l’organisme – la société tribale patriarcale – répond par une mise en œuvre d’un mécanisme de défense au moyen du voile pour « protéger sa dernière monnaie d’échange » ( supplantée par l’argent), la femme, cet être sur lequel l’homme a toujours eu droit de vie et de mort, mais aujourd’hui en voie d’émancipation grâce à son éducation scolaire et à son insertion professionnelle.

C’est ce qui s’appelle se voiler la face pour s’abriter de la modernité urbaine insupportable aux yeux des traditions rétrogrades et misogynes, des islamistes dont le projet de société est fondé sur une morale sexuelle patriarcale, axé sur l’assignation des femmes à l’espace privé, en qualité d’épouses et de mères, aux déplacements dans l’espace public conditionné par le port du voile. (Curieusement, mais sans nous étonner en vrai, il n’y a pas d’obligation de port du voile pour les hommes. Pourquoi cette discrimination ? Car, selon les islamistes, le corps des femmes est impur et il est la propriété exclusive de l’homme (père, frère, mari.)

De toute évidence, la femme algérienne est prise en otage par les barbaresques islamistes, ces pirates des temps modernes, vivant de la subtilisation de la rente pétrolière. Captive de ces corsaires salafistes, la femme algérienne demeure prisonnière d’un système religieux moralement patriarcal et socialement carcéral.

Assurément, le voile des femmes s’explique par l’urbanisation des sociétés tribales. Les femmes ne se voilent que lorsqu’elles habitent une ville. Les femmes des campagnes circulent à visage découvert.

Et l’Algérie, comme la plupart des pays musulmans émergeant à peine de leur société tribale (mode de production agraire-féodal), illustre parfaitement ce malaise dans la civilisation.

Ouvrons une parenthèse.

Parlant d’Alger, un ami algérien architecte a su décrire de manière pertinente la configuration urbaine de la capitale contemporaine : il a indiqué, à propos d’Alger, qu’elle a été victime ces 30 dernières années d’une véritable entreprise de ruralisation. Le citadin a complètement été phagocyté par le rural. C’est un phénomène unique dans l’histoire humaine urbaine. Longtemps, depuis la naissance de la ville, c’est la ville qui absorbe l’apport rural grâce à la supériorité de sa culture citadine. Aujourd’hui, en Algérie, la mentalité rurale semble avoir triomphé du clivage ville-campagne. À la vérité, ce triomphe est illusoire. Cette victoire des forces rétrogrades de l’ancien mode de production en décrépitude est éphémère. Car c’est un combat d’arrière-garde et sa précaire victoire à la Pyrrhus n’a été obtenue qu’à la faveur d’une conjoncture mondiale capitaliste marquée par la décadence, le recul momentané des forces progressistes).

La lutte des islamistes, derniers vestiges des sociétés archaïques agraires-rurales-féodales, menée fallacieusement au nom de la religion, dissimule en vrai un combat des forces réactionnaires animées par une mentalité tribale toujours vivace, réfractaire à toute modernisation de la société, symptôme sociologique de leur imminente disparition. Elle dévoile, sans jeu de mot, leur opposition à toute émancipation de la femme.

In fine, de nos jours, la bataille du voile (pour ou contre le voile) n’est que le reflet de la bataille perdue d’avance entre l’ancien mode de production « féodal-confessionnel » et le mode de production industriel- urbain-capitaliste émergeant dans cette périphérie (musulmane) du continent impérialiste contemporain.

Comme on vient de l’analyser, la naissance de la ville a considérablement pénalisé la femme. Par son confinement dans l’enclos familial imposé par l’habitation urbaine, comme par son enfermement sous le voile dans ses rares pérégrinations citadines, la femme a subi une véritable dégradation de sa condition sociale. Exclue de la vie sociale, économique et politique, la femme a été réduite, durant plusieurs millénaires, aux simples tâches animales reproductives et aux fonctions domestiques circonscrites à l’éducation de sa progéniture, la tenue de son foyer. Cette exclusion multiforme des activités productives nobles et des occupations intellectuelles valorisantes a perduré durant des milliers d’années. Jusqu’au milieu du 20ème siècle.

Historiquement, les religions monothéistes, notamment l’islam, n’ont fait que consacrer et sacraliser cette tradition du port du voile imposé à la femme (le rôle de toute religion est de codifier moralement les traditions, tout comme le rôle du législatif est de codifier légalement les pratiques sociales).

Selon certains théologiens musulmans sincères, le port du voile ne constitue nullement une prescription coranique. Cette pratique du port du voile relève d’une tradition millénaire née au lendemain de la naissance des villes, comme on vient de le démontrer ci-dessus. De sorte que l’argument religieux islamique pour justifier et légitimer l’obligation du port du voile est fallacieux.

Longtemps, dans les anciennes sociétés antiques, le voilement des femmes fut une coutume sociale. La première religion monothéiste à inscrire officiellement le voilement des femmes dans son Livre saint est le Christianisme. Cette prescription figure dans la Première Épître de saint Paul aux Corinthiens (11,2-16) : « Toute femme qui prie ou qui prophétise le chef découvert fait affront à son chef ; c’est exactement comme si elle était tondue. Si donc une femme ne met pas de voile, qu’elle se coupe les cheveux ! Mais si c’est une honte pour une femme d’avoir les cheveux coupés ou tondus, qu’elle mette un voile ».

Or, l’ancien Testament ne mentionne pas cette obligation. Certes, historiquement, parmi la population juive autochtone et diasporique certaines femmes juives se voilaient. Nullement pour se plier à une prescription religieuse, mais plutôt pour se conformer aux coutumes locales.

Au vrai, la prescription chrétienne du voilement des femmes par l’Église émergente visait davantage à distinguer les chrétiens de Corinthe du reste de la population que de soumettre les femmes. Par cette prescription religieuse, l’Église naissante cherchait à vulgariser et à systématiser le nouveau culte chrétien par son accommodation aux coutumes sociales des convertis, mais également à rompre avec son substrat juif et, surtout, païen.

Quoiqu’il fût une recommandation officielle chrétienne, le voilement n’était pas systématiquement appliqué, notamment dans les pays européens nouvellement convertis, en particulier dans l’empire romain.

Au reste, les Grecques et les Romaines de l’époque antique n’étaient pas voilées. Elles voilaient leur tête uniquement lors de leurs périodes d’affliction (décès d’un proche, veuvage).

De manière générale, le port du voile variait en fonction des régions, des circonstances et des milieux sociaux.

Outre saint Paul, un autre Père de l’Église, berbère de surcroît, Tertullien, consacra un traité à la question du voilement des femmes : Le voile des vierges. Pour Tertullien, ce ne sont pas seulement les épouses qui doivent être voilées, mais également les vierges, dès l’âge nubile.

Autrement dit, toutes les filles, sans exception, dès leur adolescence.

Tertullien recommande à toutes les femmes de se voiler : « Je t’en prie, vierge, que tu sois mère, sœur ou fille – pour vous énumérer d’après les noms qui conviennent à vos âges – porte le voile, si tu es mère à cause de tes fils, si tu es sœur à cause de tes frères, si tu es fille à cause des pères. Chaque âge en toi court un danger » […] « Revêts l’armure de la pudeur, entoure-toi du rempart de la discrétion, élève autour de ton sexe un mur qui ne laisse ni sortir tes regards, ni rentrer les regards d’autrui. Adopte pleinement la tenue de la femme afin de préserver ton état de vierge. Dissimule tant soit peu ce que tu es à l’intérieur, pour offrir à Dieu la vérité. » […]

« Qu’elles sachent [les femmes] que tout est féminin dans une tête de femme ; que la tête c’est tout ce qui s’étend jusqu’aux bords, aux confins du vêtement ; tout ce que les cheveux dénoués peuvent recouvrir, voilà le domaine du voile, de manière qu’il enveloppe aussi la nuque. »

On croirait lire un texte d’un islamiste contemporain. Pourtant, ce traité fut rédigé par un grand Père de l’Église, Tertullien, ecclésiastique berbère.

De nos jours, cet avilissement des femmes par le « voilement » de leur liberté, cette forme d’aliénation, représente la plus massive survivance de l’asservissement humain. Et la femme, à l’instar de certains esclaves, est souvent complice.

Aujourd’hui, ce sont les évolutions induites par la révolution urbaine, ou plus exactement les réactions de défense opposées par les sociétés tribales « musulmanes » à leur urbanisation récente, qui sont responsables de la dégradation de la condition féminine.

Bousculées dans leur millénaires traditions, ces sociétés islamiques s’acharnent à perpétuer leurs coutumes misogynes à l’intérieur des murailles urbaines modernes, symbolisées par le voile féminin, ultime citadelle érigée par les islamistes pour protéger leurs prérogatives patriarcales. Tout se passe comme si les islamistes utilisent la femme comme bouclier pour se protéger de la civilisation urbaine, de l’intrusion du mode de vie moderne « occidental ».

Depuis longtemps, une fois transplantés en ville, les individus, foncièrement pétris de convictions archaïques, réaniment, à chaque génération marquée par l’afflux de nouveaux migrants, leurs traditions tribales. (N’assistons-nous pas à ce phénomène de transplantation-réactivation de coutumes rétrogrades dans les pays occidentaux confrontés à l’implantation massive de populations immigrées issues de pays sous-développés d’obédience islamique. Populations immigrées qui, pour se protéger du modèle urbain libéral jugé culturellement immoral et corrosif, corrupteur et destructeur, brandissent des boucliers confessionnels pour conjurer leur dilution culturelle, exorciser leur absorption identitaire, notamment par leur calfeutrement communautaire et leur isolement géographique ?

Le nouveau transplanté ne devient pas du jour au lendemain un citadin libéral. La ville lui fait subir une série d’offenses.

Blessé dans ce que sa personnalité a de plus essentiel, agressé dans ses convictions tribales, le nouveau transplanté dresse une muraille – un voile – entre les valeurs de la ville et ses convictions tribales (religieuses).

L’homme musulman à la mentalité tribale vit mal ces promiscuités urbaines, ces proximités masculines offensantes pour sa femme, ses filles, ses sœurs.

Pour échapper aux regards « concupiscents » (selon ses délires phallocrates) des étrangers, il va tendre un véritable « rideau de fer » (d’enfer) entre la société des hommes et des femmes (pour les protéger, argue-t-il ; défendre leur honneur, clame-t-il).

On prête cette sentencieuse phrase au Prophète Mohamed : « Cela (la charrue) n’entrera pas dans la demeure d’une famille sans que Dieu y fasse entrer aussi l’avilissement ». En d’autres termes, on n’intègre pas la ville (on ne se sédentarise pas) sans subir la dégradation de ses mœurs (tribales).

Les sociétés tribales, surtout nomades, ont toujours cultivé une aversion pathologique à l’endroit des civilisations urbaines, associées à la débauche des mœurs, à la dépravation morale, au ramollissement de la virilité, à la dissolution du patriarcat, à l’émancipation intolérable de la femme.

Paradoxalement, les partisans hystériques du port du voile invoquent des arguments religieux islamiques pour justifier et légitimer une tradition païenne.

En effet, le port du voile imposé à la femme, comme on vient de le démontrer, est une survivance tribale païenne, une coutume sociale profane.

Khider MESLOUB

Partager

Plus d’histoires deAlgérie