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24 avril 2024

Quand les États-Unis voient leurs alliés leur échapper…


Recep Tayyip Erdogan en compagnie de Mohammed ben Salmane
Le président turc Recep Tayyip Erdogan reçoit le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane à Ankara le 22 juillet 2022. Deux alliés traditionnels de Washington qui jouent de plus en plus leur propre carte. Adem Altan/AFP

Le contexte de la guerre en Ukraine a révélé l’importance de la stratégie du « hedging », une notion venue de l’univers de la finance et qui désigne une approche consistant, pour un État, à assurer sa sécurité et à préserver ses intérêts en multipliant les partenariats.

Alors que l’hégémonie des États-Unis a longtemps reposé sur l’adhésion de leurs partenaires à l’agenda stratégique global américain à travers la construction d’alliances pérennes, l’ordre mondial est, aujourd’hui, de plus en plus caractérisé par la fluidification des rapports internationaux, l’affirmation d’intérêts nationaux et régionaux qui ne s’alignent plus sur les intérêts américains, et l’essor de « connivences fluctuantes ». Plusieurs exemples l’illustrent actuellement de manière frappante.

Un « monde non aligné ? »

Comme le note avec justesse la revue Foreign Affairs dans l’introduction de son numéro de mai-juin 2023, consacré au « Monde non aligné », « étant donné que les hedgers attachent de l’importance à la liberté d’action, ils peuvent former des partenariats de convenance pour poursuivre des objectifs de politique étrangère spécifiques, mais il est peu probable qu’ils concluent des alliances générales. Il s’agit d’éviter la pression de choisir entre la Chine, la Russie et les États-Unis. »

La Chine, favorable à une transformation de l’architecture de gouvernance mondiale, encourage ces « connivences fluctuantes » qui apparaissent aujourd’hui comme une manifestation, voire le fondement d’un nouvel ordre international. À cet égard, le politologue français Bertrand Badie rappelle que « l’un des postulats de la diplomatie chinoise est que la Chine a besoin d’un monde stable et d’une économie mondiale prospère, à défaut de quoi le pari chinois de prendre la tête de la mondialisation viendrait à s’effondrer ; c’est la raison pour laquelle elle n’a aucun intérêt à une aggravation des conflits ». Pour Bertrand Badie, cette orientation sonne le glas de la géopolitique de blocs, car Pékin promeut, dans une approche pragmatique, la multiplication des partenariats au détriment des alliances exclusives et pérennes.


À lire aussi : Avec le conflit Russie-Ukraine, le renouveau des non alignés ?


De leur côté, les partenaires traditionnels de Washington ne veulent pas se laisser entraîner dans une polarisation géopolitique, comme l’a illustré, dans le contexte de la guerre en Ukraine, le refus d’un certain nombre d’entre eux d’imposer des sanctions à la Russie.

Ils perçoivent l’émergence de la Chine comme une opportunité de manœuvrer afin d’accroître leur autonomie décisionnelle. Deux exemples frappants illustrent aujourd’hui la consécration de ces « connivences fluctuantes » au détriment de la géopolitique de blocs : la normalisation entre l’Arabie saoudite et l’Iran, intervenue grâce à la médiation chinoise ; et l’évolution de la relation entre la Turquie et la Russie.

La connivence Iran/Arabie

Ces deux acteurs étaient en conflit depuis plusieurs années. Dès 2013, l’Arabie saoudite, ainsi que les Émirats arabes unis, s’est fortement impliquée dans la guerre en Syrie, à la fois pour contrer l’influence de la Turquie et du Qatar (qui soutenaient également l’opposition à Bachar Al-Assad) et pour s’opposer à l’Iran, allié du régime de Damas.

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La confrontation entre Riyad et Téhéran s’est durcie à partir de 2015 du fait de la guerre au Yémen, qui a mis à mal la crédibilité américaine et ses engagements de défense envers ses alliés du Golfe, Washington n’ayant guère réagi à la première attaque contre les installations pétrolières du géant saoudien Aramco en 2019.

Ce contexte a accéléré le changement de paradigme en Arabie saoudite et donné naissance à une volonté d’appliquer une politique alternative pour apaiser la confrontation régionale tout en diversifiant les partenariats afin de préserver au mieux les intérêts saoudiens.

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