Aller à…
RSS Feed

30 avril 2024

Norman Finkelstein : Pourquoi l’Ukraine ne sera jamais membre de l’OTAN


Norman Finkelstein : Pourquoi l’Ukraine ne sera jamais membre de l’OTAN

lecridespeuples

Juil 22

LES MASQUES TOMBENT

Par Norman Finkelstein

Source : normanfinkelstein.com, le 14 juillet 2023

Traduction : lecridespeuples.fr

Lors du sommet de Bucarest en 2008, l’Ukraine s’est vu promettre une éventuelle adhésion à l’OTAN. En 2022, à la veille de l’ « opération militaire spéciale » russe, l’Ukraine participait déjà à des exercices militaires conjoints avec l’OTAN et recevait massivement des armes et des formations de l’OTAN. Mais elle n’avait toujours pas obtenu le statut de membre. La guerre en Ukraine en est maintenant à son 500e jour, le pays a été dévasté et ses forces de combat ont subi des pertes par centaines de milliers. Pourtant, lors du sommet de Vilnius qui s’est tenu la semaine dernière, l’Ukraine a été inscrite sur la liste d’attente du club d’élite. Le communiqué du sommet note qu’un « Conseil OTAN-Ukraine » a été créé pour faciliter « les aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine à l’adhésion à l’OTAN », mais l’appartenance à l’Alliance est toujours aussi insaisissable. Jugeant cette situation « absurde », le président Zelensky a protesté, menaçant de ne pas assister au sommet, jusqu’à ce qu’on lui fasse comprendre qu’il n’est pas sage de mordre la main qui vous nourrit. Le guerrier du magazine chic Vogue s’est donc consciencieusement présenté et a reçu de douces tapes sur sa keppele [petite tête / kippa] pour avoir été un petit garçon obéissant.

mask

La question qui s’impose est la suivante : pourquoi l’OTAN a-t-elle refusé à plusieurs reprises l’adhésion de l’Ukraine ? La réponse n’a pas tardé à venir. Le président Biden a expliqué que si l’Ukraine rejoignait l’OTAN, en vertu de l’article 5 du traité de l’OTAN, les États-Unis seraient en guerre avec la Russie, ce qui n’est pas une bonne chose. L’étrangeté de cette clarification n’a pas été remarquée. Si l’Ukraine était la victime innocente d’une agression russe brutale et non provoquée, n’était-ce pas précisément le moment d’admettre l’Ukraine et de la soutenir des deux pieds et des deux mains ? Après tout, c’est ce que dicte la solidarité avec un ami dans le besoin.

Voir Norman Finkelstein : la Russie a le droit historique d’intervenir en Ukraine

Mais M. Biden, au contraire, a considéré qu’il allait de soi que la défense de l’Ukraine par des troupes de combat américaines n’était pas envisageable. L’horrible vérité, c’est que l’OTAN n’a jamais proposé à l’Ukraine de la rejoindre ; ce n’était qu’une incitation et un stratagème. Au contraire, Washington espérait idéalement armer l’Ukraine jusqu’aux dents afin de neutraliser militairement la Russie sans devoir tirer lui-même un seul coup de feu. Mais les États-Unis savaient certainement qu’ils jouaient avec le feu. Si John Mearsheimer et Stephen Cohen ont pu prédire à juste titre que la Russie n’accepterait pas son encerclement mortel, il est peu probable que Foggy Bottom [quartier de Washington où se situe le Département d’Etat américain] ait été dans l’ignorance. Au contraire, dans une simulation, la Russie serait provoquée dans une guerre afin de la saigner, mais l’Ukraine —sans adhésion à l’OTAN— serait livrée à elle-même, se battant et mourant pendant que les industries de la mort aux États-Unis feraient un malheur [ventes d’armes]. En d’autres termes, l’Ukraine n’est utile que sans l’article 5 : le rôle qui lui est assigné est de mourir pour l’OTAN, et non l’inverse. La Russie n’est pas la seule à être tombée dans le piège de l’OTAN, l’Ukraine aussi. (Bien que la Russie soit tombée dans le piège sciemment ; elle n’avait pas de meilleure option).

 

Le mendiant Zelensky en train d’être lâché comme une vieille chaussette à l’OTAN, pour qui il a sacrifié inutilement toute une génération d’Ukrainiens dans une boucherie fratricide perdue d’avance… pic.twitter.com/spXhfyM1RQ

— Le Cri des Peuples (@lecridespeuples) July 12, 2023

Le masque est maintenant tombé et, semble-t-il, la vérité s’est imposée même au guerrier de Vogue à l’esprit borné. D’où sa crise de colère (tronquée). L’ex-comédien de série B n’a pas pu résister au rôle du siècle : mi-Churchill (lisant sa bouille pour chats écrite par la CIA), mi-Rambo (dans son grotesque treillis vert olive). C’est un véritable personnage de Woody Allen, tout droit sorti de Bananas ou de Woody et les Robots. En pleine possession de ses moyens, Zelensky a été —choisissez votre cliché— mené en bateau, manipulé comme un violon d’Ingres. Washington a fait miroiter à l’Ukraine la perspective d’une adhésion à l’OTAN, soi-disant pour la protéger de l’agression russe, alors que son véritable objectif était de provoquer une agression russe dans laquelle l’Ukraine devrait, hélas, subir une dévastation afin que l’OTAN puisse remporter une victoire immaculée. Cela vous rappelle quelque chose ? C’est normal. Dans les années 1930, Staline a supplié les puissances occidentales de s’associer à la Russie dans un pacte de sécurité collective contre la menace nazie montante, tandis que pendant la Seconde Guerre mondiale, il a supplié les autres puissances alliées d’ouvrir un deuxième front (jusqu’en 1944, la quasi-totalité des troupes nazies se battaient sur le front oriental). L’Occident, cependant, avait son propre agenda : laisser les Soviétiques et les Nazis se saigner à blanc, pour pouvoir ensuite repartir avec le butin. Dans une symétrie historique ironique, si la Russie l’était à l’époque, c’est l’Ukraine qui est aujourd’hui l’agneau du sacrifice. Pourtant, même selon les normes totalement cyniques de la politique des grandes puissances, la perfidie de l’OTAN en Ukraine est à couper le souffle.

Voir Pour commémorer la libération d’Auschwitz par l’URSS, l’Allemagne renvoie des chars contre la Russie (Norman Finkelstein)

Les États-Unis ont ordonné à l’Ukraine de lancer une contre-offensive à laquelle elle était terriblement mal préparée. Au début de la contre-offensive annoncée, j’ai émis l’hypothèse que « le motif probable des récentes attaques de drones à l’intérieur de la Russie et de la destruction du barrage est de détourner l’attention de l’offensive qui n’aura jamais lieu » (« Ukraine – Tactiques désespérées », 6 juin 2023). Un mois plus tard, l’offensive n’a pas eu lieu. Les Ukrainiens se sont emparés d’une poignée de villages dont la population cumulée est inférieure à celle de mon lycée et dont la longueur cumulée est inférieure à la distance de mon jogging matinal. Sur quoi ai-je fondé mes spéculations ? J’avoue sans honte être totalement ignorant des affaires militaires. La soif de sang n’a jamais été ma tasse de thé : mes parents m’ont transmis un bilan totalement négatif de la guerre ; la mort et la destruction ne conféraient aucun droit à la vantardise dans mon foyer. (Lorsqu’un lointain parent israélien s’est présenté à notre porte dans les années 1970 en proclamant fièrement qu’il était dans les forces de défense israéliennes, ma mère a sèchement répondu : « Et alors ? »). Mais j’habite dans un quartier ukrainien connu sous le nom informel de « Petite Odessa au bord de la mer » (il jouxte Brighton Beach). Il n’y a qu’un pas à faire pour se rapprocher de cette terre ravagée. « Malgré toutes les machines de destruction », a écrit Léon Trotski, qui a organisé et dirigé l’Armée rouge, « le facteur moral conserve une importance décisive dans la guerre ». Au cours de l’année écoulée, mon quartier a été envahi par des Ukrainiens en âge de servir dans l’armée. Quel que soit leur moral au début de la guerre, les Ukrainiens peuvent-ils aujourd’hui ignorer qu’ils sont utilisés comme chair à canon pour satisfaire les fous de Washington ? Il y a manifestement quelque chose qui ne va pas lorsque le président de l’état-major interarmées américain doit « exhorter les troupes ukrainiennes à défendre leur pays » (New York Times). Ceux qui le peuvent s’enfuient ; ceux qui ne le peuvent pas continuent à se battre, car les salaires de l’armée sont très supérieurs à ceux des civils. Mais ils ne sont pas prêts à se jeter sous les tirs impitoyables de l’artillerie russe, à moins d’y être contraints. De l’autre côté, si l’esprit combatif des soldats russes s’est d’abord émoussé parce qu’ils doutaient du bien-fondé de l’ « opération militaire spéciale », des personnes comme le sénateur américain Lindsey Graham ont mis fin à ces doutes en déclarant avec un sourire coprophage : « Les Russes sont en train de mourir. Jamais nous n’avons mieux dépensé notre argent ». La contre-offensive a donc été, comme on pouvait s’y attendre, un échec. Le copieux communiqué de Vilnius, qui compte 11 000 mots, ne mentionne pas une seule fois la contre-offensive, pas plus qu’il n’y fait allusion. (Il est intéressant de noter que le communiqué n’accuse pas directement la Russie d’être responsable de l’explosion du barrage et qu’il se contente prudemment de dire que « la destruction du barrage de Kakhovka met en évidence les conséquences brutales de la guerre déclenchée par la Russie »). Le New York Times rapporte jour après jour que le corps des officiers russes est en plein désarroi. Il ne s’arrête cependant jamais pour réfléchir à la question suivante : si c’était le cas, pourquoi la contre-offensive ukrainienne annoncée à grand renfort de publicité n’a-t-elle pas tiré parti de cette situation ?

 

Le porte-parole de la défense US a juste botté en touche en disant qu’ils n’ont pas encore de conclusions définitives sur la destruction du barrage.

Je pense qu’on aura la réponse en même temps que pour la mort de Jeffrey Epstein, dans ~ 100 ans.

— Le Cri des Peuples (@lecridespeuples) June 7, 2023

Si la contre-offensive fantôme de l’Ukraine n’est pas mentionnée dans le communiqué de l’OTAN, la Chine, elle, l’est très clairement. Il a toujours été douteux que la Russie représente une quelconque menace pour la sécurité de l’Europe de l’Est, et encore moins pour celle des puissances occidentales. Même à l’époque soviétique, lorsque Staline était acclamé comme le grand leader de la révolution mondiale, Trotsky a observé avec perspicacité (en 1940) qu’en fait, « Staline est le politicien le plus conservateur d’Europe ». Aujourd’hui, peu de choses ont changé. « La Russie de Poutine est une puissance profondément conservatrice », note l’un des observateurs les plus avisés du Kremlin, « et ses actions sont conçues pour maintenir le statu quo » (Richard Sakwa, Frontline Ukraine). Même s’il y aspirait, ni l’ère soviétique ni l’ère post-soviétique n’ont permis au Kremlin, installé sur une plate-forme branlante, de remanier radicalement la carte politique. Si Washington a cherché à neutraliser militairement la Russie, ce n’était pas pour dissuader un complot démoniaque de Poutine qui viserait à restaurer l’empire tsariste, mais plutôt pour positionner toutes ses pièces sur le grand échiquier en vue de la bataille décisive à venir. Une fois la Russie éliminée de l’échiquier, Washington aurait les mains libres ailleurs —du moins l’espérait-il, mais les choses se sont déroulées différemment— où les enjeux sont en effet considérables. Le communiqué de Vilnius stipule que « l’objectif essentiel et la plus grande responsabilité de l’OTAN sont d’assurer notre défense collective, contre toutes les menaces, venant de toutes les directions ». Remarquez qu’il n’est pas question de « menaces militaires ». De quelles menaces s’agit-il, et de quelle direction ? Le communiqué ne laisse aucune place au doute :

Les ambitions déclarées et les politiques coercitives de la République Populaire de Chine (RPC) remettent en cause nos intérêts, notre sécurité et nos valeurs…. La RPC cherche à contrôler les secteurs technologiques et industriels clés, les infrastructures essentielles, les matériaux stratégiques et les chaînes d’approvisionnement. Elle utilise son influence économique pour créer des dépendances stratégiques et renforcer son influence.

En d’autres termes, la Chine cherche à supplanter les États-Unis en tant qu’hégémon mondial en recourant aux mêmes méthodes que celles qui ont assuré la domination mondiale de Washington (en tandem avec l’Europe en tant que partenaire junior) depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et, bon sang, c’est pas juste ! Les plans visant à contrer cette « menace » sont des plus inquiétants :

Nous travaillons ensemble de manière responsable, en tant qu’Alliés, pour relever les défis systémiques posés par la RPC à la sécurité euro-atlantique et assurer la capacité durable de l’OTAN à garantir la défense et la sécurité des Alliés… L’approfondissement du partenariat stratégique entre la RPC et la Russie et leurs tentatives, qui se renforcent mutuellement, de saper l’ordre international fondé sur des règles vont à l’encontre de nos valeurs et de nos intérêts.

Comment l’OTAN envisage-t-elle exactement de défendre nos « valeurs et intérêts » face aux « ambitions » de la Chine ?

Nous fournirons, individuellement et collectivement, l’ensemble des forces, des capacités, des plans, des ressources, des moyens et des infrastructures nécessaires à la dissuasion et à la défense, y compris pour des opérations de guerre de haute intensité et multi-domaines contre des concurrents pairs dotés d’armes nucléaires. En conséquence, nous renforcerons les entraînements et les exercices qui simulent la dimension conventionnelle et, pour les Alliés concernés, la dimension nucléaire d’une crise ou d’un conflit, ce qui facilitera une plus grande cohérence entre les composantes conventionnelles et nucléaires du dispositif de dissuasion et de défense de l’OTAN dans tous les domaines et dans l’ensemble du spectre des conflits… L’OTAN est prête et apte à dissuader l’agression et à gérer les risques d’escalade dans une crise qui aurait une dimension nucléaire. (c’est moi qui souligne)

Cela n’augure rien de bon. Mais même si ce conclave de Dr. Folamour se prépare à une conflagration nucléaire, on ne peut pas dire qu’il soit irrécupérable :

Nous reconnaissons l’importance cruciale d’une participation pleine, égale et significative des femmes à tous les aspects de la paix et de la stabilité […] Nous ferons progresser l’égalité entre les hommes et les femmes et intégrerons les perspectives de genre.

Une femme pourra-t-elle appuyer sur le bouton de l’apocalypse nucléaire ?

***

Ukraine : tactiques désespérées

Par Norman Finkelstein

Source : normanfinkelstein.com, le 6 juin 2023

Traduction : lecridespeuples.fr

La couverture médiatique de la guerre en Ukraine a changé. Depuis le début, le New York Times a déclaré que la moindre allusion aux nazis en Ukraine était une calomnie inspirée par le Kremlin. Or, hier, le Times a découvert en Ukraine… des nazis. Plus choquant encore, le Times a levé le voile sur cet aspect peu glorieux de l’armée ukrainienne juste au moment où l’offensive tant attendue était censée avoir commencé. Il ne fait aucun doute que, dans certains milieux, la « révélation » du Times sera interprétée comme une trahison.

Par ailleurs, depuis le début de la guerre, le Times publie les communiqués de presse quotidiens de Zelensky comme s’il s’agissait d’un texte sacré. Le Times a été tellement hypnotisé par le costume olive du guerrier de Vogue que les textes qu’il a lus sont passés de ses lèvres aux colonnes de la presse sans aucune modification. Les remettre en question reviendrait à douter de sa sainteté. Alors même que Bakhmut tombait aux mains des Russes, le Times continuait à annoncer que la victoire était toute proche. Mais dans son reportage d’aujourd’hui sur le barrage décimé, le Times n’a pas pris parti entre les récriminations mutuelles de Kiev et du Kremlin. C’est comme si, à mesure que la fortune de l’Ukraine s’assombrit, le Times avait décidé qu’il ferait mieux de commencer à se couvrir avant que ne s’installent les post-mortem mortifères de cette guerre désastreuse.

Mais une offensive ukrainienne n’est-elle pas imminente ? Les États-Unis ont exigé qu’elle soit lancée par l’Ukraine afin de justifier leurs généreuses dépenses militaires. Mais même le guerrier imbécile de Vogue ne peut s’empêcher de savoir que ce sera une catastrophe. Cette perspective rappelle la bataille d’Omdurman en 1898, lorsque l’armée mahdiste a été impitoyablement fauchée en masse par les mitrailleuses britanniques. Pour ma part, j’espère et je prie pour que Victoria Nuland arrive juste à temps avec ses chocolats de marque afin que les soldats ukrainiens —armes à la main et dégrisés par la vérité qu’ils ont été utilisés comme chair à canon— puissent la remercier comme il se doit.

Voir Norman Finkelstein : en frappant le Kremlin, les Etats-Unis risquent une guerre nucléaire

Mais y aura-t-il même une offensive ? Le motif probable des récentes attaques de drones à l’intérieur de la Russie et de la destruction du barrage est de détourner l’attention de l’offensive qui n’aura jamais lieu ; ou de créer un incident majeur tel que l’ONU sera forcée d’agir, renflouant ainsi Washington et son régime fantoche avec des négociations pour sauver la face ; ou d’avertir le Kremlin que si l’Ukraine tombe, l’armement de pointe fourni par Washington peut toujours être pointé, par exemple, sur un réacteur nucléaire russe. Les nazis en son sein ne reculent pas devant l’Armageddon —au contraire, comme Hitler dans son bunker à la fin de la guerre, ils s’en délectent.

Voir notre dossier sur la situation en Ukraine.

Partager

Plus d’histoires deOTAN