De retour à Paris après sa libération, Juan Branco s’exprime sur les conditions de sa détention à Dakar, suite à son « enlèvement »
12 août 2023
BRANCO – Libéré de prison et expulsé du Sénégal, l’avocat Juan Branco est rentré en France ce mardi 8 août, vers 9 heures. Attendu par la presse à l’aéroport parisien Roissy Charles-de-Gaulle, le franco-espagnol a levé le poing à son arrivée et n’a pas tenu de discours avant d’accueillir les chaleureuses embrassades de sa famille. (lire la suite de l’article après la vidéo)
Juan Branco a livré ses premières déclarations plus tard en fin de journée, à 18 heures, lors d’une conférence de presse organisée dans le VIe arrondissement de Paris. Celle-ci, réservée aux journalistes, a été diffusée en direct sur les réseaux sociaux.
Pas une arrestation, mais un enlèvement
Le 5 août dernier, alors en route vers la capitale de Mauritanie, Nouakchott, Juan Branco a été « enlevé par des hommes cagoulés », qui l’ont livré à d’autres hommes « sans uniformes dans des pick-up », « sans respecter les droits fondamentaux ».
Alors qu’il balaye ainsi l’idée d’une arrestation, initialement communiquée par les autorités sénégalaises, l’avocat décrit un acte rendu possible à cause d’un « sentiment d’impunité du pouvoir en place », au sein d’une région « que nous avons militarisée ».
Me Branco souhaitait alors regagner la France après avoir fait une visite surprise lors d’une conférence dédiée à la défense d’Ousmane Sonko, à Dakar, dimanche 30 juillet. Engagé à ses côtés depuis 2021, il conseille la défense de cet opposant politique au président sénégalais Macky Sall.
Selon lui, « la détention provisoire » de son client depuis le 28 juillet dernier, qui fait suite à une condamnation à deux ans de prison fermes pour « corruption de la jeunesse », a été décidée par le pouvoir en place. Un emprisonnement dont le seul but est de « l’empêcher de se présenter » aux prochaines élections prévues dans six mois au Sénégal.
L’ancien leader du parti « Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité » (PASTEF) est « persécuté car il dénonce la corruption » dans son pays. Sonko est très diminué par une grève de la faim et souffre d’insuffisance rénale, toujours d’après Branco.
Il a entendu la prison « rugir »
L’avocat a décrit en premier lieu, solennellement, le sort d’autres prisonniers, dont il a pu constater in situ les conditions de détention à Dakar, dans une maison d’arrêt du centre de la capitale, Reubeuss. Selon lui, certains d’entre eux sont « enfermés sans avoir le droit de dormir », victimes de « tortures » visibles sur leurs corps et attendent « sans procès depuis des mois », tout en étant « entassés dans des conditions inhumaines ».
Avant d’être placé hier sous contrôle judiciaire, Juan Branco a été inculpé dimanche dernier par le juge sénégalais chargé de l’affaire pour « attentat, complot, diffusion de fausses nouvelles, actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves », puis emprisonné.
À sa sortie de prison, avant d’être placé sous contrôle judiciaire, puis expulsé du Sénégal vers l’Hexagone, Branco a entendu avec émotion « la prison rugir » lors de son passage.
Il a insisté à plusieurs reprises sur sa « chance » et son « privilège extraordinaire » d’avoir « le droit de s’exprimer » devant la presse française et a soutenu une certaine « solidarité » et « universalité des luttes ». Le franco-espagnol a tenu à faire un rapprochement entre « les aspirations » des peuples français et sénégalais.
« La France doit se tenir du côté des peuples, elle doit avoir ce courage si elle veut maintenir un lien » avec l’Afrique, a-t-il déclaré. Branco veut « continuer cette lutte pour tous ceux qui demeurent privés de leur liberté » et « assurer une transition démocratique au Sénégal ».
Protéger une certaine idée du politique
Juan Branco déclare ne pas faire cela pour mener « une lutte idéologique » mais pour « protéger à travers » la lutte d’Ousmane Sonko dans son pays, « cette idée du politique, pour créer du lien et donner de l’espoir ».
Comme l’a déclaré Me Saïd Larifou à ses côtés durant la conférence de presse, Juan Branco est le « premier à saisir les instances internationales pour dénoncer les crimes contre l’humanité » présumés « commis au Sénégal ».
Selon l’avocat Réunionnais, « il y a des Ousmane Sonko qui se réveillent dans tous les pays d’Afrique. »
Juan Branco a confié avoir eu « le sort d’Assange à l’esprit« , « très souvent », ayant rapidement pris conscience du « piège » qui se refermait sur lui. À ses yeux, il doit sa libération à la forte mobilisation de ses proches et de ses soutiens.
L’avocat espère encore une sortie du bras de fer politique meurtrier au Sénégal, sur fond de guerre partisane, grâce à « un changement d’attitude », appelant de ses vœux un comportement débarrassé de tout comportement belliqueux de la part des autorités en place.