Aller à…
RSS Feed

19 mai 2024

Débat Alistair Crooke – Thierry Meyssan


———- Forwarded message ———
De : les 7 du quebec
Date: lun. 13 nov. 2023 à 06:02
Subject: [Nouvel article] LA FIN DU MONDE À GAZA ? (Alastair Crooke). LA RÉSURGENCE DU DROIT INTERNATIONAL (Thierry Meyssan)
To:

Image du logo du site les 7 du quebec
LA FIN DU MONDE À GAZA ? (Alastair Crooke). LA RÉSURGENCE DU DROIT INTERNATIONAL (Thierry Meyssan)

Robert Bibeau

Nov 13

Par Robert Bibeau.

Nous vous proposons un débat entre Alastair Crooke (article ci-dessous) et Thierry Meyssan. L’un annonce « L’effondrement du paradigme contemporain » (sic) qu’amorçait la guerre en Ukraine et que déploie la guerre de Gaza. L’autre analyste annonce « La fondation d’un nouvel ordre international basé sur le droit international » (sic), nouveau paradigme selon Meyssan qui pourrait émerger de la suite des guerres en Ukraine et à Gaza (article en annexe). Les deux articles convergent vers un même axe…ces guerres régionales et toutes les autres guerres larvées – et même les guerres urbaines qui embrasent nos cités – prépare les conditions de la prochaine guerre mondiale. La stratégie du grand capital mondialisé semble plus compliquée aujourd’hui qu’au cours des deux précédentes guerres mondiales, car cette fois, la classe prolétarienne est immensément nombreuse, durement frappée et enragée…ne lui manquent que la conscience de classe et l’organisation révolutionnaire qui viendront avec la résistance pour la défense de nos conditions de vie et de travail et la lutte pour notre émancipation. Les deux articles recèlent de bonnes informations et quelques constats qui nous réjouissent du chemin parcouru dans notre lutte contre le grand capital bancal. Voir : Communiqué sur la grève du secteur public au Québec (Canada). Ne pas rester derrière les mots d’ordre de division des syndicats! – les 7 du quebec
L’effondrement du paradigme contemporain
Par Alastair Crooke – Le 16 octobre 2023 – Source Strategic Culture

J’ai écrit la semaine dernière que l’origine du conflit actuel entre les États-Unis et la Russie était l’omission, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, d’un traité écrit fixant les limites et la définition des “intérêts” occidentaux et, pari passu, des intérêts sécuritaires et commerciaux de la Russie et de la Chine dans le heartland asiatique.

Tout est resté vague et non écrit dans l’euphorie de l’après-guerre froide, afin de donner aux États-Unis une marge de manœuvre qu’ils ont exploitée à fond. Ils ont manœuvré pour remilitariser l’Allemagne et pour faire avancer l’OTAN vers, et dans, le heartland. Comme beaucoup l’avaient prédit, cette approche américaine aboutirait en fin de compte à la guerre.

Et bien sûr, des “fronts de guerre” asymétriques ont été ouverts horizontalement dans de nombreuses sphères avec l’opération spéciale de la Russie en Ukraine. Bien qu’ostensiblement axée sur le blocage de l’absorption furtive de l’Ukraine par l’OTAN, cette opération a également ouvert le principal front de la Russie – celui qui consiste à empêcher l’OTAN de pénétrer plus avant.

Aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers la “guerre” qui s’étend au Moyen-Orient. De nombreuses questions sont posées, mais la principale est : “Pourquoi ?” .

Nous constatons que les problèmes sont étrangement similaires. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Occident voulait que ses Juifs européens aient une “patrie” et c’est ainsi qu’en 1947, la Palestine a été divisée de manière péremptoire entre Juifs et Arabes.

Le discours prédominant en Occident est que les difficultés et les guerres qui ont suivi cet événement – en particulier la confrontation actuelle en Israël/Palestine – résultent simplement de l’incapacité perverse des États arabes à accepter l’existence de l’État d’Israël. Nombreux sont ceux qui, en Occident, considèrent cette incapacité comme au moins irrationnelle ou, au pire, comme un défaut culturel fondamental.

Comme dans le cas de la situation militaire européenne d’après-guerre, rien n’a été formellement convenu en ce qui concerne la cohabitation des Juifs et des Arabes sur une même parcelle de terre. Les accords d’Oslo de 1993 constituaient une tentative d’accord, mais là encore, tout était vague, et la “clé” de sécurité de l’ensemble de l’accord était entièrement laissée à la discrétion des Israéliens.

Il est évident que cela visait à donner à Israël une marge de manœuvre maximale. Plus encore, il était prévu qu’Israël ait l’“avantage” stratégique – pas seulement l’“avantage” politique, puisque les États-Unis s’étaient engagés à faire en sorte qu’Israël ait également l’“avantage” militaire par rapport à ses voisins.

En clair, l’objectif d’amener les États arabes à accepter la présence d’Israël n’a jamais été poursuivi, ou alors il a été contraint par des mesures militaires et financières (Syrie, Irak, Liban et Iran). Sauf dans le cas de l’Égypte, par la restitution du Sinaï au Caire. L’itération actuelle de la “normalisation d’Abraham” (s’accommoder d’Israël) abandonne en fait les Palestiniens pour que les Saoudiens se conforment à la normalisation.

Tout comme l’avancée de l’OTAN visait à placer l’Asie sous l’emprise des États-Unis, l’hégémonie culturelle du Grand Israël au Moyen-Orient – pensait-on dans les cercles du Beltway américain – placerait également le Moyen-Orient sous l’emprise de l’Occident.

Ce qui se cache derrière le déferlement actuel de la résistance violente palestinienne est précisément enraciné dans une compréhension inverse de celle que l’on a dans les cercles du Beltway.

La “réalité” inverse est que, au cours de la dernière décennie, Israël s’est éloigné de plus en plus des fondations sur lesquelles une paix régionale durable aurait pu être construite. De manière perverse, Israël a évolué dans la direction opposée, détruisant les piliers sur lesquels un rapprochement régional aurait pu être possible.

Au cours de la dernière décennie, Netanyahou a fait basculer l’électorat israélien à droite, en faisant de l’Iran le fantasme par lequel il effraie le public. (Il n’en a pas toujours été ainsi : après la révolution iranienne de 1979, Israël s’était allié à l’Iran, contre le “voisinage proche” arabe).

Netanyahou a également transmis à son électorat le “message” selon lequel, grâce au “succès” des accords d’Abraham, le monde ne se soucie plus du tout des Palestiniens. Qu’ils sont “des infos d’hier” .

Cette performance a empêché le monde occidental de comprendre pleinement ce que les ministres radicaux du gouvernement de Netanyahou ont planifié.

L’un des principaux engagements des ministres de Netanyahou est de construire le (troisième) temple juif sur le mont du Temple, où se trouve actuellement la mosquée al-Aqsa. En clair, cela implique un engagement à démolir al-Aqsa et à construire un Temple juif à sa place.

Le deuxième engagement clé est de fonder Israël sur la “Terre d’Israël” biblique. Comme l’a clairement indiqué le ministre de la sécurité nationale, Ben Gvir, les Palestiniens de Cisjordanie seraient confrontés à un choix : partir ou vivre sous l’emprise d’un État juif suprématiste.

La troisième consiste à instituer la loi juive (Halakha) en lieu et place de la loi laïque. Cela priverait les non-Juifs d’Israël de leur statut juridique.

Considérés ensemble – la judaïsation d’Al-Aqsa, la fondation de l’État sur la “Terre d’Israël” biblique et la fin de la loi fondamentale laïque – la Palestine et le peuple palestinien sont tout simplement effacés. Il y a trois semaines, Netanyahou a brandi une carte d’Israël lors de son discours à l’Assemblée générale des Nations unies : Gaza et les territoires palestiniens n’y figurent pas du tout. Ils sont effacés. La situation est aussi existentielle que cela.

Tels sont les enjeux qui sous-tendent en fin de compte la provocation extrême des forces militaires du Hamas à l’égard d’Israël. Elle vise à briser le paradigme (il ne s’agit pas d’un appel à un quelconque retour au cadre d’Oslo).

Toutefois, en réagissant de manière excessive, Netanyahou et son équipe risquent de “faire tomber le toit” de l’ensemble du projet occidental. Biden ne semble pas voir le danger qui se cache dans son propre langage exagérément enragé, comparant le Hamas à ISIS et approuvant une réponse “rapide, décisive et écrasante” de la part de Netanyahou. Biden a déclaré qu’il était convaincu qu’Israël avait non seulement le droit, mais le “devoir” de riposter, ajoutant que “les États-Unis soutiennent Israël” .

Biden risque d’obtenir plus que ce qu’il cherche : une tragédie sous la forme d’un châtiment total infligé aux Palestiniens de Gaza. Netanyahou, piégé par la dynamique de sa propre peur et de sa vulnérabilité, joue le rôle de Dionysos, le Dieu de l’excès. Et Biden l’encourage.

Tout comme l’équipe Biden a exposé l’Amérique et l’OTAN à l’humiliation en Ukraine, l’équipe Biden semble incapable d’imaginer ce qui pourrait découler de l’humiliation d’Israël, par sa vengeance à Gaza. L’Ukraine a entraîné de graves conséquences financières pour l’Europe. En Israël, la structure militaire et de renseignement vient d’imploser. Imaginez que la structure politique devienne elle aussi dysfonctionnelle.

Lorsque l’Occident considère la situation d’un point de vue purement statique et instrumental (c’est-à-dire que Tsahal est beaucoup plus puissant que le Hamas et que, par conséquent, le Hamas est destiné à être détruit – “C’est une question d’ingénierie”) – si “vous” adoptez ce point de vue, peut-être posez-vous la question de manière erronée.

La question à poser est plutôt une question dynamique : comment cette dramaturgie va-t-elle se dérouler dans le temps ? De quelle manière la guerre putative d’Israël à Gaza pourrait-elle progressivement façonner les calculs du Hezbollah, de la Syrie et de la sphère musulmane – et ouvrir des opportunités politiques qui n’étaient pas disponibles jusqu’à présent.

Nous pouvons voir une opportunité s’ouvrir directement ; écoutez ce que dit le porte-parole du Pentagone, John Kirby : “D’une part, les rumeurs suggéraient que Biden avait l’intention de faire un chèque géant de 100 milliards de dollars pour se débarrasser de l’Ukraine” , mais il déclare à présent très clairement que : “Il ne faut pas essayer d’obtenir un soutien à long terme lorsque l’on est au bout du rouleau“ . (La Russie peut désormais clore prématurément l’épisode ukrainien).

L’objectif principal de la tragédie dramatique est de susciter un sentiment d’admiration chez le public qui voit dans le héros tragique une image de lui-même. C’est ce qui se passe alors que le monde islamique regarde Gaza s’effondrer. Le grand ayatollah (“quiétiste”) Seyed al-Sistani a lancé un appel au “monde entier pour qu’il s’oppose à cette terrible brutalité” . La Cisjordanie va-t-elle éclater ? Les Palestiniens vivant à l’intérieur de la ligne verte se soulèveront-ils ?

Si les forces israéliennes envahissent Gaza, celle-ci pourrait facilement se transformer en Bakhmut/Artyemovsk – un hachoir à viande dévastateur.

Le Hezbollah prépare lentement le front nord, mais avec précaution. Cette fois-ci, les États-Unis réagiront-ils de manière excessive (comme en 1983, lorsque l’USS New Jersey a bombardé des positions druzes au Liban) ? Rappelez-vous comment cela s’est terminé : l’ambassade des États-Unis a été complètement détruite et la caserne des Marines a été rasée, causant la mort de 241 membres des forces armées américaines. Aujourd’hui, le groupe d’intervention USS Gerald Ford se trouve au large du Liban, prêt à “dissuader” le Hezbollah.

Le Hezbollah et le Front de résistance ont annoncé leurs lignes rouges. Si elles sont franchies, Nasrallah a promis d’ouvrir un nouveau front.

Nous devons donc essayer de voir les événements de manière dynamique, et pas seulement à travers la bulle des distractions d’aujourd’hui : si Netanyahou et le ministre de la défense Gallant – consumés par le désir de venger les événements de samedi – vont trop loin, Israël pourrait se trouver dans une situation de péril existentiel.

Israël est entouré de dizaines de milliers de missiles intelligents et de drones en essaim. Une attaque contre le Hezbollah ou l’Iran constitue la “pilule rouge” pour Israël. Netayahou, rongé par la colère et la panique, va-t-il se lancer dans ce pari ? Et si lui, Gallant et Gantz tentent la pilule rouge, le toit risque-t-il de s’effondrer ?

Alastair Crooke

Traduit par Zineb, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
Quel ordre international ?

.
par Thierry Meyssan. Sur Quel ordre international ?, par Thierry Meyssan (voltairenet.org)

Nous reproduisons le texte de l’intervention de Thierry Meyssan à Magdebourg (Allemagne), lors de la conférence organisée par le magazine Compact, « Amitié avec la Russie » , le 4 novembre 2023. Il y explique ce qui constitue, selon lui, la différence fondamentale entre les deux conceptions de l’ordre du monde qui s’affrontent aujourd’hui du Donbass à Gaza : celle du bloc occidental et celle à laquelle se réfère le reste du monde. Il ne s’agit pas de savoir si cet ordre doit être dominé par une puissance (unipolaire) ou par un groupe de puissances (multipolaire), mais s’il doit être, ou non, respectueux de la souveraineté de chacun. L’auteur s’appuie sur l’histoire du Droit international, tel que le Tsar Nicolas II et le Prix Nobel de la Paix Léon Bourgeois l’ont conçu.

Nous avons vu les crimes de l’Otan, mais pourquoi affirmer notre amitié avec la Russie ? N’y a-t-il pas un risque de voir celle-ci se comporter demain comme l’Otan aujourd’hui ? N’allons-nous pas substituer un esclavage à un autre ?

Pour répondre à cette question, je m’appuierais sur mon expérience successive de conseiller de cinq chefs d’État. Partout, les diplomates russes m’ont dit : vous faites fausse route : vous vous engagez à éteindre un incendie ici, alors qu’un autre a débuté ailleurs. Le problème est plus profond et vaste.

Je voudrais donc vous décrire la différence entre un ordre mondial fondé sur des règles et un autre basé sur le Droit international. Il ne s’agit pas d’une histoire linéaire, mais d’un combat entre deux conceptions du monde ; un combat qu’il nous appartient de poursuivre.

Au XVII° siècle, les Traités de Westphalie ont posé le principe de la souveraineté des États. Chacun est égal aux autres et nul ne peut s’ingérer dans les affaires intérieures des autres. Ce sont ces Traités qui ont régi, durant des siècles, aussi bien les relations entre les actuels Länders que celles entre les États européens. Ils ont été réaffirmés par le Congrès de Vienne, en 1815, lors de la défaite de Napoléon Ier.

À la veille de la Première Guerre mondiale, le Tsar Nicolas II convoqua deux Conférences internationales de la Paix (1899 et 1907), à La Haye, afin de « rechercher des moyens les plus efficaces d’assurer à tous les peuples les bienfaits d’une paix réelle et durable ». Il les prépara avec le pape Benoît XV sur la base du droit canon et non pas sur le droit du plus fort. (sic) 27 États en signèrent les travaux finaux, après deux mois de délibérations. Le président du Parti [républicain] radical français, Léon Bourgeois, y présenta sa réflexion [1] sur la dépendance réciproque des États et sur l’intérêt qu’ils ont à s’unir malgré leurs rivalités.

Sous l’impulsion de Léon Bourgeois, la Conférence créa une Cour internationale d’arbitrage chargée de régler des conflits par la voie juridique plutôt que par la guerre. Selon Bourgeois, les États n’accepteront de se désarmer que lorsqu’ils auront d’autres garanties de sécurité.
Le texte final institue la notion de « devoir des États à éviter la guerre »… en recourant à l’arbitrage.

Sous l’impulsion d’un ministre du Tsar, Frédéric Fromhold de Martens, la Conférence convint que, durant un conflit armé, les populations et les belligérants doivent rester sous la protection des principes qui résultent « des usages établis entre nations civilisées, des lois de l’humanité et des exigences de la conscience publique ». Bref les signataires s’engageaient à ne plus se comporter en barbares.

Ce système ne fonctionne qu’entre États civilisés qui honorent leur signature et rendent des comptes à leur opinion publique. Il échoua, en 1914, parce que les États avaient perdu leur souveraineté en concluant des traités de Défense leur imposant d’entrer en guerre de manière automatique dans certaines circonstances qu’ils ne pouvaient apprécier eux-mêmes.

Les idées de Léon Bourgeois firent leur chemin, mais rencontrèrent des oppositions, dont celle de son rival au sein du Parti radical, Georges Clemenceau. Ce dernier ne croyait pas que les opinions publiques puissent empêcher des guerres. Les Anglo-Saxons, le président des États-Unis, Woodrow Wilson, et le Premier ministre britannique, Lloyd George, ne le croyaient pas non plus. Les trois hommes substituèrent la Force des vainqueurs au Droit international balbutiant à l’issue de la Première Guerre mondiale. Ils se partagèrent le monde et les restes des empires austro-hongrois, allemand, et ottoman.

Ils rejetèrent l’entière responsabilité des massacres sur la seule Allemagne, niant les leurs. Ils lui imposèrent un désarmement sans garanties. Pour prévenir l’émergence d’un rival de l’Empire britannique en Europe, les Anglo-Saxons commencèrent à dresser l’Allemagne contre l’URSS et obtinrent le silence de la France en l’assurant qu’elle pourrait piller le II° Reich vaincu. D’une certaine manière, comme l’a dit le premier président de la République fédérale, Theodor Heuss, ils ont organisé les conditions du développement du nazisme.

Comme ils en étaient convenus entre eux, les trois hommes remodelèrent le monde à leur image (les 14 points de Wilson, les accords Sykes-Picot, la déclaration Balfour). Ils créèrent le foyer juif de Palestine, disséquèrent l’Afrique et l’Asie et tentèrent de réduire la Turquie à sa portion congrue. Ils organisèrent tous les désordres actuels du Moyen-Orient.

C’est pourtant sur la base des idées de feu Nicolas II et de Léon Bourgeois que la Société des Nations (SDN) fut instituée après la Première Guerre mondiale, sans la participation des États-Unis qui refusaient ainsi officiellement toute idée de Droit international. Cependant, la SDN échoua aussi. Non pas parce que les États-Unis refusèrent d’en faire partie, comme on le dit. C’était leur droit. Mais d’abord parce qu’elle fut incapable de rétablir une stricte égalité entre les États, le Royaume-Uni s’opposant à considérer égaux les peuples colonisés. Ensuite parce qu’elle ne disposa pas d’armée commune. Et enfin parce que les nazis massacrèrent leurs opposants, détruisant l’opinion publique allemande, violèrent la signature de Berlin et n’hésitèrent pas à se comporter en barbares.

Dès la Charte de l’Atlantique, en 1942, le nouveau président états-unien Franklin Roosevelt, et le nouveau Premier ministre britannique, Winston Churchill, se fixèrent comme objectif commun d’instaurer un gouvernement mondial à l’issue du conflit. Les Anglo-Saxons, qui s’imaginaient pouvoir gouverner le monde, ne furent pas pour autant d’accord entre eux sur la manière d’y procéder. Washington ne souhaitait pas que Londres se mêle de ses affaires en Amérique latine, tandis que Londres n’entendait pas partager l’hégémonie de l’Empire sur lequel « le soleil ne se couchait jamais ». Les Anglo-Saxons signèrent quantité de traités durant la Guerre avec les gouvernements alliés, notamment ceux, en exil, qu’ils hébergeaient à Londres.

Au demeurant, les Anglo-Saxons ne parvinrent pas à vaincre le III° Reich, ce furent les Soviétiques qui le renversèrent et prirent Berlin. Joseph Staline, le premier secrétaire du PCUS, était opposé à l’idée d’un gouvernement mondial, qui plus est anglo-saxon. Il souhaitait juste un organisme capable de prévenir de futurs conflits. Quoi qu’il en soit, ce sont les conceptions russes qui ont accouchées du système : celui de la Charte des Nations unies, lors de la conférence de San Francisco.

Dans l’esprit des conférences de la Haye, tous les États membres de l’Onu sont égaux. L’Organisation comprend un tribunal interne, la Cour internationale de Justice, chargé de régler les conflits qui surgissent entre ses membres. Cependant, compte tenu des expériences précédentes, les cinq puissances victorieuses disposent d’un siège permanent au Conseil de sécurité avec un veto. Vu qu’il n’y avait aucune confiance entre eux (les Anglo-Saxons avaient envisagé de poursuivre la guerre avec les troupes allemandes restantes contre l’URSS) et que l’on ignorait comment se comporterait l’Assemblée générale, les différents vainqueurs voulaient s’assurer que l’Onu ne se retourne pas contre eux (les États-Unis avaient commis d’effroyables crimes de guerres en lançant deux bombes atomiques contre des civils, alors que le Japon… préparait sa reddition aux Soviétiques). Mais les grandes puissances ne comprenaient pas du tout le veto de la même manière. Pour les uns, c’était un droit de censurer les décisions des autres, pour d’autres, c’était l’obligation de prendre les décisions à l’unanimité des vainqueurs.

Sauf que dès le début, les Anglo-Saxons n’ont pas joué le jeu : un État israélien s’est auto-proclamé (14 mai 1948) avant que l’on ait convenu de ses frontières, puis l’envoyé spécial du secrétaire général des Nations unies qui devait veiller à la création d’un État palestinien, le comte Folke Bernadotte, fut assassiné par des suprémacistes juifs, sous le commandement d’Yitzhak Shamir. En outre, le siège du Conseil de sécurité dévolu à la Chine, dans le contexte de la guerre civile chinoise finissante, a été donné au Kuomintang de Tchang Kaï-chek et non pas à Beijing. Les Anglo-Saxons proclamèrent l’indépendance de leur zone d’occupation coréenne sous le nom de « République de Corée » (15 août 1948), créèrent l’Otan (4 avril 1949), puis proclamèrent l’indépendance de leur zone d’occupation allemande sous le nom d’« Allemagne fédérale » (23 mai 1949).

Considérant qu’on l’avait bernée, l’URSS claqua la porte (politique du « siège vide »). Le Géorgien Joseph Staline avait cru, à tort, que le veto n’était pas un droit de censure, mais une condition d’unanimité des vainqueurs. Il pensait bloquer l’organisation en la boycottant.
Les Anglo-Saxons interprétèrent le texte de la Charte qu’ils avaient rédigé et profitèrent de l’absence des Soviétiques pour poser des « casques bleus » sur la tête de leurs soldats et ont livré une guerre aux Coréens du Nord (25 juin 1950) au « nom de la communauté internationale » (sic). En définitive, le 1er août 1950, les Soviétiques revinrent à l’Onu, après 6 mois et demi d’absence.

Si le Traité de l’Atlantique Nord est légal, le règlement intérieur de l’Otan viole la Charte des Nations unies. Il place les armées alliées sous le commandement des Anglo-Saxons. Son commandant-en-chef, le SACEUR, est obligatoirement un officier états-unien. Selon son premier secrétaire général, Lord Ismay, le véritable objectif de l’Alliance n’est ni de préserver la paix, ni de lutter contre les Soviétiques, mais de « Garder les Américains à l’intérieur, les Russes à l’extérieur et les Allemands sous tutelle » [2]. Bref, c’est le bras armé du gouvernement mondial que Roosevelt et Churchill voulaient créer. C’est en application de ce but que le président Joe Biden a ordonné le sabotage du gazoduc Nord Stream qui reliait la Russie à l’Allemagne.

À la Libération, le MI6 et l’OPC (c’est-à-dire la future CIA) ont secrètement installé un réseau stay-behind en Allemagne. Ils y ont placé des milliers de responsables nazis qu’ils ont aidés à échapper à la Justice. Klaus Barbie, qui tortura le coordinateur de la Résistance française Jean Moulin, devint le premier commandant de cette armée de l’ombre. Puis ce réseau fut incorporé au sein de l’Otan où il fut largement réduit. Il fut alors utilisé par les Anglo-Saxons pour s’ingérer dans la vie politique de leurs prétendus alliés, en réalité de leurs vassaux.

Les anciens collaborateurs de Joseph Goebbels créèrent la Volksbund für Frieden und Freiheit. Ils persécutèrent les communistes allemands avec l’aide des États-Unis. Plus tard les agents stay-behind de l’Otan purent manipuler l’extrême-gauche pour la rendre détestable. C’est par exemple le cas de la bande à Bader. Mais comme ces hommes furent arrêtés, le stay-behind vint les assassiner en prison, avant qu’ils ne soient jugés et parlent. À partir de 1992, le Danemark, a espionné des personnalités politiques allemandes, dont la chancelière Angela Merkel, sur instruction de l’Otan, comme en 2022, la Norvège, autre membre de l’Otan, a aidé les États-Unis à saboter Nord Stream…

Revenons au Droit international, progressivement les choses sont rentrées dans l’ordre jusqu’à ce que l’Ukrainien Léonid Brejnev fasse, en Europe centrale, en 1968 lors du printemps de Prague, ce que les Anglo-Saxons faisaient partout ailleurs : il interdit aux États alliés de l’URSS de choisir un autre modèle économique que le sien.

C’est à la dissolution de l’URSS que les choses commencèrent à empirer. Le sous-secrétaire à la Défense US, Paul Wolfowitz, élabora une doctrine selon laquelle, pour rester les maîtres du monde, les États-Unis devaient tout faire pour prévenir l’émergence d’un nouveau rival, à commencer par l’Union européenne. C’est en application de cette idée que le secrétaire d’État James Baker imposa l’élargissement de l’Union européenne à tous les anciens États du Pacte de Varsovie et de l’URSS. En se développant ainsi, l’Union se privait de la possibilité de devenir une entité politique. C’est toujours en application de cette doctrine que le Traité de Maastricht a placé l’UE sous la protection de l’Otan. Et c’est encore en application de cette doctrine que l’Allemagne et la France paient et arment l’Ukraine.

Vint alors le professeur tchéco-US Josef Korbel. Il proposa aux Anglo-Saxons de dominer le monde en réécrivant les Traités internationaux. Il suffisait selon lui de substituer le droit anglo-saxon, fondé sur la coutume, à la rationalité du droit romain. De la sorte, tous les Traités donneraient à long terme l’avantage aux puissances dominantes : les États-Unis et le Royaume-Uni, liés par une « relation spéciale », selon les mots de Winston Churchill. La fille du professeur Korbel, la démocrate Madeleine Albright devint ambassadrice à l’Onu, puis secrétaire d’État. Puis, lorsque la Maison-Blanche passa aux mains des Républicains, la fille adoptive du professeur Korbel, Condoleeza Rice, lui succéda en tant que conseillère nationale de Sécurité, puis secrétaire d’État. Pendant deux décennies, les deux « sœurs » [3] ont patiemment réécrit les principaux textes internationaux, prétendument pour les moderniser, en fait pour en changer l’esprit.

Aujourd’hui, les Institutions internationales fonctionnent selon des règles édictées par les Anglo-Saxons, basées sur les précédentes violations du Droit international. Ce droit n’est écrit dans aucun code, puisqu’il s’agit d’une interprétation de la coutume par la puissance dominante. Tous les jours, nous substituons des règles injustes au Droit international et nous violons notre propre signature.

Par exemple :
Les États baltes se sont engagés par écrit, lors de leur création en 1990, à conserver les monuments honorant les sacrifices de l’Armée rouge. La destruction de ces monuments est donc une violation de leur propre signature.

La Finlande s’est engagée par écrit en 1947 à rester neutre. Son adhésion à l’Otan est donc une violation de sa propre signature.
Les Nations unies ont adopté, 25 octobre 1971, la résolution 2758 reconnaissant que Beijing, et non pas Taïwan, est le seul représentant légitime de la Chine. À la suite de quoi, le gouvernement de Tchang Kaï-chek a été expulsé du Conseil de sécurité et remplacé par celui de Mao Zedong. Par conséquent, les récentes manœuvres navales chinoises dans le détroit de Taïwan ne constituent pas une agression contre un État souverain, mais un libre déploiement de ses forces dans ses propres eaux territoriales.
Les accords de Minsk devaient protéger les ukrainiens russophones du harcèlement des « nationalistes intégraux ». La France et l’Allemagne s’en sont portées garant devant le Conseil de sécurité. Mais, ainsi que l’ont dit Angela Merkel et François Hollande, aucun des deux n’avait l’intention de les appliquer. Leurs signatures ne valent rien. S’il en était autrement, il n’y aurait jamais eu de guerre en Ukraine.

La perversion du Droit international a atteint un sommet avec la nomination, en 2012, de l’États-unien Jeffrey Feltman, comme directeur des Affaires politiques. Depuis son bureau de New York, il a supervisé la guerre occidentale contre la Syrie. Utilisant les institutions de la paix pour faire la guerre [4].

Jusqu’à ce que les États-Unis la menacent en stockant des armes à sa frontière, la Fédération de Russie a respecté tous les engagements qu’elle a signés ou que l’Union soviétique a signés. Le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) fait obligation aux puissances nucléaires de ne pas répandre leur arsenal nucléaire dans le monde. Les États-Unis, violant leur signature, stockent depuis des décennies, des bombes atomiques dans cinq pays vassaux. Ils forment les soldats alliés au maniement de ces armes sur les bases de Kleine Brogel en Belgique, de Büchel ici en Allemagne (Rhénanie-Palatinat), d’Aviano et de Ghedi en Italie, de Volkel aux Pays-Bas et d’Incirlik en Turquie.

Puis ils disent, en vertu de leurs coups de force, que c’est devenu la coutume. Or, la Fédération de Russie, se considérant assiégée, après le survol du golfe de Finlande par un bombardier nucléaire US, a, elle aussi, joué avec le Traité de non-prolifération et a installé des bombes atomiques sur le territoire de la Biélorussie. Bien sûr, la Biélorussie n’est pas Cuba. Y placer des bombes nucléaires russes ne change rien. C’est juste un message envoyé à Washington : si vous voulez rétablir le Droit du plus fort, nous pouvons aussi l’accepter, sauf que, désormais, ce sont nous les plus forts. Notez que la Russie n’a pas violé la lettre du Traité, car elle ne forme pas les militaires biélorusses à ces armes, mais elle a pris des libertés avec l’esprit du Traité.

Pour être efficaces et pérennes, avait expliqué Léon Bourgeois, au siècle dernier, les Traités de désarmement doivent être fondés sur des garanties juridiques. Il est donc urgent de revenir au Droit international, faute de quoi nous nous lancerons tête baissée dans une guerre dévastatrice.

Notre honneur et notre intérêt, c’est de rétablir le Droit international. C’est une construction fragile. Si nous voulons éviter la guerre, nous devons le rétablir et nous avons la certitude que la Russie pense comme nous, qu’elle ne le violera pas.

Nous pouvons soutenir l’Otan qui a réuni ses 31 ministres de la Défense à Bruxelles, le 11 octobre, pour écouter en visioconférence leur homologue israélien leur annoncer qu’il allait raser Gaza. Et aucun de ces ministres, dont l’Allemand Boris Pistorius, n’a osé s’élever contre la planification de ce crime de masse commis contre des civils. L’honneur du peuple allemand a déjà été trahi par les nazis qui, en définitive, vous ont sacrifiés. Ne vous laissez pas trahir à nouveau, par le Parti social-démocrate et les Verts cette fois.

Nous n’avons pas à choisir entre deux suzerains, mais à protéger la paix, du Donbass à Gaza, et, en définitive, à défendre le Droit international.

En complément : Juifs de France manifestez contre le massacre à Gaza – les 7 du quebec
Thierry Meyssan
Commentaire

Gérez vos réglages de messagerie ou désabonnez-vous.

Les liens ne marchent pas? Copier et coller cette adresse URL dans votre navigateur :

LA FIN DU MONDE À GAZA ? (Alastair Crooke). LA RÉSURGENCE DU DROIT INTERNATIONAL (Thierry Meyssan)


Logos WordPress.com et Jetpack

Télécharger l’application Jetpack afin de profiter du Lecteur sans aucune contrainte de temps ni de lieu

Suivez vos sites préférés, enregistrez des publications pour pouvoir les lire plus tard et recevez des notifications en temps réel lorsque quelqu’un ajoute une mention J’aime ou un commentaire.
Télécharger Jetpack sur Google Play Télécharger Jetpack depuis l’App Store
WordPress.com sur Twitter WordPress.com sur Facebook WordPress.com sur Instagram WordPress.com sur YouTube
Logo et Wordmark WordPress.com title=

Automattic, Inc. – 60 29th St. #343, San Francisco, CA 94110

Partager

Mots clés: ,

Plus d’histoires dePalestine