Le Hamas est en train de gagner la bataille de Gaza
26 novembre 2023
par Scott Ritter, sur Le Hamas gagne la bataille de Gaza (reseauinternational.net)
Le cessez-le-feu récemment annoncé est une bénédiction pour les Palestiniens comme pour les Israéliens. Il permet d’échanger des prisonniers, de distribuer de l’aide humanitaire à ceux qui en ont besoin et de calmer les émotions des deux côtés du conflit.
Si le cessez-le-feu, négocié entre Israël et le Hamas par le Qatar, a fait l’objet d’un accord mutuel entre les deux parties, il ne faut pas croire qu’il s’agit d’une victoire pour Israël. Israël a adopté une position très agressive : compte tenu de son objectif annoncé de détruire le Hamas en tant qu’organisation, il n’aurait accepté aucun cessez-le-feu, quelles que soient les conditions (???)
Le Hamas, quant à lui, avait fait de la libération des prisonniers palestiniens, et en particulier des femmes et des enfants, détenus par Israël, l’un des principaux objectifs qu’il s’était fixés en lançant le cycle actuel de combats avec Israël. Vu sous cet angle, le cessez-le-feu représente une victoire importante pour le Hamas et une défaite humiliante pour Israël.
L’une des raisons pour lesquelles Israël a évité un cessez-le-feu est qu’il était persuadé que l’opération offensive qu’il avait lancée dans le nord de Gaza allait neutraliser le Hamas en tant que menace militaire, et que tout cessez-le-feu, quelle que soit la justification humanitaire, ne ferait que donner du temps à un ennemi du Hamas vaincu pour se reposer, se rééquiper et se regrouper. Le fait qu’Israël ait signé un cessez-le-feu est le signe le plus sûr que tout ne va pas pour le mieux dans l’offensive israélienne contre le Hamas.
Ce résultat n’aurait dû surprendre personne. Lorsque le Hamas a lancé son attaque du 7 octobre contre Israël, il a mis en œuvre un plan élaboré depuis des années. L’attention méticuleuse portée aux détails dans l’opération du Hamas souligne le fait que le Hamas avait étudié les services de renseignement et les forces militaires israéliennes déployées contre lui, découvrant des faiblesses qui ont été exploitées par la suite. L’action du Hamas représentait plus qu’une planification et une exécution tactiques et opérationnelles saines, c’était aussi un chef-d’œuvre de conceptualisation stratégique.
L’une des principales raisons de la défaite israélienne du 7 octobre est que le gouvernement israélien était convaincu que le Hamas n’attaquerait jamais, quoi qu’en disent les analystes du renseignement chargés de surveiller les activités du Hamas à Gaza. Ce manque d’imagination est dû au fait que le Hamas a identifié les buts et objectifs politiques d’Israël (l’annulation du Hamas en tant qu’organisation de résistance en entreprenant une politique visant à «acheter» le Hamas par le biais d’un programme élargi de permis de travail délivrés par Israël aux Palestiniens vivant dans la bande de Gaza). En jouant le jeu du programme de permis de travail, le Hamas a incité les dirigeants israéliens à la complaisance, ce qui a permis au Hamas de préparer son attaque au vu et au su de tous.
L’attaque du 7 octobre par le Hamas n’était pas une opération isolée, mais faisait plutôt partie d’un plan stratégique ayant trois objectifs principaux : remettre la question d’un État palestinien sur le devant de la scène internationale, libérer les milliers de prisonniers palestiniens détenus par Israël et contraindre Israël à cesser de profaner la mosquée Al Aqsa, le troisième lieu saint de l’islam. L’attaque du 7 octobre ne pouvait pas, à elle seule, atteindre ces résultats. Elle a plutôt été conçue pour déclencher une réaction israélienne qui créerait les conditions nécessaires à la réalisation des objectifs du Hamas.
L’attaque du 7 octobre a été conçue pour humilier Israël jusqu’à l’irrationalité, afin de s’assurer que toute réponse israélienne serait gouvernée par le besoin émotionnel de vengeance, par opposition à une réponse rationnelle visant à annuler les objectifs du Hamas. Dans ce cas, le Hamas a été guidé par la doctrine israélienne établie de punition collective (connue sous le nom de doctrine Dahiya, du nom de la banlieue ouest de Beyrouth qui a été lourdement bombardée par Israël en 2006 afin de punir le peuple libanais pour l’échec d’Israël à vaincre le Hezbollah au combat). En infligeant à Israël une défaite humiliante qui a brisé le mythe de l’invincibilité israélienne (en ce qui concerne les forces de défense israéliennes) et de l’infaillibilité (en ce qui concerne les services de renseignement israéliens), et en prenant en otage des centaines d’Israéliens avant de se retirer dans son repaire souterrain sous Gaza, le Hamas a tendu à Israël un piège dans lequel le gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou s’est précipité, comme on pouvait s’y attendre.
Le Hamas a préparé un réseau de tunnels sous la bande de Gaza qui, au total, s’étend sur plus de 500 kilomètres. Surnommés le «métro de Gaza», ces tunnels consistent en de profonds bunkers souterrains interconnectés utilisés pour le commandement et le contrôle, le soutien logistique, le traitement médical et le cantonnement, ainsi que d’autres réseaux de tunnels dédiés aux opérations défensives et offensives. Les tunnels sont enterrés suffisamment profondément pour ne pas être détruits par la plupart des bombes en possession d’Israël et ont été conçus pour résister à un siège d’une durée maximale de trois mois (90 jours).
Le Hamas sait qu’il ne peut pas engager un affrontement classique force contre force avec Israël. L’objectif était plutôt d’attirer les forces israéliennes dans la bande de Gaza, puis de les soumettre à une série interminable d’attaques par de petites équipes de combattants du Hamas qui émergeraient de leurs repaires souterrains, attaqueraient une force israélienne vulnérable, puis disparaîtraient à nouveau sous terre. En bref, soumettre l’armée israélienne à ce qui équivaut à une mort par mille coupures.
Et cela a fonctionné. Si les forces israéliennes ont pu pénétrer dans les zones moins urbanisées du nord de la bande de Gaza, profitant de la mobilité et de la puissance de feu de leurs troupes blindées, les progrès sont illusoires, car les forces du Hamas harcèlent continuellement les Israéliens, utilisant des roquettes à tête tandem meurtrières pour mettre hors service ou détruire les véhicules israéliens, tuant des dizaines de soldats israéliens et en blessant des centaines d’autres. Alors qu’Israël s’est montré réticent à communiquer le nombre de véhicules blindés perdus de cette manière, le Hamas affirme qu’ils se comptent par centaines. Les affirmations du Hamas sont renforcées par le fait qu’Israël a mis fin à la vente des anciens chars Merkava 3 et a organisé son inventaire de ces véhicules en nouveaux bataillons de blindés de réserve pour compenser les lourdes pertes subies à Gaza et le long de la frontière nord avec le Liban, où les forces du Hezbollah sont engagées dans une guerre d’usure meurtrière avec Israël dans le cadre d’opérations destinées à soutenir le Hamas dans la bande de Gaza.
Mais la principale raison de la défaite d’Israël à ce jour est Israël lui-même. Après avoir mordu à l’hameçon et être tombé dans le piège du Hamas, Israël a poursuivi l’exécution de sa doctrine Dahiya contre la population palestinienne de Gaza, en menant des attaques aveugles contre des biens civils, au mépris flagrant du droit de la guerre. On estime à 13 000 le nombre de civils palestiniens tués par ces attaques, avec notamment plus de 5000 enfants. Des milliers d’autres victimes sont encore ensevelies sous les décombres de leurs habitations détruites.
Alors qu’Israël aurait pu obtenir le soutien de la communauté internationale à la suite de l’attaque du 7 octobre menée par le Hamas, sa réaction manifestement excessive a plutôt retourné l’opinion publique mondiale contre lui, ce sur quoi le Hamas comptait. Aujourd’hui, Israël est de plus en plus isolé, perdant le soutien non seulement de ce que l’on appelle le Sud mondial, mais aussi des bastions traditionnels du sentiment pro-israélien aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Europe. Cet isolement, combiné au type de pression politique qu’Israël n’est pas habitué à recevoir, a contribué à l’acquiescement du gouvernement Netanyahou concernant le cessez-le-feu et l’échange de prisonniers qui s’en est suivi.
Reste à savoir si le cessez-le-feu tiendra ou non. De même, la question de la transformation du cessez-le-feu en une cessation durable des hostilités reste ouverte. Mais une chose est sûre : en déclarant que la victoire est définie par la défaite totale du Hamas, les Israéliens ont préparé le terrain pour une victoire du Hamas, que ce dernier obtient simplement en survivant.
Mais le Hamas fait plus que survivre : il gagne. Ayant combattu les forces de défense israéliennes jusqu’à l’immobilisation sur le champ de bataille, le Hamas a vu chacun de ses objectifs stratégiques dans ce conflit porter ses fruits. Le monde s’emploie activement à faire valoir la nécessité absolue d’une solution à deux États comme condition préalable à l’instauration d’une paix durable dans la région. Les Palestiniens prisonniers d’Israël sont échangés contre les Israéliens pris en otage par le Hamas. Et le monde islamique est uni dans sa condamnation de la profanation par Israël de la mosquée Al Aqsa.
Aucune de ces questions n’était à l’ordre du jour le 6 octobre. Le fait qu’elles soient abordées aujourd’hui témoigne du succès remporté par le Hamas le 7 octobre, ainsi que dans les jours et les semaines qui ont suivi, les forces israéliennes ayant été vaincues par la combinaison de la ténacité du Hamas et de sa propre prédilection pour la violence aveugle à l’encontre des civils. Loin d’être éliminé en tant que force militaire et politique, le Hamas s’est imposé comme la voix et l’autorité les plus pertinentes lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts du peuple palestinien…malgré ce qu’en pense les sionistes israéliens