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28 avril 2024

L’intersectionnalisme est une erreur politique – ou pire, une trahison


12 Mars 2024 , Rédigé par Réveil Communiste
Les organisations de toute nature en difficulté dans leur activité historique ont souvent recours à la diversification, et la gauche représentant la classe ouvrière internationale après sa longue crise des années 1960 à 1990 à tenté de se diversifier dans la « diversité », mais manifestement ça n’a pas marché.

Pour mémoire, l’intersectionnalité signifie qu’on place à égalité les luttes sociales de la classe ouvrière et des classes populaires pour le salaire et l’emploi, la sécurité sociale, le logement, les services publics, etc, et les luttes dites « sociétales » parce que inter-classistes : principalement écologie, néo- féminisme, droits des LGTB, antiracisme, droits de l’homme, devoir de mémoire, etc.

Alors, pourquoi ne pas être intersectionnaliste ?

Un : parce que ça ne sert plus à rien.

Les combats dont il s’agit sont gagnés depuis longtemps. Sauf sur les questions écologiques, les luttes sociétales sont des luttes pour l’égalité civique et ces luttes ont triomphé dans les années 60-70 et ont résisté victorieusement à la réaction des années 1980, et les idées qui les justifient sont devenues hégémoniques.

La surenchère actuelle peut d’ailleurs mettre en danger les acquis des années 1960, ainsi le mouvement néo-féministe américain a-t-il lâche la proie pour l’ombre, l’avortement pour la déconstruction du genre.

Quant à l’écologisme, si les problèmes réels qu’il pose ne sont pas résolus du tout, la manière dont il les pose garantit qu’ils ne le seront jamais, et le discours écologique moralisateur est devenu un des récits majeurs de la bourgeoisie contemporaine pour légitimer son pouvoir de classe à l’avenir, sur l’ensemble de la planète.

Chacun peut voir s’il n’est pas aveugle – il suffit pour ça d’allumer son téléviseur – que si on fait abstraction des classes sociales auxquels ils appartiennent, les individus du nouvel âge du capitalisme sont maintenant complètement égaux et que ceux qui viennent de minorités autrefois opprimées sont même un peu plus égaux que les autres. Le nombre de femmes, d’homosexuels et de représentants de minorités « racisées » ou ethnico-religieuses qui font partie des oppresseurs sociaux les plus décomplexés, les plus cyniques et les plus odieux peut en témoigner – de Margaret Thatcher à Victoria Nuland. Le seul effet de l’appartenance à une de ces minorités est de les mettre à l’abri des attaques – c’est pour cette raison que les États-Unis envoient toujours des Afro-Américains pour faire leur sale travail diplomatique aux Nations Unies.

Deux : parce qu’ils sont nuisibles à la classe ouvrière

Ces problématiques aboutissent à détourner de leurs buts organisations ouvrières, et à rendre invisibles leurs mandants. Lorsque les luttes sociétales s‘invitent dans les organisations syndicales et politiques qui représentent les travailleurs, elles ont vite fait de saturer l’espace de discussion et d’occuper toutes leurs fenêtres d’apparition dans les médias. Des petits bourgeois aux dents longues détournent alors à leur profit les organisations crées pour classe ouvrière et leurs ressources, et tous les médias leurs tendent avidement le micro pour les y aider.

De plus, la classe ouvrière est plutôt conservatrice, et elle a de bonnes raisons pour cela : les innovations de la bourgeoisie sont en général introduites à son détriment – et même et surtout cette partie de la classe ouvrière qui appartient à une des minorités ethnico-religieuses qu’on prétend défendre. La mise en avant dans les syndicats et les partis ouvriers de figures emblématiques du mode de vie post-moderne provoque donc le rejet des organisations par ceux qu’elles devraient viser à représenter en priorité.

En fait, on prétend représenter les ouvriers en tant que groupe social, mais si ceux-ci sont contre le mariage gay, pour la peine de mort, contre la légalisation des sans papiers, contre les taxes sur le gazole, et par dessus le marché mangent du steak, on ne veut plus rien avoir à faire avec eux.

Trois : seule la lutte ouvrière est véritablement légitime pour imposer ses objectifs au reste de la société.

La lutte sociale est universelle, elle vaut pour tous les travailleurs , qu’on soit homme, femme, relevant d’une quelconque minorité ou non, et le triomphe de la cause ouvrière est donc le triomphe de tous, sauf des exploiteurs. Elle n’est pas du tout destinée à procurer des avantages à des groupes particuliers, mêmes présentés parfois comme une compensation à des préjudices passés, – et qui consistent à faire payer par les prolétaires actuels les crimes des classes dominantes d’autrefois.

Quatre :

Le modernisme sociétal sert à semer la confusion, c’est un marqueur de  » gauche » utilisé par les forces capitalistes mondialistes ou impérialistes qui sont objectivement les ennemis les plus dangereux de la classe ouvrière (comme par exemple aujourd’hui un Raphaël Glucksman), et dans tous les pays. Les prolétaires nord-américains en sont venus à détester la gauche, parce qu’elle est devenue « culturelle », c’est à dire petite-bourgeoise. Et pour manipuler les électeurs il n ‘est même plus nécessaire de leur faire des promesses, il suffit de produire des symboles identitaires pour les berner – par exemple des manifestations d’antifascisme cent ans après la bataille – et de répéter comme un mantra que l’on se trouve dans le camp du « progrès », c’est à dire du bien.

Quelques remarques pour finir :

Qui peut sérieusement affirmer qu’en défendant ces bonnes causes on serait subversif, alors qu’il s’agit de politiques officielles défendues peu ou prou par tous les gouvernements occidentaux et leurs administrations, qui survivent à toutes les alternances, qui sont défendues par les médias les plus influents, qui apportent succès et célébrité à leurs porte-paroles – et pas seulement pour un quart d’heure, ils ont leurs ronds de serviette à la télé – dont pas un seul ne croupit en prison, même lorsqu’ils enfreignent la loi de manière ostentatoire?

Même d’un point de vue purement tactique il ne faut pas s’allier avec ces mouvements. Comme ils n’affectent en rien le capitalisme, leurs meneurs auront toujours la tentation de trouver un compromis personnellement avantageux, comme les Verts, qui ont complètement renié leurs conviction pacifistes d’origine, et qui vont à la soupe dès qu’ils sont un peu connus – à tel point qu’on doit renouveler leurs dirigeants à chaque échéance électorale.

On dira qu’il subsiste beaucoup de racisme, de sexisme et d’homophobie chez les gens de la rue – et prétendument d’antisémitisme. Mais on ne peut certainement pas affirmer qu’il n’y a aucun effort d’éducation en cours pour les éradiquer. Et bien, ces efforts qui consistent en un prêchi-prêcha permanent et infantilisant sont contreproductifs et pleins d’effets pervers ; comme il s’agit de combattre un adversaire qui a mystérieusement disparu du champ politique et législatif, l’action militante se transforme en chasse aux sorcières, en amalgames pervers, en calomnies orchestrées contre les vrais adversaires du capitalisme et de l’impérialisme – voir le cas particulièrement significatif de Julian Assange, en exigences de censure de toute expression attribuée cet adversaire fantôme, et en un développement accéléré de polémiques hystériques, disproportionnées et ridicules qui font écran aux vraies questions.

Il ne faut pas participer aux manifestations des courants intersectionnalistes (qu’ils soient gauchistes, anarchistes, libertaires, écologistes, féministes, décoloniaux, droits-de-l’hommistes, devoir-de-mémoiristes, etc, si on veut garder le respect dans les classes populaires, et retrouver leur confiance perdue.

Ou bien, comme on dit, quand on dîne avec le diable, il faut avoir une longue cuillère.

GQ 11 mars 2024

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