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27 décembre 2024

La guerre de l’OTAN contre la Libye est dirigée contre la Chine par F. William Engdahl


La guerre de l’OTAN contre la Libye est dirigée contre la Chine

AFRICOM et la menace sur la sécurité énergétique nationale de la Chine

par F. William Engdahl

La décision prise de Washington pour l’OTAN de bombarder la Libye de Kadhafi et de la soumettre à ses diktats ces derniers mois, ceci à un coût estimé d’au moins un milliard de dollars qui seront épongés par le contribuable américain, n’a pas grand-chose à voir avec ce que le gouvernement d’Obama proclame être une « mission de protection de civils innocents ». En réalité, ceci fait partie d’un plus vaste plan stratégique de l’OTAN et du Pentagone en particulier de contrôler le talon d’Achille de la Chine, à savoir sa dépendance stratégique en de grands volumes d’importation de pétrole brut et de gaz. Aujourd’hui, la Chine est le second importateur de pétrole au monde derrière les États-Unis et le fossé se comble rapidement.

Si nous regardons attentivement une carte de l’Afrique et si nous observons l’organisation africaine du nouveau commandement africain du Pentagone AFRICOM, il émerge que la stratégie est de contrôler une des ressources stratégiques les plus importantes de la Chine en ce qui concerne le pétrole et les matières premières.

La campagne de Libye de l’OTAN est au sujet du pétrole et rien que du pétrole; mais pas à propos de contrôler le brut de haute qualité libyen (demandant peu de raffinage), parce que les États-Unis sont nerveux à propos de sources d’approvisionnement étrangères. C’est plutôt au sujet du contrôle de l’accès de la Chine à des importations de brut de longue durée depuis l’Afrique et le Moyen-Orient. En d’autres termes, tout ceci est au sujet de contrôler la Chine elle-même.

La Libye est bordée au nord par la Mer Méditerranée, directement de l’autre côté de l’Italie, dont la compagnie pétrolière ENI a été l’entrepreneur étranger le plus important en Libye pendant des années. À l’Ouest, la Libye est bordée par la Tunisie et l’Algérie; au sud par le Tchad, à l’Est, elle est bordée par à la fois l’Égypte et le Soudan (aujourd’hui le Soudan et le Soudan du Sud). Ceci devrait en dire long sur l’importance stratégique à long terme de la Libye pour l’AFRICOM et le Pentagone quant à leur possibilité de contrôle de l’Afrique et de ses ressources et quel pays est capable d’obtenir ces ressources.

La Libye de Kadhafi a maintenu un contrôle étatique strict sur ses réserves très importantes de pétrole brut de haute qualité. D’après des données d’étude datant de 2006, la Libye possède les plus grosses réserves pétrolières du continent africain, environ 35 % de plus que celles estimées du Nigéria. Les concessions d’exploitation de ce pétrole ont été étendues aux compagnies pétrolières d’état Chinoise et russe ainsi qu’à d’autres ces dernières années.

De manière attendue, un porte-parole de la soi-disant opposition qui clame victoire sur Kadhafi, Abdel Jalil Mayouf, le représentant en Relation publique de la firme pétrolièee libyenne AGOCO, a dit à l’agence Reuters : « Nous n’avons aucun problème avec les pays et les entreprises occidentaux comme celles de l’Italie, la France ou du Royaume-Uni; mais nous pourrions avoir quelques problèmes politiques avec celles venant de Russie, de Chine et du Brésil. » La Chine, la Russie et le Brésil se sont soit opposés aux sanctions de l’ONU sur la Libye où on fait pression pour la résolution du conflit en interne et un arrêt des bombardements de l’OTAN.

Comme je l’ai déjà détaillé auparavant, 1. Kadhafi, ancien adhérent du socialisme panarabe dans la ligne de l’Égyptien Gamal Nasser, a utilisé les revenus du pétrole pour améliorer de beaucoup les conditions de vie de ses compatriotes. Les soins médicaux étaient gratuits tout comme l’était l’éducation. Chaque famille libyenne recevait une bourse d’état de 50 000 US $ afin d’acheter une nouvelle maison et tous les prêts bancaires étaient en accord avec les lois antiusurières de l’islam, et donc sans taux d’intérêt. L’état n’était pas non plus endetté. Ce n’est seulement qu’au prix d’une corruption forcenée et d’une infiltration massive dans l’Est du pays, que la CIA, le MI6 et les autres agences de renseignement de l’OTAN ont pu, au coût de plus d’un milliard de dollars et de bombardements massifs des populations civiles par les forces de l’OTAN, déstabiliser les liens entre Kadhafi et son peuple.

Pourquoi donc l’OTAN et le pentagone ont-ils mené une campagne si meurtrière sur un pays souverain? Une évidence est que cela servait à encercler les ressources énergétiques et de matières premières de la Chine sur le continent en en Afrique du nord.

L’alerte du Pentagone à propos de la Chine

Pas à pas depuis ces dernières années, Washington a commencé à créer la perception que la Chine, qui était « le très cher ami et allié de l’Amérique » il y a encore moins de dix ans, était en train de devenir la plus grande menace pour la paix mondiale le tout à cause de son énorme expansion économique. Dépeindre la Chine comme le « nouvel ennemi » a été compliqué, car Washington est en fonction de la Chine pour qu’elle achète la part du lion de sa dette gouvernementale sous forme d’obligations et bons du Trésor.

En août, le pentagone a publié pour le congrès son rapport annuel sur le statut militaire de la Chine.2 cette année, ce rapport a déclenché des sonnettes d’alarme stridentes à travers la Chine. Le rapport stipule entre autres choses que « depuis la dernière décennie, l’armée chinoise a bénéficié d’investisseemtns robustes en terme de matériel moderne et de technologie. Bon nombre de systèmes modernes ont atteint un bon niveau de maturité et d’autres seront opérationnels dans quelques années », a dit le pentagone dans ce rapport. Il a aussi ajouté qu’« il y a une certaine incertitude sur le comment la Chine va utiliser ses capacités croissantes… La Chine comme majeur acteur international peut très bien se dresser comme une caractéristique stratégique de ce début de XXIe siècle. » 3

Dans un intervalle de peut-être deux à cinq ans, selon comment le reste du monde réagit et joue ses cartes, la République Populaire de Chine émergera dans les médias européens sous contrôle comme étant la nouvelle « Allemagne hitlérienne ». Si cela est peut-être difficile à croire aujourd’hui, réfléchissez, un peu comment cela a été fait avec l’ancien allié et ami de Washington Hosni Moubarak et même auparavant avec Saddam Hussein. En juin de cette année, l’ancien secrétaire d’État à la marine et maintenant Sénateur américain pour la Virginie, James Webb, a surpris beaucoup de monde à Pékin quand il déclara à la presse que la Chine était en train d’approcher ce qu’il appelait « un moment de Munich », quand Washington devra décider de garder un équilibre stratégique, ce en référence à la crise de 1938 sur la Tchécoslovaquie, quand Chamberlain opta pour l’apaisement avec Hitler sur la question des Sudètes. Webb ajouta : « Si vous regardez les dix dernières années, le vainqueur stratégique a été la Chine ». 4

Le même rouleau compresseur propagandiste du pentagone, emmené par CNN, BBC, le New York Times et le Guardian de Londres, va obtenir les ficelles subtiles de la part de Washington pour « peindre la Chine et ses leaders en noir ». La Chine devient bien trop puissante et bien trop indépendante pour beaucoup à Washington et à Wall Street. Pour contrôler cela et par-dessus tout la dépendance énergétique de la Chine, ses imports de pétrole ont été identifiés comme étant son talon d’Achille. L’affaire libyenne est un coup monté directement pour frapper ce talon d’Achille.

L’introduction de la Chine en Afrique

L’implication des compagnies énergétiques et d’imports de matières premières chinoises à travers le continent africain est devenue une cause majeure de souci pour Washington où une attitude de négligence maligne a dominé la politique africaine depuis l’ère de la guerre froide. Comme ses besoins énergétiques futurs étaient devenus évidents depuis plusieurs années, la Chine a commencé une véritable et dominante diplomatie économique en Afrique, qui s’est vraiment développée depuis 2006 lorsque Pékin a littéralement déroulé le tapis rouge pour les chefs d’État de plus de quarante pays africains et discutés de très larges sections de relations commerciales avec ces pays. Rien n’était plus important pour Pékin que de sécuriser de futures ressources pétrolières pour la forte industrialisation de la Chine dans son ensemble. La China fit donc mouvement vers des pays abandonnés par leurs anciennes puissances coloniales européennes comme la France, le Royaume-Uni ou le Portugal.

Le Tchad par exemple est un cas d’école. Un des pays les plus pauvres et les plus isolés d’Afrique; le Tchad fut courtisé par Pékin qui rétablit les relations diplomatiques avec ce pays en 2006.
En octobre 2007, le géant du pétrole d’état chinois CNPC signa un contrat pour construire une raffinerie de pétrole en conjonction avec le gouvernement tchadien. Deux ans plus tard, ils commencèrent la construction d’un pipeline pour amener le pétrole d’un nouveau champ d’exploitation chinois dans le sud à quelque 300 km de la raffinerie. Les ONG supportées par les gouvernements occidentaux commencèrent à crier au loup concernant l’impact écologique de pipeline chinois. Ces mêmes ONG étaient curieusement silencieuses lorsque Chevron découvrit du pétrole au Tchad en 2003.

En juillet 2011, les deux pays, le Tchad et la Chine célébraient l’ouverture de la raffinerie commune sino-tchadienne juste à côté de la capitale N’Djamena. 5

Les activités pétrolières tchadiennes chinoises sont également très proches d’un autre projet pétrolier majeur chinois, celui de la région du Darfour au Soudan, limitrophe au Tchad.

Le Soudan a été une source très importante et grandissante de pétrole pour la Chine depuis le début d’une coopération entre les deux pays au début des années 1990, après que Chevron eut abandonné ses options là-bas. Dès 1998, CNPC construisait un pipeline pétrolier de 1500 km depuis les champs d’exploitation du sud Soudan jusqu’à Port Soudan sur les rives de la Mer Rouge ainsi qu’une raffinerie près de Khartoum. Le Soudan fut la première grande opération pétrolière gérée à l’étranger par la Chine. Au début 2011, le pétrole soudanais, en provenance de la zone de conflit du sud, couvrait environ 10 % des imports pétroliers de la Chine en prenant plus de 60 % de la production quotidienne du Soudan de 490 000 barils/jour. Le Soudan est devenu un point vital de la sécurité énergétique nationale chinoise.

D’après des estimations géologiques, le sous-sol qui va du Darfour, dans ce qui était le sud du Soudan, jusqu’au Cameroun en passant par le Tchad est un immense champ pétrolier d’une ampleur telle que cela pourrait bien être une nouvelle Arabie Saoudite.

Contrôler le sud Soudan, ainsi que le Tchad et le Cameroun est vitaux pour la stratégie du pentagone de « refus stratégique » à la Chine de futurs approvisionnements en pétrole. Aussi loin qu’un régime fort et robuste de Kadhafi demeurait en place à Tripoli, le contrôle de cette région demeurait un problème majeur. La séparation quasi simultanée du sud Soudan d’avec le Soudan et le renversement de Kadhafi en faveur de rebelles faibles et dépendants du support du pentagone était une priorité stratégique de première importance pour le plan de domination totale du pentagone.

L’AFRICOM répond

La force principale derrière la récente vague d’attaques contre la Libye ou les changements de régime plus discrets en Tunisie, en Égypte et le fameux referendum sur le Soudan du Sud qui a maintenant fait de cette région pétrolière, une région « indépendante », a été l’AFRICOM, le commandement spécial de l’armée américaine établi par le gouvernement Bush en 2008 explicitement pour contrer spécifiquement l’influence chinoise sur les réserves de pétrole et de matières premières en Afrique.

Fin 2007, Le Dr. Peter Pham, un initié de Washington qui conseille les départements d’État et de la défense américaine, explique de manière ouverte que « parmi les buts ultimes de l’AFRICOM, était le but de protéger les accès en hydrocarbures et autres ressources stratégiques dont l’Afrique est riche, une tâche qui incluait de s’assurer contre la vulnérabilité de ces richesses naturelles et de s’assurer qu’aucune tierce partie comme la Chine, L’inde, le Japon ou la Russie, ne puissent obtenir un monopole ou des traitements de faveur. » 6

Témoignant devant le Congrès américain pour soutenir le projet de création de l’AFRICOM, Pham, qui est associé avec la fondation néo-conservatrice pour la défense des démocraties a déclaré :

« Ces ressources et richesses naturelles font de l’Afrique une cible facile pour les attentions de la République Populaire de Chine, dont la dynamique économique… a une soif quasi insatiable de pétrole et de besoins pour d’autres ressources naturelles. La Chine importe à l’heure actuelle approximativement 2,6 millions de barils de pétrole brut par jour, environ la moitié de cette consommation, de l’ordre de 765 000 barils par jour, environ un tiers de ses importations, proviennent de ses sources africaines, spécialement du Soudan, de l’Angola et du Congo (Brazzaville). Est-ce étonnant donc qu’aucune région du monde autre que l’Afrique ne rivalise avec l’intérêt stratégique de la Chine ces dernières années… De manière intentionnelle ou non, beaucoup d’analystes attendent que l’Afrique, spécifiquement les états du long de sa très riche côte occidentale, va devenir le théâtre d’une concurrence stratégique entre les États-Unis et sa seule réelle concurrence à l’échelle globale, la Chine, alors que les deux pays cherchent à étendre leur influence et sécuriser l’accès aux ressources. » 7

Il est très opportun ici de se rappeler la séquence des révolutions « Twitter » téléguidées depuis Washington dans le mouvement toujours actif de ce que l’on a appelé le printemps arabe. D’abord la Tunisie, un bout de terrain en apparence insignifiant d’Afrique du Nord sur les bords de la Méditerranée. Quoi qu’il en soit, la Tunisie se situe sur la frontière Ouest de la Libye. Le second domino qui tomba fut l’Égypte de Moubarak. Ceci créa une instabilité majeure au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, car Moubarak, malgré ses grands défauts, avait résisté à la politique moyen-orientale de Washington; Israël perdit aussi un précieux allié lorsque Moubarak tomba.

Puis en juillet 2011, le sud Soudan se déclare lui-même la République indépendante du Sud-Soudan, se séparant du Soudan après des années d’insurrection soutenues par les États-Unis contre le régime de Khartoum. La nouvelle république prend avec elle la grande majorité des ressources pétrolières, ce qui ne réjouit pas Pékin bien évidemment. L’ambassadrice états-unienne à l’ONU Susan Rice mena la délégation américaine pour la célébration de l’indépendance. L’appelant un « testament pour le peuple du sud-Soudan ». Elle ajouta, afin d’entériner le processus de sécession que « les États-Unis ont été aussi actifs que tout le monde ». Le président Obama ouvertement supporta la sécession du sud. Celle-ci était un projet guidé et financé depuis Washington depuis que le gouvernement Bush eut décidé d’en faire une priorité en 2004.8

Maintenant, le Soudan a perdu d’un seul coup ses revenus du pétrole. La sécession du sud où les trois quarts des 490 000 barils/jour sont produits a aggravé les problèmes économiques de Khartoum en coupant d’un coup environ 37 % des revenus nationaux. Les raffineries du Soudan et la seule route d’exportation vont des champs d’exploitation du sud vers Port Soudan sur la Mer Rouge au nord du Soudan. Le sud Soudan est maintenant encouragé par Washington de bâtir un nouveau pipeline d’exportation indépendant de celui de Khartoum en passant par le Kenya. Le Kenya est une des zones d’influence américaine très forte en Afrique.9

Le but du changement de régime en Libye, supporté par les États-Unis, ainsi que de tout le projet pour le Moyen-Orient qui repose derrière le printemps arabe est de pouvoir contrôler à terme les champs pétroliers les plus importants connus à ce jour et ainsi de contrôler la politique future, surtout dans des pays comme la Chine. Comme le secrétaire d’État des années 1970 Henri Kissinger a déclaré, quand il était à l’époque plus puissant que le président des États unis lui-même : « Si vous contrôlez le pétrole, vous contrôlez les nations ou des groupes de nations ».

Pour le futur du plan de sécurité nationale énergétique de la Chine, la réponse ultime est de trouver des réserves énergétiques en Chine. Fort heureusement, il existe de nouvelles méthodes révolutionnaires pour détecter et évaluer quantitativement la présence de pétrole et de gaz, là où la géologie actuelle dit qu’il n’est pas possible de trouver du pétrole à ces endroits. Là est peut-être la sortie logique du piège pétrolier qui a été placé pour la Chine, dans mon nouveau livre « Les guerres pour l’énergie », je détaille ces méthodes pour ceux qui sont intéressés.

Article original en anglais : NATO’s War on Libya is Directed against China: AFRICOM and the Threat to China’s National Energy Security, publié le 25 septembre 2011.

Traduction par Résistance 71.

Source Mondialisation

Notes
1 F. William Engdahl, Creative Destruction: Libya in Washington’s Greater Middle East Project–Part II, March 26, 2011, accessed in http://www.blogger.com/goog_1866110353

2 Office of the Secretary of Defense, ANNUAL REPORT TO CONGRESS: Military and Security Developments Involving the People’s Republic of China 2011, August 25, 2011, accessed in http://www.blogger.com/goog_1866110356

3 Ibid.

4 Charles Hoskinson, DOD report outlines China concerns, August 25, 2011, accessed in http://www.blogger.com/goog_1866110359

5 Xinhua, China-Chad joint oil refinery starts operating, July 1, 2011, acessed in http://english.peopledaily.com.cn/90001/90776/90883/7426213.html. BBC News, Chad pipeline threatens villages, 9 October 2009, accessed in http://www.blogger.com/goog_1866110367

6 F. William Engdahl, China and the Congo Wars: AFRICOM. America’s New Military Command, November 26, 2008, accessed in http://www.blogger.com/goog_1866110370

7 Ibid. 8 Rebecca Hamilton, US Played Key Role in Southern Sudan’s Long Journey to Independence, July
http://pulitzercenter.org/articles/south-sudan-independence-khartoum-southern-kordofan-us-administration-role

9 Maram Mazen, South Sudan studies new export routes to bypass the north, March 12, 2011, accessed in http://www.gasandoil.com/news/2011/03/south-sudan-studies-routes-other-than-north-for-oil-exports

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