Le café est déjà servi. Voilà maintenant le thé. L’employé s’éclipse, très droit, laissant la pièce silencieuse.
« Vous aimez Nice ?, demande un conseiller, à brûle-pourpoint. Alors, vous allez adorer Tripoli : c’est pareil. »
Nous sommes à l’ambassade de Libye à Paris, mon visa vient d’arriver et le conseiller est le seul à manifester quelque enthousiasme pour mon reportage. Trois ans après la chute de Mouammar Kadhafi, ce sont plutôt des mines catastrophées qui préparent le voyageur à son départ, accompagnées d’une liste des assassinats d’Occidentaux et des affrontements armés les plus récents.
ON S’Y TUE DÈS 9 HEURES DU MATIN
A l’arrivée, Tripoli ressemble à ces personnes qu’on rencontre après en avoir entendu beaucoup de mal : tout en elle paraît charmant. Des façades ocre à l’italienne filent sur le front de mer ; plus bas, vers le Corso, des petits manèges tournent dans l’air brûlant, comme au ralenti et, sur la longue plage lumineuse, des jeunes gens chahutent autour d’un scooter de mer. Sur l’avenue Gargaresh, il y a encore 7 km d’embouteillage, des voitures de luxe roulant au pas, passant et repassant devant la vitrine de Zara et surtout à côté de cette blonde piquante dans son 4 × 4.
Puis, peu à peu, cette façade familière se fissure. Là, à l’angle du boulevard, vous voyez la station-service, tout à fait banale ? On s’y tue dès 9 heures du matin, depuis qu’une milice organise la pénurie pour le contrôle des carburants et de la sécurité. Au rond-point, un agent de police en un…