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22 décembre 2024

Manoeuvres impérialistes au Yemen et en Libye par Mohamed Lelaali


« Informer n’est pas une liberté pour la presse mais un devoir »
8 octobre 2011
Manœuvres impérialistes au Yémen et en Libye

Mohamed BELAALI

Le peuple du Yémen continue à offrir généreusement des martyrs par centaines et des blessés par milliers pour se débarrasser de la dictature d’Ali Abdallah Saleh portée à bout de bras par les américains et leur serviteur local l’Arabie Saoudite.

Le peuple libyen, lui, doit subir un Conseil National de Transition (CNT) installé par l’impérialisme américain et européen grâce à l’OTAN, leur bras armé.

Au Yémen, l’impérialisme tente d’écraser la révolte populaire en maintenant, vaille que vaille, au pouvoir un despote haï par sa propre population. Ici non seulement on ne se précipite pas à l’ONU « pour assurer la protection des civils », mais on soigne et on arme Ali Abdallah Saleh pour anéantir les aspirations à la dignité et à la démocratie du peuple du Yémen.

En Libye on impose militairement un CNT illégitime, réactionnaire et raciste(1). Au Yémen l’impérialisme cherche à dominer le détroit de Bāb al-Mandab qui commande l’entrée à la mer Rouge et surtout le Golfe d’Aden. En Libye la volonté de l’impérialisme, à l’instar d’un vampire, à pomper le pétrole libyen est sans limite. Dans un cas comme dans l’autre, l’impérialisme est l’ennemi des peuples.

Ali Abdallah Saleh est au pouvoir depuis 1978.Et comme Moubarak en Egypte, il préparait activement son fils Ahmed à lui succéder en 2013 .Il a réussi à construire, à l’aide des États-Unis et de l’Arabie Saoudite, un régime despotique et corrompu jusqu’à la moelle épinière.

Par contre Ali Saleh a totalement échoué à mettre le Yémen sur le chemin du développement économique et social. Aujourd’hui ce pays est l’un des plus pauvres de la planète. Il est relégué, pour son Indicateur de Développement Humain (IDH), aux dernières places par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Et c’est justement contre cette misère et cette dictature que le peuple du Yémen s’est soulevé. Il sait pertinemment que les maux dont il souffre au quotidien sont le fruit de décennies de gestion d’un pouvoir dont les préoccupations de la population à une vie meilleure ne font pas partie de ses priorités. Seul compte pour le clan d’Ali Saleh son maintien au pouvoir pour perpétuer ses privilèges et servir les intérêts de ses protecteurs américains et saoudiens en utilisant systématiquement la force et la violence.

En janvier 2011, encouragé par la révolution tunisienne et égyptienne, le peuple du Yémen est descendu massivement dans la rue non pas pour réclamer des réformes politiques, mais pour exiger la fin du régime d’Ali Abdallah Saleh : « le peuple veut renverser le régime » scandaient les manifestants dans les rues de Sanaa, d’Aden, d’Al Mukalla, de Taez et dans toutes les villes du Yémen. Depuis, les manifestations pacifiques, malgré les tentatives de militariser la révolution, n’ont jamais cessé et le peuple continue toujours à réclamer le départ d’Ali Abdallah Saleh.

Mais le tyran s’accroche au pouvoir de toutes ses forces en s’appuyant sur une partie de l’armée et les multiples organes de sécurité dirigés souvent par les membres de sa propre famille et des partisans qui lui sont restés fidèles.

Mais c’est surtout le soutien des États-Unis et de l’Arabie Saoudite qui reste décisif. Les américains, pour dominer durablement cette région stratégique et « bourrée » de pétrole, utilisent leur arme fétiche « la lutte contre le terrorisme », ce qui leur permet de bombarder régulièrement le sud Yémen. « Nous nourrissons une réelle inquiétude sur la capacité d’Al-Qaida (au Yémen) à conduire de nouvelles attaques sur le sol américain et contre des intérêts américains à l’étranger » déclarait James Clapper directeur national du renseignement devant le Congrès le 13 septembre 2011 (2). Ali Abdallah Saleh agite constamment la menace d’Al-Qaïda pour se maintenir au pouvoir et les américains instrumentalisent « cette menace terroriste » pour mieux contrôler la région.

L’Arabie Saoudite, elle, considère le Yémen presque comme le prolongement de son territoire. Les affaires internes du Yémen sont les affaires intérieures de l’Arabie Saoudite. La famille Al-Saoud qui règne sur l’Arabie a dès le début soutenu le régime despotique d’Ali Saleh qu’elle juge comme le meilleur garant de ses intérêts. C’est l’Arabie Saoudite qui a permis le transfert d’Ali saleh de Sanaa à Riyad, le lendemain du bombardement de son palais le 3 juin par le chef tribal Sadek al-Ahmar . C’est également l’Arabie Saoudite qui a soigné dans ses hôpitaux le président gravement blessé et permis enfin son retour au Yémen le 23 septembre 2011.

Ce que craignent les américains et les saoudiens c’est la contagion et l’embrasement de la région. Car le triomphe de la révolution populaire et démocratique au Yémen peut servir d’exemple et encourager les autres peuples de la région à se soulever à leur tour contre leurs propres tyrans qui les oppriment depuis des décennies. C’est ce qui explique par ailleurs l’intervention militaire saoudienne, avec la complicité des États-Unis, à Bahreïn pour écraser le soulèvement populaire dans ce petit royaume (3).

Ce qui est vrai du Yémen, ne l’est pas moins de la Libye même si les situations des deux pays paraissent différentes. Dans un cas comme dans l’autre c’est toujours l’impérialisme qui décide à la place des peuples uniquement et strictement pour ses propres intérêts. Au Yémen il tente de briser la révolution qui risque d’emporter un régime despotique et, partant, les intérêts américains et saoudiens dans la région.

En Libye l’impérialisme installe un pouvoir lui permettant de pomper allègrement le pétrole du peuple libyen et de surveiller de plus près les révolutions tunisienne et égyptienne.

L’impérialisme américain et ses caniches britanniques et français ont renversé le régime de Kadhafi non pas parce que celui-ci est un despote, mais parce que Kadhafi, à leur yeux, n’était pas un despote fiable pour servir leurs intérêts.

Tirant la leçon des révolutions tunisienne et égyptienne qui ont partiellement échappé à leur contrôle, les bourgeoisies américaine et européenne ont confisqué au peuple libyen sa révolution pour la remplacer par des groupes armés qui cherchent à prendre la place de Kadhafi. On est très loin des grandes manifestations populaires tunisiennes et égyptiennes qui ont emporté Ben Ali et Moubarak.

Le CNT n’est pas arrivé au pouvoir grâce à une révolution populaire. Il a été créé, armé, financé et installé là où il est aujourd’hui par l’impérialisme américain et européen au prix de milliers de victimes innocentes pour assouvir leur soif du pétrole libyen. Et dès le premier septembre 2011, les puissances impérialistes se sont précipitées à Paris, alors que les confrontations n’avaient pas encore cessé, pour partager le butin. Et ils l’ont fait au grand jour, comme au bon vieux temps colonial, sans complexe et sans pudeur aucune. La résolution 1973, la protection des civils, la démocratie etc. n’étaient que des paravents derrière lesquels les bourgeoisies occidentales dissimulaient leur véritable objectif : pomper à satiété l’or noir libyen. Mais comme ces vampires sont nombreux et leur voracité sans limite, le « partage » du pétrole libyen se fera probablement au profit du plus puissant d’entre eux. Belles batailles en perspective !

Le CNT n’est pas le représentant du peuple libyen. Il ne représente qu’une partie de la population, celle qui a accepté de combattre Kadhafi sous l’égide de l’OTAN, bras armé de l’impérialisme. Dans les soulèvements populaires arabes, le CNT est l’incarnation de la contre-révolution avec comme symbole le drapeau libyen de l’ex-roi Idris Ier, renversé en 1969.

Le CNT a trahi la mémoire d’Omar Al Mokhtar (1862/1931) et l’esprit de résistance contre l’occupant étranger qu’il incarnait. Mais si le peuple libyen a engendré dans le passé des héros de la trempe d’ Al Mokhtar, il est certainement capable de produire aujourd’hui des hommes et des femmes qui balayeront tous les traîtres et mettrons un terme au pillage organisé de leurs ressources par les nouveaux envahisseurs.

Le soutien militaire, financier, médiatique etc. de l’impérialisme aux despotes du monde arabe est une évidence qu’il faut rappeler constamment. Démocratie, liberté, droit de l’homme ne sont que des slogans qu’il utilise pour mieux écraser des soulèvements réellement populaires et démocratiques.

Qui peut soutenir sérieusement que les pouvoirs qui sévissent à Bahreïn, au Yémen, en Arabie Saoudite, aux Émirats Arabes Unies et dans tout le monde arabe, exception faite de la Palestine et du Liban, sont des régimes démocratiques ? Et pourtant l’impérialisme porte à bout de bras ces régimes qui exploitent, oppriment, marginalisent et humilient leurs peuples.

Toute l’histoire de l’impérialisme américain n’est que soutien aux dictatures les plus terribles de la planète. Aucune guerre, aucune intervention n’est menée pour soutenir les révoltes populaires et démocratiques ; bien au contraire. En Iran, la CIA a renversé le gouvernement Mossadegh en 1953 qui a eu le malheur de nationaliser les ressources pétrolières de son pays pour réinstaller le chah Reza Pahlavi. Au Chili, Les États-Unis ont participé activement en 1973 au renversement du gouvernement démocratiquement élu de Salvador Allende pour installer la dictature du général Pinochet. En Argentine, l’impérialisme américain a soutenu en 1976 le coup d’État militaire du général Videla. Ben Ali et Moubarak n’étaient que des marionnettes entre ses mains. Et on va taire, tellement la liste est longue, les noms des autres dictateurs aussi féroces les uns que les autres installés directement ou indirectement par la bourgeoisie américaine et accessoirement européenne. L’impérialisme américain et européen ont détruit des pays entiers comme la Yougoslavie, l’Afghanistan, l’Irak ou encore la Côte d’Ivoire laissant derrière eux des victimes par centaines de milliers.

Aujourd’hui ils sont en train de détruire le Yémen et la Libye. L’impérialisme est l’ennemi du progrès et de la démocratie. Les bourgeoisies américaines et européennes, inlassablement, parlent des Droits de l’homme, mais massacrent un peu partout les hommes qui leur tiennent tête. Toute leur histoire n’est que mépris et négation de l’homme. Mais malgré tous les malheurs dont il accable les peuples, l’impérialisme produit en même temps les hommes qui le mettront à mort. Les dictateurs qu’il a installés tombent les uns après les autres. C’est déjà le cas en Amérique Latine. Dans le monde arabe, même entravé par l’impérialisme, les peuples poursuivent leur combat y compris en Arabie Saoudite (4) pour une société démocratique débarrassée des régimes despotiques et corrompus. Aux États-Unis même, des hommes et des femmes par milliers manifestent leur indignation contre les vautours de Wall Street, mais aussi contre les guerres impérialistes. Ce n’est pas un hasard si la grande manifestation de Washington du 6 octobre 2011 où les manifestants scandaient, entre autres, « Arrêtez la guerre, ramenez les troupes à la maison » coïncidait avec le dixième anniversaire de l’intervention impérialiste en Afghanistan le 7 octobre 2001. La solidarité entre les peuples est une condition vitale pour mettre un terme définitif à cette hégémonie impérialiste.

Mohamed Belaali

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