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15 janvier 2025

Les plans secrets de la Turquie et du Qatar en Libye


 MARIANNE

Révélations

Les plans secrets de la Turquie et du Qatar en Libye

Samedi 29 Novembre 2014

 

Roumania Ougartchinska

 

La Libye serait-elle en train de devenir une base d’entraînement pour les combattants islamistes syriens, tunisiens et égyptiens, avec le soutien de la Turquie et du Qatar ? Les preuves s’accumulent alors que le pays a sombré dans une guerre civile opposant libéraux, nationalistes et fédéralistes. « Marianne » dévoile notamment, dans son numéro actuellement en kiosques, une « note blanche » explosive des services de renseignements de l’armée libyenne. Extrait.


A Benghazi, le 3 novembre dernier, des soldats font l'inventaire d'armes pris à des combattants islamistes - Mohammed El-Sheikhy/AP/SIPA

A Benghazi, le 3 novembre dernier, des soldats font l’inventaire d’armes pris à des combattants islamistes – Mohammed El-Sheikhy/AP/SIPA
C’est une histoire digne des années de plomb à l’italienne. Sauf que l’action se déroule sur l’autre rive de la Méditerranée, très exactement à Benghazi. Un matin du mois de mai dernier, le colonel Akila est au volant de sa voiture au cœur de ville quand deux hommes surgissent, tirent deux balles, dont une mortelle à la gorge et s’évaporent aussitôt. Apparemment, Ibrahim al-Senoussi Akila est juste une victime de plus d’une longue série d’exécutions dans l’est de la Libye. Selon le dernier rapport annuel (janvier 2014) de l’institut Potomac relatif au terrorisme en Afrique du Nord et au Sahel, sur les 230 incidents terroristes majeurs recensés dans la région en 2013, 145 ont eu lieu dans la défunte Jamahiriya, principalement dans les zones est. Les Libyens, eux, dénombraient à la mi-juin 2014 plus de 500 assassinats.C’est justement cette région de la Cyrénaïque qu’Ibrahim Akila avait en charge, comme chef du renseignement. Il avait été nommé en mars 2012, avec l’agrément du Conseil national de transition (CNT), l’organe représentatif de la révolution anti-Kadhafi. Et le colonel avait décidé de parler… La veille, il s’était rendu dans les locaux d’une chaîne de télévision pour révéler ce qu’il soupçonnait être une vaste conspiration des islamistes, impliquant non seulement des milices, mais aussi des membres du gouvernement, des militaires et des policiers, en liaison avec des services de renseignements étrangers. Selon lui, les divers groupes terroristes locaux à l’œuvre étaient en passe de se structurer en véritable réseau international. Objectif ? Transformer la Libye en base d’entraînement pour les combattants islamistes syriens, tunisiens ou encore égyptiens, notamment pour constituer la fantomatique « Armée libre d’Egypte », sur le point de devenir une réalité.

Les services secrets turcs et qataris à la manœuvre ?

Un plan ourdi, selon le colonel Akila, sous les hospices des services secrets de la Turquie et du Qatar dont le soutien aux Frères musulmans ne s’est pas relâché malgré l’éviction de Mohamed Morsi du pouvoir en Egypte. Les soupçons du défunt officier étaient-ils fondés ? Il n’a pas eu le temps d’en apporter les preuves. Car, en Libye, aujourd’hui, il ne fait pas bon dénoncer certaines vérités, ni prendre position contre les pays protecteurs des groupes islamistes, aussi bien radicaux que modérés. Cible d’au moins cinq attentats kamikazes, dont l’un a failli lui coûter la vie, le général Khalifa Haftar en sait quelque chose, lui qui a entrepris depuis le mois de mai dernier de « nettoyer le pays des islamistes » en prenant la tête d’une opération baptisée « Karama » (« Dignité »). Plusieurs de ses proches ont été blessés, dont deux de ses frères et son fils. Décidé à en découdre avec l’organisation terroriste Ansar al-Charia établie à Benghazi, le général avait aussi dénoncé l’aide « insidieuse » de la Turquie et du Qatar aux groupes extrémistes et avait sommé fin juin les représentants des deux pays de « quitter la Libye dans les quarante-huit heures, sous peine de représailles ». Le lendemain, son neveu était kidnappé.

« Chez vous, quand vous avez un contentieux avec quelqu’un, vous allez régler ça en justice. Ici, quand il y a un problème, on règle ça avec des bombes », résume Rajab Benghuzzi, journaliste vedette de feu la télévision Al-Assima, l’une des rares qui donnaient la parole à tout le monde, islamistes compris, et qui dénonçaient les dérives et les ingérences. « J’ai été menacé, kidnappé, la télé a été dynamitée, puis finalement fermée », constate, amer, le journaliste, expatrié à Amman, en Jordanie, où il animera bientôt une nouvelle émission. Même le Premier ministre, Abdallah al-Thinni, théoriquement l’homme le plus protégé du pays, n’échappe pas aux menaces. Ainsi, alors qu’à la mi-septembre il n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer les vols clandestins opérés par le Qatar en Libye, deux semaines plus tard, interrogé par Marianne lors d’une visite au Caire, il refusait obstinément de citer le nom d’un quelconque pays soupçonné d’ingérence. « Non, non ! Pas de nom ! Demandez donc aux Américains, ils savent tout. Demandez-leur ! » répétait désespérément le chef du gouvernement libyen, dont la famille a été exfiltrée du pays après avoir reçu des menaces…

 

 

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