Les services secrets turcs et qataris à la manœuvre ?
Un plan ourdi, selon le colonel Akila, sous les hospices des services secrets de la Turquie et du Qatar dont le soutien aux Frères musulmans ne s’est pas relâché malgré l’éviction de Mohamed Morsi du pouvoir en Egypte. Les soupçons du défunt officier étaient-ils fondés ? Il n’a pas eu le temps d’en apporter les preuves. Car, en Libye, aujourd’hui, il ne fait pas bon dénoncer certaines vérités, ni prendre position contre les pays protecteurs des groupes islamistes, aussi bien radicaux que modérés. Cible d’au moins cinq attentats kamikazes, dont l’un a failli lui coûter la vie, le général Khalifa Haftar en sait quelque chose, lui qui a entrepris depuis le mois de mai dernier de « nettoyer le pays des islamistes » en prenant la tête d’une opération baptisée « Karama » (« Dignité »). Plusieurs de ses proches ont été blessés, dont deux de ses frères et son fils. Décidé à en découdre avec l’organisation terroriste Ansar al-Charia établie à Benghazi, le général avait aussi dénoncé l’aide « insidieuse » de la Turquie et du Qatar aux groupes extrémistes et avait sommé fin juin les représentants des deux pays de « quitter la Libye dans les quarante-huit heures, sous peine de représailles ». Le lendemain, son neveu était kidnappé.
« Chez vous, quand vous avez un contentieux avec quelqu’un, vous allez régler ça en justice. Ici, quand il y a un problème, on règle ça avec des bombes », résume Rajab Benghuzzi, journaliste vedette de feu la télévision Al-Assima, l’une des rares qui donnaient la parole à tout le monde, islamistes compris, et qui dénonçaient les dérives et les ingérences. « J’ai été menacé, kidnappé, la télé a été dynamitée, puis finalement fermée », constate, amer, le journaliste, expatrié à Amman, en Jordanie, où il animera bientôt une nouvelle émission. Même le Premier ministre, Abdallah al-Thinni, théoriquement l’homme le plus protégé du pays, n’échappe pas aux menaces. Ainsi, alors qu’à la mi-septembre il n’avait pas de mots assez durs pour dénoncer les vols clandestins opérés par le Qatar en Libye, deux semaines plus tard, interrogé par Marianne lors d’une visite au Caire, il refusait obstinément de citer le nom d’un quelconque pays soupçonné d’ingérence. « Non, non ! Pas de nom ! Demandez donc aux Américains, ils savent tout. Demandez-leur ! » répétait désespérément le chef du gouvernement libyen, dont la famille a été exfiltrée du pays après avoir reçu des menaces…