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24 novembre 2024

Identités et évasions fantasmatiques


Identités et évasions fantasmatiques

Par Mohamed Bouhamidi

In Impact24, le 27.03.2016 16:30

L’urgence obsessionnelle dans le complexe du colonisé, est de s’extraire de son indigénat.
Et de mettre au plus vite, sur sa peau noire, un masque blanc.

Cela va de l’insulte ordinaire et vulgaire du noir/arabe qui insulte le noir/arabe en lui reprochant ce que lui reproche le colon ; voleur, menteur, sale, violeur, obsédé sexuel.

A la justification de la conduite du blanc, obligé de nous frapper pour nous éduquer.
Avec le tunisien Abdelwahab Meddeb, nous sommes passés à une nouvelle étape : le reproche fait aux congénères d’exister sans repentir et sans adaptation aux désirs européens
L’expression du complexe du colonisé est donc extrêmement plastique, protéiforme.
Mais chacun s’en extrait selon les identités de rechange disponibles.

Mais le principe reste identique : sortir de l’identité sous laquelle le colon nous a subsumés, noir ou arabe ou toute autre catégorie inventée pour une autre région que la nôtre, africaine ou arabe. Le noir ou l’arabe n’existe que dans la tête du colon.

Ceux qui sont désignés comme tels se différencient en dizaines d’ethnies, de langues, de cultures, d’histoires différentes.

Et autant de moments sociaux, politiques, historiques différents.
La dénomination coloniale, les « arabes », les « musulmans », les « noirs » sont des dénominations fantasmatiques.

Le colonisé malade de son complexe voudra se débarrasser de cette identité fantasmatique. Même sa « libération » se fera à travers le regard du colon.

Nous avons déjà montré que le complexe du colonisé est un cas particulier du rapport dominant/dominé, dans lequel le dominé, pour survivre sans trop de honte, est obligé de magnifier, voire déifier son maître pour que devienne supportable sa condition d’indignité. L’autre alternative, celle de renverser le maître, reste celle des révolutionnaires et de conditions favorables préparées ou mûries.

Tant qu’elle durera, la domination économique, culturelle et médiatique néocoloniale, le complexe du colonisé se reproduira à travers les formes nouvelles de déification de l’Occident et de soumission à sa puissance techno-culturelle.

L’urgence de ne plus être arabe pouvait prendre des voies si différentes selon qu’on soit en Kabylie ou à Oran, à Alger ou à Constantine. Le seul souci de l’investissement psychique dans une sortie de l’indigénat est sa rentabilité, sa capacité à donner l’impression fantasmatique de ne plus être l’arabe désigné par le colon.
L’islamisme politique, par beaucoup de ses côtés, en assumant le postulat de la nécessaire réforme des « mauvais musulmans » a été l’offre la plus rentable. Ses imams s’en prenaient aux indigènes, les réformaient et les rendaient présentables par une migration de l’identité arabe à l’identité islamique.

Vous pouvez reprendre l’hypothèse sur le berbérisme à partir de sa dégénérescence en kabylisme.
A chaque échec social et politique d’un projet de transformation, l’investissement est perdu. Il faut trouver une autre forme d’extraction.

La reconquête néocoloniale par la culture vient d’offrir un champ immense et un retour immédiat sur investissement, par la gloire, la notoriété, un statut semi-divin d’idole intouchable.
Le repentir des Imams convertis en démocrates n’est pas un changement d’opinion, c’est un changement de masque.

Au service du même complexe.

M.B

source : http://www.impact24.info/identites-evasions-fantasmatiques/

Tag(s) : #reconquête par la culture, #néocolonialisme culturel, #résistances culturelles
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