Algérie : Le peuple manifeste, le système Bouteflika subsiste
24 avril 2019
Analyse
Mohsen Abdelmoumen
Mardi 23 avril 2019
L’Algérie continue à traverser l’une des crises les plus profondes de son histoire. Tout un peuple, soit des millions d’Algériens, est dans la rue alors qu’il n’y a aucune réponse politique offerte par le pouvoir en place incarné aujourd’hui par un président coopté, Abdelkader Bensalah, l’un des hommes les plus haïs d’Algérie, qui est une figure centrale dans le système Bouteflika qui continue à diriger l’Algérie. Ce dirigeant du RND a toujours été au service de Bouteflika et a soutenu le 5e mandat. Tous les outils du règne de Bouteflika sont là, et le RND et le FLN dirigent encore l’Assemblée. Le peuple algérien veut faire table rase du passé et chasser ce système pourri qui a ruiné le pays et face à cette situation critique, Ahmed Gaïd Salah s’est mis en difficulté en impliquant l’armée dans une équation très compliquée, s’accrochant à l’application de l’article 102 de la Constitution, c’est-à-dire un processus complètement biaisé quand on sait que c’est le gouvernement Bedoui issu du système Bouteflika qui va organiser des élections avec Bensalah à la tête de l’État, prouvant ainsi que le système est toujours intact. De fait, même si Bouteflika n’est plus là, son système est présent partout et le peuple n’en veut plus. Nous sommes dans le 5e mandat sans la présence de Bouteflika, et son entourage qui est toujours là se livre à une guerre des clans féroce, or la guerre des clans est très mauvaise pour l’État, car les clans ne sont pas au service de l’Algérie mais à celui de leurs intérêts personnels. L’État qui est absent et les clans qui se livrent bataille via les médias, les réseaux sociaux, etc. sont très dangereux pour le pays et ce qui se passe en ce moment risque d’emporter ce qu’il reste de l’État algérien. Le peuple n’a certes pas demandé que les clans se battent comme des gladiateurs dans des arènes, il a demandé une meilleure gouvernance, une justice indépendante, un État de droit, la justice sociale, et une véritable démocratie. Nous n’y sommes pas encore et il faudra du temps avant d’y parvenir. Les résidus de l’ancien système, eux, ne veulent qu’une chose : ramener ce grand mouvement populaire à une confrontation avec l’armée, au risque de plonger le pays dans le plus noir des chaos, se recycler et se régénérer pour continuer à goinfrer. Bensalah qui a organisé ce lundi 22 une conférence bidon avec des représentants bidon qui ne représentent qu’eux-mêmes, vient de limoger et de nommer des walis comme s’il était un président de plein exercice. Que signifie ce foutage de gueule ? Le peuple lui demande de dégager et ce sinistre personnage exerce le pouvoir comme s’il avait été élu. Nous sommes devant une usurpation de fonction caractérisée, une véritable arnaque au su et au vu de toute la planète. De quel droit se permet-il d’exercer le pouvoir ? De quelle légitimité se réclame-t-il ? Chaque jour apporte son lot de malheurs au pauvre peuple algérien qui ne mérite pas d’avoir ces crapules comme dirigeants.
Il n’y a pas eu de grands changements depuis le départ d’Abdelaziz Bouteflika, à part Ali Haddad el mgemmel, el kharay, qui s’est jeté de lui-même dans la gueule du loup par bêtise, en se retrouvant à 3 heures du matin à un poste frontalier avec des liquidités et deux passeports, fuyant parce qu’il croyait qu’il allait être arrêté chez lui, sachant qu’il a tant de choses à se reprocher. Mais ce n’est qu’un fait divers et Ali Haddad qui nous a joué un remake de Bonnie and Clyde sortira bientôt de prison grâce aux interventions de ses copains du MEDEF français. Issad Rebrab a rejoint Ali Haddad à El Harrach qui semble devenir un endroit très prisé de la jet set algéroise. On va bientôt y retrouver tout le club des Pins et Moretti qui vont devoir se délocaliser. Tout le monde, tous ceux qui ont tourmenté le peuple algérien pendant des années, tous ces gens avec armes et bagages, les amants, les maîtresses, les serviteurs, les eunuques, tout le monde en taule ! La saison estivale a commencé à El Harrach et le peuple algérien attend avec impatience la suite du feuilleton. Nous caressons l’espoir de voir tout ce joli monde, Saïd Bouteflika en tête, figurer dans un Prison Break à l’algérienne, ou dans la Cage aux folles c’est selon les goûts. La prison est le lieu naturel pour la pègre, ils ne seront pas dépaysés. Pour Rebrab, on ne s’inquiète pas, il y aura bientôt des manifs avec banderoles « Free Issad Rebrab » et pourquoi pas un concert style Wembley pour Mandela, un Rebrab Day. Cependant, le système Bouteflika ne comporte pas que des imbéciles du style Ali Haddad, d’autres, plus dangereux et rusés sont toujours là, bien en place. Ainsi pourquoi les maîtres du système lui-même, à savoir la fratrie des Bouteflika, sont-ils toujours à la résidence de Zéralda ? Gaïd Salah a traité le clan présidentiel d’el issaba, de gang de malfaiteurs et de forces extraconstitutionnelles, pourquoi n’a-t-il pas arrêté Saïd Bouteflika alors que celui-ci continue à manœuvrer en toute impunité et même à donner des ordres ? Par exemple, comment se fait-il que c’est un proche de Saïd Bouteflika qui est nommé à la sûreté intérieure ? Et que fait encore Habba el Okbi en tant que secrétaire général à la présidence alors que Bouteflika n’y est plus ? Et pourquoi avoir gardé le staff de Bouteflika à la présidence ? Qui a nommé la ministre de l’Industrie et des Mines Djamila Tamazirt, alors qu’elle est impliquée dans un scandale de corruption et qu’elle a déjà été virée de ce ministère à l’époque du ministre Yousfi qui lui a intimé de choisir entre la démission et la prison. Elle a été chassée comme une malpropre et la voilà revenue ministre. De qui se moque-t-on ?
De nombreuses interrogations circulent en ces temps incertains où règnent la rumeur, le charlatanisme, les informations les plus folles répercutées par des médias irresponsables qui ne visent que le scoop au mépris de toute déontologie. Alors que le peuple a initié un grand mouvement révolutionnaire pour aller vers un vrai changement, de l’autre côté, c’est du grand n’importe quoi. Le spectacle est permanent et la presse ainsi que les médias qui appartiennent à des oligarques, tous issus du clan Bouteflika, et ajoutons-y les agitateurs professionnels des réseaux sociaux, rivalisent de « scoops ». Tout le monde joue un rôle pour un clan ou une officine bien précis. Et tout le monde est devenu expert de l’armée et des services de renseignement, sur lesquels chacun commente et fantasme. L’Algérie est le seul pays au monde où l’on discute chaque jour de l’armée et des services. Or, il faudrait s’arrêter car cela n’apporte rien de bon au pays. Ce sont des sujets très sensibles et peu d’entre nous sont susceptibles de faire un commentaire judicieux à leur propos. Où allons-nous comme cela ? De même qu’il ne faut pas croire au Père Noël, il ne faut pas croire non plus les sornettes de certains faux prophètes qui passent leur temps sur les réseaux sociaux à enfumer le peuple en s’improvisant porte-paroles du peuple alors qu’ils n’en ont ni l’étoffe ni la carrure. Ce ne sont que des héros en carton, virtuels, qui participent au brouillard dans lequel est plongée l’Algérie. A défaut d’avoir des contrepouvoirs sains, une opposition saine, des médias sains, on a une bande de zigotos qui se prennent pour le nombril du monde et qui ne servent certainement pas la cause du peuple. Ces charlatans sont nés du désert politique et médiatique que Bouteflika a créé. Les responsables de cette maladie sont les Bouteflika qui ont réalisé méthodiquement un travail de sape pendant des années. Je rappellerai néanmoins cette phrase : « celui qui sait ne parle pas et celui qui parle ne sait pas ».
Mais n’oublions pas d’où nous venons. Nous avons failli avoir un 5e mandat avec une pléthore de larbins – ceux qui s’étripent joyeusement aujourd’hui, tels Seddik Chihab et Ahmed Ouyahia, le premier accusant le second d’être un traître et un ennemi de l’Algérie travaillant avec des forces étrangères pour déstabiliser le pays – qui vénéraient un cadre. Chihab était pourtant enthousiaste à l’idée d’un 5e mandat, tout comme son maître Ouyahia, et il a été son bras droit pendant des années. Ça ne le gênait pas trop à l’époque d’être l’adjoint d’un ennemi de l’Algérie, semble-t-il. Mais il ne faut pas s’étonner du jeu trouble qu’il joue aujourd’hui. Il cherche à sauver le RND et à se positionner pour l’avenir. Rappelons que cette raclure a lui-même été poursuivi en justice quand il était maire de Kouba et il a fui les tribunaux en se cachant derrière l’immunité parlementaire. Il n’a jamais rendu des comptes pour ses nombreux détournements de biens publics. Certains anciens larbins de Bouteflika au FLN font de même et prétendent aujourd’hui être avec le peuple. Tous ces gens veulent se positionner dans la période qui vient alors qu’ils n’ont rien à faire dans la nouvelle Algérie. Ils font partie de l’ère Bouteflika et doivent assumer leurs responsabilités et disparaître dans le caniveau d’où ils proviennent.
À ceux qui donnent des ordres et des contrordres, arrêtez votre cirque ! Le coup de la chaise musicale pour embrouiller le peuple ne sert à rien. Vous avez perdu le match, n’essayez pas de gagner avec des prolongations. Or, c’est ce que fait le système Bouteflika qui veut gagner du temps pour effacer les traces de sa forfaiture et – pourquoi pas ? – recycler certains de ses larbins dans l’Algérie de demain. Bien qu’on se réjouisse de voir Ouyahia ou les Kouninef traînés en justice, on veut voir aussi tous les autres devant les juges. Nous ne boudons pas notre plaisir quand le peuple algérien poursuit dans les rues des corrompus, qu’ils soient ministres, anciens ministres ou responsables de ceci ou cela, comme le wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, nommé par el issaba et chassé de la casbah par le peuple. Mais nous voulons surtout les voir derrière les barreaux. Rappelons-nous cependant que le système peut sacrifier ses éléments les plus zélés pour survivre. Je conseille à tous ceux qui ont eu une responsabilité sous l’ère Bouteflika de se terrer chez eux comme des rats, sinon ils auront affaire au peuple. Qu’ils arrêtent de provoquer le peuple comme ces ministres qui ont été poursuivis lors de visites protocolaires ou encore comme Aboudjerra Soltani, ce sinistre personnage, qui a failli être lynché à Paris et qui a pris la fuite dans le métro. Tous doivent payer sans exception : de la famille Bouteflika à ses larbins, tous ceux qui ont constitué le régime Bouteflika doivent être jugés et disparaître de la scène quel que soit le poste dans lequel ils ont sévi. Ils se tiennent tous par la barbichette. On aurait tant espéré un Nuremberg à l’algérienne pour juger les criminels du clan Bouteflika et ceux qui les ont servis pendant des années. Il faut juger la corruption. Pourquoi n’y aura-t-il pas un vrai procès de ceux qui ont pillé et ruiné l’Algérie sous l’ère Bouteflika ? Parce que tout le monde s’est servi et que chacun possède des dossiers sur les autres, style El-Bouchi. Ils ont tous des dossiers en réserve qu’ils font parfois fuiter à la presse ou à certains larbins de la presse qui travaillent pour eux. Quand l’un veut casser la concurrence, il fait fuiter tel document par un larbin. Comment se fait-il que les relais médiatiques de Saïd Bouteflika continuent à travailler pour lui au moment où j’écris cet article ? Concernant les soi-disant convocations de Loukal, l’actuel ministre des Finances et ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, et d’Ouyahia ancien Premier ministre, il est intrigant de constater comment les gens se sont attroupés devant le tribunal pour les huer. Pendant ce temps, le ministre des Finances était en train d’installer le DG des Douanes. Cet incident en dit long sur les supposées poursuites en justice qui visent el Issaba (le gang) : le peuple veut des véritables procès fait par une justice indépendante et non pas des simulacres de procès et une agitation médiatique de diversion. Chiche, jugez-les tous et pendez-les haut et court ! On ne veut pas d’une justice à deux vitesses qui sert les intérêts des clans.
Ce mouvement populaire, cette révolution – car c’en est une – a réussi à stopper la folie pure du 5e mandat d’un président grabataire, voire mort. Néanmoins, ce mouvement citoyen est dans le rejet et non dans la proposition, le peuple sait ce qu’il ne veut pas, mais s’il aspire à un système démocratique et à un État de droit, il n’y a aucune voix représentative pour relayer ses demandes. Bien malheureusement, ce grand mouvement du peuple algérien, inédit dans l’histoire, n’est pas organisé et face à lui, on trouve un système qui est très bien organisé et bien rôdé dans ses pratiques mafieuses qu’il a eu tout le temps de peaufiner. Or, sans organisation du mouvement citoyen, il y a peu de chances que le système Bouteflika soit déboulonné. Même si les institutions sont délabrées par 20 ans de « bouteflikisme », l’ossature du système, c’est-à-dire la rente qui le maintient en vie et qui arrose la clientèle, ces clans et cercles occultes qui se chamaillent en ce moment comme des chiffonniers, l’ossature du système donc est toujours bien en place. Ce grand mouvement du peuple n’a hélas pas reçu d’offre politique de la part des différents acteurs de « l’opposition ». Loin de moi l’idée de tirer sur l’ambulance, on sait très bien dans quelles conditions est née l’opposition algérienne, après le 5 octobre 1988, et elle n’a jamais fait son autocritique. Elle est devenue une sorte de clone du système. Et nous sommes arrivés à une impasse. Le peuple a son agenda qui est de manifester et le système a son agenda aussi qui est d’organiser des élections qui seront une véritable forfaiture. Le peuple qui, avant, était dans l’abstention, aujourd’hui manifeste, ce qui est très différent, car de passif, le peuple est devenu actif. Il manifestait sa révolte par l’abstention dans l’urne, et aujourd’hui il la manifeste dans l’espace public. Il ne veut pas de ces élections dans un tel contexte, et d’ailleurs des maires refusent d’organiser les élections, et certains juges ne veulent pas les superviser. Le peuple a opéré une grande transformation, que nous avons connue grâce au système Bouteflika qui n’a pas eu l’intelligence d’opter à temps pour un remplaçant du sultan Abdelaziz et qui nous a, au contraire, plongés dans Zanqat el-hbal. On peut remercier les fameux « stratèges » de Bouteflika comme Habba El Okbi et Cie, Saïd Bouteflika à leur tête, parce que c’est grâce à eux et à leur stupidité, à leur incompétence politique, que nous connaissons un mouvement historique qui a marqué l’histoire et qui impressionne toute la planète.
Mais vers où va ce mouvement ? Voyons par exemple le mouvement des Gilets Jaunes en France qui en sont à l’acte XXIII, c’est-à-dire à leur 23e samedi de marche. Malheureusement, le mouvement se démène en vain, le pouvoir restant de marbre face aux revendications des Gilets Jaunes. Il faut aussi être attentif aux différentes manipulations et tentatives de récupération et autres magouilles. Les cercles occultes ne rêvent que d’une chose : que le mouvement s‘essouffle car cela permettrait au système de se recycler et de perdurer. C’est ce qu’il tente de faire en ce moment en sacrifiant quelques fusibles. On a deux visions différentes et deux mondes parallèles : nous avons la rue qui rejette tout le système et qui veut un changement radical, qui veut choisir ses représentants, qui veut une vraie démocratie donnant le pouvoir au peuple, et de l’autre coté, le système se débat pour survivre à cette crise, c’est une question de vie ou de mort pour lui, il veut survivre malgré le peuple et contre le peuple. L’agenda du clan sera catastrophique pour le pays parce qu’il perpétue le système Bouteflika avec les même outils que naguère, et avec l’aval de certaines puissances étrangères qui, d’ailleurs, sont fortement dérangées par le mouvement populaire, la France en tête. Car l’impact de ce grand mouvement citoyen sur les autres pays se fera sentir tôt ou tard, comme ce que l’on a vu au Soudan et même dans d’autres pays. Il est fort à parier que d’autres mouvements populaires s’inspireront de celui d’Algérie. L’enjeu de ce mouvement est très important car, s’il réussit, il sera un exemple pour tous les peuples de la terre. C’est la raison pour laquelle ceux qui sont aux manettes du pays gagnent du temps et espèrent faire capoter le mouvement. Ils misent entre autres sur le ramadan qui approche pour éloigner le peuple des manifestations. La seule solution, comme je l’ai déjà dit dans plusieurs articles, est que le peuple s’organise. C’est essentiel. Il doit se méfier des fanfaronnades de quelques guignols qui se prennent pour des champions de la politique, alors qu’ils ont grappillé au râtelier pendant des années et qu’ils ne se sont jamais opposés aux mandats successifs de Bouteflika. On serait même tenté de postuler pour obtenir un brevet de révolutionnaire auprès de certains salonards algérois qui n’ont jamais cru dans le peuple algérien mais qui sont devenus subitement de grands révolutionnaires qui aiment le peuple. Aujourd’hui que la momie a rejoint son sarcophage, tout le monde est devenu opposant. On voit ainsi émerger des personnalités qui se verraient très bien en capitaine de vaisseau. Et pourtant, si ces gens étaient des leaders, ça se saurait, ils auraient donné naissance à ce mouvement populaire, or ils ne sont que des suiveurs qui surfent sur la vague. Il n’y a pas d’avant-garde ou d’élite qui a impulsé le changement, c’est le peuple et lui seul qui a crié Barrakat ! et qui a fait naître ce mouvement.
Tout se passe entre le peuple et l’armée, cette dernière étant chargée, une fois de plus, de gérer la situation. Cela fait partie de l’histoire de l’Algérie, chaque fois que le pouvoir civil est incapable de gérer les crises qu’il génère, l’armée arrive à la rescousse pour tenter de remettre le pays sur les rails, ce qui n’est pourtant pas son rôle. C’est extrêmement dangereux quand on sait que des complots existent pour tenter de démanteler les armées fortes de certaines nations, et privilégier, dans le monde arabo-musulman, la prépondérance d’Israël et de son armée. L’armée algérienne s’expose énormément en jouant un rôle politique comme elle l’a déjà fait dans le passé. Il faut faire très attention à ne pas exposer l’armée plus qu’il ne faut, car la situation à la fois géopolitique et politique interne est particulièrement périlleuse. Bien sûr, c’est la seule institution encore debout et historiquement, elle a toujours été au centre du pouvoir en Algérie – j’en ai d’ailleurs parlé avec le Dr. Ghediri dans l’interview que j’ai réalisée avec lui -, mais veillons à ne pas trop tirer sur la corde. Il est clair que nous ne pouvons pas rester dans un processus purement constitutionnel qui a atteint ses limites et dont le peuple a montré qu’il ne voulait pas. Celui-ci clame haut et fort au cours de ses manifestations qu’il ne veut pas de l’article 102, ni de Bensalah, ni de Bedoui, ni du système Bouteflika qui organise les élections. Le peuple ne rentrera jamais chez lui tant qu’il n’aura pas obtenu ce qu’il veut. Il faut sortir de la Constitution avec cet article 102, installer une transition et reconstruire des institutions. Ne croyons pas que ce sera facile de rebâtir un pays qui a été volé, pillé, ruiné par la fratrie Bouteflika. Nous ne sommes pas des rêveurs, on sait très bien que le processus de changement prendra du temps. Ce n’est pas un système « déboulonnable » facilement, contrairement à ce que beaucoup croient et qui pensent que les manifestations suffiront à le « dégager ». Personne ne dira que les manifestations ne sont pas utiles. Si, bien sûr, elles sont utiles et il faut qu’elles continuent. N’oublions pas qu’elles ont permis de décrocher le cadre. C’est un grand soulagement de savoir qu’il n’y aura pas de 5e mandat, et nous le devons au peuple algérien, mais il faut veiller à ne pas perdre davantage de temps – nous avons déjà perdu 20 ans ! – et à prendre un virage historique en devenant un pays où le peuple choisit ses représentants. Le peuple veut aujourd’hui être l’acteur principal et l’armée peut accompagner ce processus et le protéger, et ensuite prendre du recul en laissant émerger des forces politiques issues du peuple, et en les aidant s’il le faut. Mais gare ! Plus le mouvement dure, plus il y a des manœuvres d’agitateurs qui essaient de jeter le discrédit sur le mouvement populaire en le provoquant. Il faut à tout prix éviter d’aller vers la confrontation. Par exemple, qui a donné l’ordre à Ould Kaddour de nommer à la tête du MCA, le plus grand club de football d’Alger, Omar Ghrib, un voyou et repris de justice, avec pour instruction de casser les manifestations d’Alger en infiltrant les manifestants et en utilisant les beltagias, spécialité de ce sinistre individu connu pour être un trafiquant de drogue ? À qui fait référence Ould Kaddour en disant que l’ordre de nommer Ghrib vient « d’en haut » ? De qui parle-t-il, sachant que cet Omar Ghrib est un proche de Sellal et du gang des malfrats Bouteflika qu’il a servi pendant des années ? La présence de voyous qui harcèlent les femmes qui sont une garantie du pacifisme des manifestations, vise à faire rentrer celles-ci à la maison afin de pouvoir réprimer les manifestants. De la même manière qu’on a toujours dit qu’il faut interdire de mêler la religion à la politique, il faut interdire de mêler le football à la politique. Et ce n’est pas avec un Zetchi, serviteur zélé de Saïd Bouteflika et toujours en place à la tête de la FAF, qui a transformé le championnat algérien en championnat de la cocaïne, de la violence et de la corruption, que nous allons y arriver. Par ailleurs, ce n’est pas un hasard si juste après la nomination d’Omar Ghrib, il y a eu les incidents à la Grand Poste qui ont failli tourner au désastre. Il est important de rappeler que si quelque chose arrive à des manifestants lors des prochaines manifestations, les éléments d’el Issaba seront les principaux responsables et seront poursuivis. Je rends hommage au jeune Ramzi Yettou qui avait été blessé lors de la 8e manifestation du vendredi et qui est mort à l’hôpital suite à ses blessures. Il faut que ceux qui l’ont tué soient punis pour leur crime. Il s’agit du deuxième martyr de ce grand mouvement historique après Hassan Benkheda, le fils de Benyoucef Benkheda. Et enfin, je n’arrêterai pas de réclamer la libération immédiate de Hadj Ghermoul qui est toujours incarcéré pour s’être opposé au 5e mandat. Libérez-le !
Il est un fait que le pays ne pourra pas supporter longtemps cette situation. Le clan des Bouteflika a clochardisé l’État et a mis l’Algérie sur la paille, et l’a laissée ruinée politiquement et économiquement. Il faut cependant penser à reconstruire. Si la même guerre des clans qui sévit dans l’État – d’ailleurs où est l’État, il y a juste une guerre des clans ? – se propage dans l’armée, seul corps fort et structuré, qu’arrivera-t-il ? Nous sommes en train d’assister aux conséquences de la déstabilisation de l’État algérien voulue par Bouteflika. Tout est à reconstruire au niveau politique et économique, et je n’envie pas le prochain président algérien. Personnellement, je suis pour que le peuple garde ses espaces publics pour toujours, qu’il puisse les utiliser comme espaces d’expression populaire, des places fortes où la politique se fait, où le peuple dit son mot, car désormais, rien ne se fera sans le peuple. Néanmoins, il faut commencer à chercher des solutions, et l’état-major est face à une grande responsabilité puisque l’armée est devenue le seul interlocuteur du peuple, celui-ci refusant le système en place. Le chef d’état-major a permis à l’ancien système de continuer à exister dans cette nouvelle Algérie qui se dessine et il faut que Gaïd Salah rectifie le tir en instaurant une période de transition avec des représentants du peuple. Cette transition ne peut pas être constitutionnelle avec un Bensalah et un Bedoui comme acteurs majeurs. Ils appartiennent au passé et représentent tout ce qui est honni par le peuple algérien. L’armée pourrait soumettre à l’approbation du peuple des personnalités susceptibles de mener cette transition ou l’inverse, que ce soit le peuple qui désigne celles et ceux qui ont sa confiance. Mais je reviens toujours au fait que le peuple doit s’organiser commune par commune, ville par ville, wilaya par wilaya pour élire ses représentants. En ce moment, le rapport de forces est en faveur du peuple, mais si on perd du temps et si on n’élimine pas les résidus de l’ancien système, celui-ci va se régénérer. Le peuple se ferait alors voler sa belle victoire et l’Algérie replongerait dans le marasme. C’est pourquoi il faut absolument stabiliser la situation en évitant une confrontation qui serait catastrophique, or plus ce climat dure, plus ce risque augmente. Il ne faut laisser aucune chance aux forces occultes de l’ancien système qui sont toujours là à manœuvrer dans l’espoir de voler la révolution au peuple algérien. Je répète que ces gens sont des traîtres et des gangsters et ils doivent tous être jugés pour le mal qu’ils ont fait à l’Algérie. Ainsi, les accords du Val-de-Grâce sont des accords politiques, économiques et culturels secrets que les Bouteflika ont signés avec la France, et qui doivent être abrogés. De quel droit les Bouteflika ont-ils prolongé les accords d’Évian ? La fratrie Bouteflika, en signant des accords secrets avec la France, est coupable de haute trahison. Les Bouteflika ont hypothéqué la souveraineté et l’indépendance nationales et ils doivent être jugés ! Ce sont eux la tête d’el issaba. Ce qu’ils ont fait est pire que ce que le peuple algérien peut imaginer et les Algériens ont le droit de savoir. À titre d’exemple, c’est dans ce cadre des accords secrets signés au Val-d-Grâce que certains colons ont récupéré les terres qu’ils avaient possédées jadis en Algérie et les Algériens qui les occupaient se sont retrouvés à la rue. Autre exemple : des milliers d’hectares de terres ont été offerts à des particuliers, dont des Français, pour l’extraction de l’or dans le sud algérien, ou encore le gaz algérien qui a été offert à la France pendant 16 ans, ou bien la préférence donnée à la France pour tous les contrats tels que la gestion de l’eau, du métro d’Alger, de l’aéroport, etc. ainsi que le rôle d’Ali Haddad et des Kouninef auprès du MEDEF, la famille Kouninef étant liée à Israël et, cerise sur le gâteau, Saïd Bouteflika a donné des promesses de normalisation avec Israël. Au moment où j’écris ces lignes, le transfert des devises et la fuite des capitaux se déroulent en toute tranquillité, notamment vers la France. Le pillage continue. Cela explique le fait que la plupart des Bouteflika et des traîtres qui les entourent ont des biens immobiliers en France. Par ces accords secrets, l’Algérie a sauvé l’économie française. Bouteflika a donné de l’argent à Sarkozy qui n’a rien rendu en échange, sous Hollande, c’étaient les contrats, et ça continue sous Macron. Autre preuves de trahison avec les Américains, cette fois : qui a donné le droit à Ould Kaddour de signer des contrats avec Chevron concernant les forages de gaz de schiste ? Et quid de la nouvelle loi des hydrocarbures pondue par un cabinet américain qui doit être appliquée en 2019 ? C’est tout à fait illégal et il faut que ces contrats et ces lois faits par el Issaba soient déclarés caducs et non avenus parce qu’ils sont le produit d’un pouvoir illégitime. L’armée doit intervenir et arrêter ces individus, ce serait un gage de bonne volonté de la part de Gaïd Salah et cela nous montrerait si le chef d’état-major est réellement du côté du peuple face à el issaba. On le voit, les forces anticonstitutionnelles continuent à tirer les ficelles. Il faut démanteler tout ce système par les faits et non pas virtuellement ou par des opérations de com. Il faut juger les coupables pour haute trahison et les pendre haut et court ! C’est le sens de mon combat depuis des années contre la fratrie Bouteflika. C’est que nous, les patriotes, nous avançons avec le cœur comme les vainqueurs et nous ne tournons pas le cul comme les vaincus.
Gaïd Salah, vous les avez traités d’el issaba, que font-ils aujourd’hui à la tête des secteurs sensibles ? Il faut écouter le peuple et aller vers le changement, sinon cela va se radicaliser et l’impasse va se perpétuer et donner naissance à une crise majeure sans issue. Il y va de l’intérêt de l’Algérie. Le monde nous regarde. S’il n’y avait pas ce grand peuple, la horde sauvage nous aurait ramenés vers l’implosion. Gaïd Salah ne peut pas continuer à « mardiriser » en faisant ses communiqués du mardi lorsqu’il est en déplacement dans une région militaire, et le peuple ne peut pas non plus « vendrediriser » ad vitam aeternam avec des manifs tous les vendredis sans plus de résultat. C’est le peuple qui protège le pays et son armée, et vice-versa. L’ANP est l’armée du peuple et elle doit trouver une solution politique à cette crise, et le peuple doit faire corps avec son armée et déjouer tous les plans machiavéliques qui veulent une confrontation entre le peuple et son armée. C’est autour de ces deux facteurs que l’on arrivera à consolider la nation algérienne : peuple et armée. Seuls comptent ces deux éléments dans l’équation algérienne, le reste est insignifiant. En attendant d’avoir des représentants dignes de ce nom, le peuple continuera sa lutte de tous les vendredis en s’adressant à son armée. Le peuple algérien a choisi son destin et il décide de son avenir. Toute légitimité vient du peuple. C’est LUI la Constitution.
Mohsen Abdelmoumen
Reçu de Mohsen Abdelmoumen pour publication
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Source : Mohsen Abdelmoumen
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