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30 décembre 2024

Lettre ouverte à son excellence Monsieur Joan Ping, Président en exercice de La Commission de l’Union africaine par Gilbert NKAMETO


Lettre ouverte à son excellence Monsieur Joan Ping, Président en exercice de la Commission de l’Union africaine Par Gilbert NKAMETO

Tripoli, 02 septembre 2011

Gilbert NKAMTO

– Secrétaire général du Mouvement Démocratique Panafricain pour la Renaissance (MDPR)

– Co-Fondateur de Synergie Jeunesse Afrique

– Membre partenaire du Réseau RAPAD-CEMAC

– Coordinateur de la Commission d’Enquête Non-Gouvernementale sur la Crise actuelle en Libye.

Monsieur le Président;

Je viens par la présente lettre vous exprimer, en tant qu’Africain soucieux du devenir de l’Afrique, mon indignation quant à votre politique au sein de la Commission de l’Union africaine. Cette indignation fait référence à votre gestion des deux crises majeures de ces derniers mois auxquelles votre commission a eu à faire face, la première la crise en Côte d’Ivoire et la seconde, en Libye qui se sont traduites par des assassinats de masse, la déshumanisation des individus africains, de violentes répressions, de graves violations des droit de l’homme ainsi que l’humiliation flagrante d’un chef d’Etat Africain et son épouse, des personnes avec qui vous aviez des relations fortes.

Je voudrais avant de porter mes observations sur votre politique, revenir sur mon rêve africain mon rêve pour l’Afrique, mon rêve d’être fier d’être noir comme je suis, dans ma peau et heureux de vivre et souffrir sur mon continent ; ce rêve, depuis votre gestion des crises sus-citées, je le vois brisé.

Le lancement de la création de l’Union Africaine à Syrte le 9 septembre 1999 était pour moi le début du rêve africain. Je me suis dit, voila enfin, l’Afrique va se libérer du joug de la colonisation et de l’humiliation inimaginable dont elle fait l’objet par les puissances impérialistes. C’était pour moi aussi, le rêve de la fin du folklore africain auquel donnaient lieu les rencontres de l’OUA animées par les administrateurs africains de la France en Afrique. Je pensais avec mes amis des mouvements de la jeunesse africaine déjà à une organisation décolonisée, forte et propre à réaliser l’union entre les peuples du nord, du sud, de l’est et de l’ouest de l’Afrique pour une ouverture réelle du continent sur le monde, pas par des images pathétiques de la misère, de la disette et des maladies sulfureuses mais par son poids économique et sa bonne gestion des ressources naturelles, pour satisfaire le rêve de toute notre génération, celles qui nous ont précédées et de celles à venir et, faire aussi que nous soyons heureux, contents, fiers d’appartenir à l’Afrique comme nos frères et sœurs d’Europe, du Canada, des Amériques et d’Asie.

Je rêvais de voir enfin cesser la mort volontaire de mes frères et sœurs qui tentent à longueur d’année l’aventure de la traversée de la méditerranée pour une vie meilleure en Europe et se donnent en repas aux requins. Je ne suis pas resté à ce stade j’ai œuvré et milité pour la renaissance africaine et l’un de mes combats fut la Charte de la Jeunesse Africaine dont j’ai avec mes amis de la jeunesse africaine jeté les bases à Bamako au Mali en 2005. Cette œuvre de base de la jeunesse africaine traine aujourd’hui dans les administrations africaines sans effets réels, peut-être en document de bibliothèque.

Pour être honnête, monsieur le Président, depuis votre arrivée à la tête de l’Union africaine, tous mes amis combattants pour une Afrique unie se sont mis en retrait et ont perdu l’enthousiasme qui les portait avec votre prédécesseur. J’ai résisté, je suis resté sur les lignes à espérer que vous combleriez nos attentes avec votre esprit de grand diplomate, de visionnaire, d’homme à actions lentes mais à grands effets. Aujourd’hui, je rejoins le camp de mes amis qui ont quitté le bateau au même moment que le Président Alpha Omar Konaré. La crise en Côte d’Ivoire et puis en Libye me laissent à penser que votre agenda et celui de l’Afrique sont opposés.

Monsieur le Président ;

Prouvez à l’Afrique que vous avez des bonnes intentions et que celles-ci sont réelles. Dites-nous que les Etats-Unis d’Afrique c’est pour demain. Dites-nous que nous sommes prêts pour la monnaie unique africaine, pour une armée africaine, un parlement réel africain, pour une identité unique en Afrique, la circulation des personnes et des biens du nord au sud de l’est à l’ouest. Donnez-nous des perspectives. Expliquez-nous pourquoi nos frères et sœurs sont morts en Côte d’Ivoire, dites-nous où sont passés le Président Laurent Gbagbo et son épouse. Parlez aux peuples d’Afrique, évoquez leur leur futur, faites-les rêver, dites-leur où vous entendez aboutir au terme de votre mandat et expliquez-leur pourquoi tous ces morts en Côte d’Ivoire, en Libye et ce que vous faites pour eux. J’ai des soucis immenses, des questions qui m’assaillent et je voudrais que vous me donniez satisfaction et par-là, à toute la jeunesse africaine.

Monsieur le Président ;

Vous revenez de Paris où vous avez participé au sommet du Groupe de contact sur la Libye aux côtés du Président Sarkozy et tous ceux qui bombardent la Libye, donc l’Afrique. Vous vous êtes déclaré satisfait des résultats de la rencontre et au final, vous avez dressé votre bilan à travers votre communiqué de presse par la voie du Conseil de Paix et de Sécurité de l’Union africaine. Vous êtes désormais heureux de recevoir à Addis-Abeba, les membres du CNT, Conseil National de Transition libyen, siégeant à côté des présidents africains et des dignes fils de l’Afrique comme Robert Mugabe. Vous êtes très satisfait !

La Commission de l’Union africaine est vraiment dans une impasse. Elle ne sait même plus ce qu’elle veut vraiment. Elle n’a même plus d’horizon. Elle semble être à l’image de l’OUA.

Au demeurant, le Président de l’Union Africaine a totalement oublié qu’il s’était opposé à se rendre à Paris au mois de Mars 2011 lors de la première réunion de Paris qui a jeté les bases de la destruction de la Libye souveraine.

Quelques jours après les pluies de bombes qui se sont abattues du 19 au 22 mars 2011 détruisant tout l’arsenal de défense de la Libye et tuant des centaines d’innocents civils, le Comité ad hoc de Haut niveau de l’Union africaine dont fait partie Monsieur Jean Ping, Président de l’Union africaine, a été interdit de survoler l’espace aérien libyen par ce groupe de contact sur la Libye dirigé par la France, pour rencontrer leur homologue Kadhafi pour discuter de la mise en œuvre de la feuille de route de l’Union africaine. Les Africains, nos Chefs d’Etat en exercice, sont interdits de survoler leur propre espace aérien, sur leur continent…

Quelques semaines après, ce comité ad hoc a reçu l’autorisation minutée du Groupe de contact sur la Libye pour visiter la Libye et présenter sa feuille de route aux deux parties en conflit. Monsieur le Président, souvenez-vous de votre communiqué, vous avez exprimé votre assurance sur la position de la Libye et de votre ami Kadhafi de respecter la feuille de route de l’UA et de se mettre à l’écart de toute discussion et de l’autre côté, vous avez exprimé votre regret.

En effet, le regret était le langage diplomatique mais vous n’avez pas exprimé votre colère sur la façon dont vous avez été brutalisés à l’aéroport de Benghazi lorsque les renégats du CNT vous ont traité de nègres et que si vous tardiez sur leur sol, ils devaient en découdre avec vous comme ils l’ont fait dès le début de leur soi-disant révolution en égorgeant en pleine rue des Noirs comme vous. Sur les images des chaines de télévision, nous avons assisté au lynchage de votre véhicule par ces racistes, islamophobes et criminels de Benghazi donc du CNT.

Vous vous êtes opposés avec votre commission depuis le mois février 2011 à toute intervention extérieure en Libye. Vous avez martelé à multiples reprises que la Libye était sur le sol africain et que c’était à l’UA de régler la crise libyenne. Les rencontres d’Addis-Abeba du 10 mars 2011, de Malabo du 30 juin 2011 confirment les positions régulières prises par l’UA et tous les Chefs d’Etat africain.

Avez-vous été une seule fois, entendu?

La supra-organisation africaine a été humiliée par la petite Ligue arabe et c’est sa décision qui a eu gain de cause et la Libye est passée de No Fly Zone, en champ de bataille et de ruines et, aujourd’hui la Libye est orientée dans une guerre durable dont les conséquences peuvent s’étendre dans les mois et années à venir à toute l’Afrique et le cycle infernal de la colonisation va reprendre. Que diriez-vous de votre bilan de passage à l’Union africaine ? Que c’est vous qui avez libéré la Libye ? Au même titre que la Côte d’Ivoire des dictateurs sanguinaires comme le peignent les génocidaires de notre continent que sont la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Italie et les Etats-Unis d’Amérique qui n’ont pas toujours demandé pardon pour les millions de nos frères et sœurs, de nos grands-parents et aïeux qu’ils ont décimés et contraints à l’exil ?

Votre désir actuel de vouloir engager un processus de reconnaissance du CNT au sein de l’UA par les Etats membres de l’Union africaine est un déni de justice pour les victimes libyennes, étrangères et Africaines, immolées sur le sol libyen dans une guerre internationale lancée par les pays impérialistes qui préservent leurs intérêts sur l’Afrique. Une guerre que vous auriez pu éviter en mettant en valeur l’Afrique, votre organisation, en imposant aux Etats membres de l’UA siégeant comme membres non permanent au Conseil de sécurité de s’abstenir de tout vote contre un pays africain quel que soit le sujet comme les pays permanents qui y siègent le font entre eux.

Vous voulez ignorer que ces gens du CNT ont ruiné la vie de milliers africains, d’enfants et de femmes qui vivaient en paix en Libye depuis plus de trois décennies, qui n’ont eu pour vrai pays que la Libye et qui du jour au lendemain, se retrouvent sans repères.

Voulez-vous ignorer que ces renégats et clowns Libyens affichés par monsieur Sarkozy viennent de commettre un génocide sur nos frères et sœurs libyens, noirs libyens et sub-sahariens que vous avez rencontrés pendant cette crise lors de vos précédents séjours en Libye, à Bab el Aziziya la demeure du Guide libyen en les traitant de mercenaires de Kadhafi.

Voulez-vous ignorer que vous devez en tant que premier africain, leur demander des comptes et lancer une enquête sur les disparus libyens et étrangers ?

Avez-vous oublié Kadhafi celui que vous disiez être votre ami, que vous consultiez à tout bout de champs sur les questions africaines ? Avez-vous oublié tout le soutien qu’il a apporté à votre candidature à la tête de l’UA ? N’avez-vous point le sentiment de l’avoir poignardé dans le dos comme l’a déjà fait l’un de ses amis président de l’UA…

Où est passé le rapport de la Commission d’Enquête conjointe Union africaine et du Parlement africain que j’ai personnellement reçue dans mon bureau à Tripoli ?

Sur quelle base l’UA pourrait-elle se fonder pour recevoir le CNT à Addis-Ababa… élu par le peuple libyen ? Une émanation du peuple libyen ? Et la feuille de route de l’Union africaine, où est-elle ?

Monsieur le Président, quelle histoire voulez-vous laisser à la postérité africaine ?

L’Afrique va très mal. Et la Commission de l’Union africaine semble ignorer qu’elle doit rendre des comptes aux peuples africains sur ses actions. L’Union africaine n’est pas seulement pour les Chefs d’Etat africain, elle appartient à tous les africains, à tous ceux déportés de gré ou de force que vous avez reconnus au sein de la 6 ème région d’Afrique. A nous tous, vous devez des comptes. Aussi longtemps que vous nous ignorerez, nous jetterons les bases d’une nouvelle Afrique différente de celle que vous percevez mais conforme à celle que nous, Africains de l’intérieur et de l’extérieur, percevons. Nous voulons la liberté, la décolonisation, le retrait de l’Afrique des organisations internationales qui ne nous honorent pas, qui ne nous reconnaissent pas, qui nous méprisent. Nous refusons toute subvention extérieure et nous voulons l’Afrique pour nous Africains.

La jeunesse africaine dont je fais partie vous demande de lancer un forum de discussion sur le site de l’organisation pour donner une tribune libre aux Africains de toutes couches confondues. Nous vous demandons de sortir des arcannes de l’administration pour être plus près de nous. Ne méconnaissez pas notre silence car notre prochaine révolution ne sera pas annoncée.

Vous souhaitant bonne réception, je vous prie de recevoir, Monsieur le Président, l’assurance de ma considération hautement respectueuse.

Gilbert NKAMTO

Tripoli-Libye

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