L’Afrique du Cap à Alger par Ahmed Halfaoui
9 décembre 2011
L’Afrique du Cap à Alger
Colonisée, déstructurée, asservie, saignée dans ses enfants, l’Afrique n’en finit pas de panser ses plaies. Bien sûr, qu’elle est indépendante et qu’elle est souveraine, selon le droit international. Elle a même le devoir de garder ses forces vives chez elle, pour les empêcher d’aller polluer de leur présence les équilibres sociaux de l’Europe.
Cette Europe qui s’est construite en lui suçant sa sève et en tuant sa terre. Cette terre dévoyée, torturée, vidée de sa biodiversité, au profit des cultures industrielles du capital colonial. Ce capital colonial qui a exporté durant des siècles ses richesses vers sa métropole insatiable.
L’Afrique exsangue, ne retient plus sa progéniture, alors obligée d’aller chercher la vie dans ces pays qui la lui ont ravie. Mais, l’Europe ne veut d’elle. Elle veut profiter seule de cette opulence qu’elle doit, pour beaucoup, à la vampirisation du continent noir, qu’elle continue de pressurer, de paralyser et de miner dans ses fondements.
Les pays d’Afrique du Nord sont chargés d’endiguer la prétendue invasion migratoire et ils s’y attellent avec zèle.
L’Etat algérien vient de procéder au jugement expéditif de plus d’une centaine de migrants «subsahariens» et de décider de les expulser, dans des conditions qui font rougir de honte ceux qui sont toujours attachés aux idéaux de liberté et de justice, et à la fraternité des opprimés née dans le vaste mouvement de libération africain.
Au Maroc, les vedettes de la Marine Royale ont intercepté, mardi dernier, 57 migrants subsahariens à bord d’une embarcation. Deux hauts faits de «la lutte contre l’immigration illégale». Ceux qui échappent aux mailles du filet, finiront au fond de la Méditerranée ou, avec un peu de chance, dans un atelier clandestin ou dans le dénuement et les refuges de fortune, traqués par la police qui protègent la quiétude des nantis.
Plusieurs événements régionaux ont contribué à accentuer le mouvement migratoire des populations subsahariennes vers l’Algérie. Peu importe qu’elles soient les victimes des manœuvres néocoloniales qui déstabilisent et orchestrent les guerres civiles.
La Côte d’Ivoire mise à genoux pour être finalement confiée par l’ONU, sous les ordres de la «communauté internationale», à un président «certifié» faisait travailler un million de ressortissants de ses voisins. Il va sans dire qu’elle ne peut plus faire travailler ses propres citoyens.
La Libye accueillait des millions d’Africains. Grâce à l’OTAN et à sa «révolution», grâce aux massacres qui les ont ciblés, ils ont fui vers leur pays et vers n’importe où, pour retomber dans la misère.
Au Soudan, avec les bons offices des Occidentaux, les foules de migrants ont dû aussi partir à la recherche d’une terre plus clémente. Et puis on les nomme les «subsahariens» pour les distinguer, à première vue, d’on ne sait quels autres Africains.
Ce terme, anodin en apparence, qui permet dans le même temps de les caractériser différemment et d’en faire une catégorie à part, a fini par prendre une signification particulière, chargée de sens. Il aurait été plus simple d’utiliser le nom de leurs pays ou de leurs territoires différenciés. Ce n’est pas le cas. Le terme est devenu générique et fort commode. Un jour, pourtant, il n’y aura plus que des Africains du Cap à Alger.
Par Ahmed Halfaoui