L’autre face de l’AKP par Ahmed Halfaoui
17 décembre 2011
http://www.lesdebats.com/editions/151211/les%20debats.htm
L’autre face de l’AKP
Il suffisait d’être un peu plus perspicace pour comprendre la signification de ce nouveau module politique souhaité pour les «printaniers». Les promoteurs de l’AKP ne sont pas aussi bêtes qu’on a pu le penser, ils savent bien que les Arabes et assimilés ne sont pas des Turcs, que leur Histoire n’est pas comparable à celle de la Turquie et que leurs sociétés ont une configuration très différente de celle qu’ont produite l’Empire Ottoman et Mustapha Kamel Atatürk. Il fallait donc chercher ailleurs l’engouement pour le parti de Recep Tayyip Erdogan. Cet islamiste qui sort de l’ordinaire, qui piaffe aux portes de l’Europe et qui est devenu le modèle auquel doivent ressembler les chouyoukhs candidats au pouvoir dans leurs pays.
Dans un entretien avec le quotidien britannique Financial Times, le chef des Frères musulmans, Youssef Al Qaradhaoui, a exprimé son admiration pour le modèle turc, et a assuré que les pays dont ses partisans ont pris la tête vont traiter avec l’Occident et «Israël». On ne se cache plus.
Le Marocain a annoncé la couleur en donnant le nom de l’AKP (Adalet ve Kalkinma Partisi, Parti de la justice et du développement) à sa formation. La bande de Benghazi a fait une profession de foi en ce sens. Ennahda joue la même partition dans son discours. Les islamistes Algériens se soumettent à la question des chancelleries occidentales où ils doivent promettre pas mal de reniements, sur pas mal de questions et recevoir pas mal d’instructions sur pas mal d’autres et l’un d’entre eux Abdallah Djaballah, a aussi mimé le nom de l’AKP en dénommant son parti «Front pour la justice et le développement».
Comme en Tunisie, ils peuvent lâcher leurs troupes pour traquer l’impiété et les manquements aux préceptes divins, comme en Libye, ils peuvent ériger la Charia en loi fondamentale, comme en Egypte ils pourront ostraciser les Coptes. L’essentiel sera qu’ils se fondent dans le moule de l’AKP pour ce qui est de plus fondamental.
Ils doivent oublier leur principal fonds de commerce, l’agressivité contre Israël. Ils doivent reconsidérer leur attitude à l’égard de l’Occident infidèle et prévaricateur.
Ils doivent, enfin, se soumettre à toutes les lignes de gouvernance qu’Erdogan est en train de suivre, scrupuleusement, dans le seul intérêt du bloc occidental. Alors, ils seront les alter egos de l’AKP.
On pourra voir les sionistes ouvrir des ambassades, les Palestiniens appelés à coopérer avec l’occupant, les bases militaires s’installer sur les territoires et l’OTAN renforcée par des adhésions ou des allégeances que ne permettait pas l’islamisme traditionnel.
Le seul problème qui se posera se trouve, justement, dans le fait que les Arabes et assimilés ne sont pas des Turcs. Il ne suffira pas que leurs islamistes adoptent le costume et les manières de l’AKP. Car, les Arabes et assimilés n’ont pas la prétention d’être Européens et ont un vécu particulier, surtout quand ils sont islamistes.
Il faudra des tonnes de rhétorique pour inverser la tendance et les convaincre du contraire de l’épaisse argumentation qui les a convaincus que les juifs agglomérés et la Chrétienté avec ses athées, ses iconoclastes, ses féministes… sont en guerre contre l’Islam, qu’ils sont responsables de ce qui arrive aux filles musulmanes en termes de «tenues dénudées», «d’effronterie» et de «dévergondage», qu’ils sont aussi responsables de l’abandon des traditions islamiques en général, dans le cadre d’une offensive faite de sournoiserie et de séduction. Un travail qui doit s’ajouter à un autre.
Celui qui, une fois au pouvoir, sera de prouver que c’est bien la «mise à l’écart de la religion» qui est la cause du sous-développement, de la pauvreté et de tous les maux sociaux. Avec d’autres peuples que les Turcs et sans les moyens de la Turquie.
Par Ahmed Halfaoui