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26 avril 2024

Omrane Shaaban, le défunt héros de la nouvelle Libye


LE MONDE |

Par Benjamin Barthe

Dans les sables de Libye, là où il repose depuis bientôt un an, Mouammar Kadhafi a dû esquisser l’un de ses sourires « mauvais » qui glaçaient ses interlocuteurs. Car mardi 25 septembre, l’un des rebelles qui avait contribué à sa capture, Omrane Shaaban, l’a rejoint six pieds sous terre. Ce jeune Libyen de 22 ans a été inhumé à l’issue d’une gigantesque prière organisée à Misrata, sa ville natale, une place forte de l’insurrection contre le despote halluciné de Tripoli.

Quelque 10 000 personnes ont assisté aux obsèques d'Omrane Shabaane, le 25 septembre, à Misrata.
Quelque 10 000 personnes ont assisté aux obsèques d’Omrane Shabaane, le 25 septembre, à Misrata. | ANIS MILI/REUTERS

Près de 10 000 habitants, massés sur la pelouse du stade municipal, se sont prosternés devant sa dépouille, enveloppée dans le drapeau libyen. Consacré martyr de la patrie, Omrane Shaaban était décédé la veille, dans un hôpital parisien, où il avait été transféré en urgence à la mi-septembre, après avoir passé deux mois dans les geôles de Bani Walid, une ville au sud de Misrata tenue par des nostalgiques du colonel Kadhafi.

Le jeune homme, ingénieur de formation, y avait été kidnappé en juillet, alors qu’il participait, au sein de la brigade Deraa Libya, une milice rattachée au ministère de la défense, à une opération destinée à libérer des journalistes de Misrata, précédemment capturés.

Blessé par balle dans un accrochage avec des miliciens de Bani Walid, visiblement torturé par ses ravisseurs, Omrane Shaaban n’avait plus que « la peau sur les os », selon ses parents, quand Mohamed Megarief, le président du Parlement libyen, avait obtenu sa libération, le 13 septembre.

Le jeune rebelle devait sa célébrité aux photos et aux vidéos qui l’avaient montré en train d’arrêter un Kadhafi aux abois, le visage hagard et ensanglanté, le 20 octobre, à proximité d’une canalisation, en lisière de la ville de Syrte.

IL A DÉSARMÉ  KADHAFI, LUI CONFISQUANT SON PISTOLET EN OR

Avec quelques compagnons d’armes, Omrane Shaaban avait appris qu’une cinquantaine de véhicules tentaient de fuir la ville, alors assiégée par les rebelles. Ils s’étaient lancés à la poursuite du convoi, qui devait entre-temps être bombardé par les forces de l’OTAN engagées aux côtés des insurgés.

Les rescapés, dont le Guide et quelques-unes de ses gardes du corps, avaient tenté de se cacher dans un tuyau de béton. « L’un d’eux a agité le drapeau blanc, avait raconté Omrane Shaaban, au quotidien espagnol El Pais. Il nous disait que son chef est ici et qu’il était disposé à se rendre. Mais nous n’avions pas imaginé une seconde que ce chef en question pouvait être Kadhafi. »

De ce groupe de thuwar (rebelles) chanceux, l’histoire a retenu qu’Omrane Shaaban est celui qui a désarmé Mouammar Kadhafi, lui confisquant son fameux pistolet en or. Le dictateur libyen décéda peu après, probablement sous les coups de combattants de Misrata, où son corps fut exposé pendant plusieurs jours.

La mort d’Omrane Shaaban pourrait rouvrir l’une des plaies mal refermées de la nouvelle Libye : l’antagonisme entre Bani Walid et Misrata. Les combattants de cette dernière menacent de se faire justice si les autorités n’arrêtent pas au plus vite les meurtriers du nouveau héros libyen.

Benjamin Barthe

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