Petit vent de panique en Israël après la signature de l’accord intérimaire sur le nucléaire iranien : le blocage français est sans lendemain et les Étasuniens font ce qu’ils veulent. Même si les Israéliens vont tout faire pour rattraper le coup et mobiliser leurs lobbies, c’est une première. L’évaluation de la possibilité d’un accord n’est pas passée par le prisme israélien, c’est indéniablement un échec pour Netanyahu.
Aux États-Unis, le poids du lobby israélien n’a pas empêché, en 2006, deux professeurs de sciences politiques, John J.Mearsheimer et Stephen M.Walt, de faire des constats sacrilèges. A savoir que la politique étasunienne au Moyen-Orient n’est basée ni sur des intérêts stratégiques, ni justifiée par des impératifs moraux, mais qu’elle est très largement influencée par les activités du lobby israélien. Les deux professeurs ont bien entendu été étripés mais ils ont survécu, le droit à l’expression étant plus protégé aux États-Unis qu’en Europe. Ces deux professeurs avaient osé dire que le lobby israélien a réussi à mener la politique étrangère de leur pays aussi « loin de ce que l’intérêt national recommanderait, tout en réussissant à convaincre les Étasuniens que les intérêts des États-Unis et d’Israël sont à peu près identiques ».
Il n’est pas certain que les idées des deux professeurs sont devenues celles de la Maison Blanche. De manière prosaïque, on peut lier cette décision de déplaire à Tel-Aviv au fait que Barack Obama est en deuxième mandat et n’a pas de souci de réélection. Ni même le souci de voir Hillary Clinton lui succéder. Sans compter qu’il existe une vraie antipathie entre lui et Benyamin Netanyahou. Ce sont des aspects qui entrent en compte sans être déterminants. L’accord avec l’Iran n’est pas irréversible et il peut être remis en cause. Il suffirait de poser des exigences difficilement acceptables pour la partie iranienne pour y parvenir. C’est pour cela qu’il est prématuré de parler d’échec israélien – ou saoudien – à maintenir Washington dans une ligne d’hostilité totale à l’égard de Téhéran.
Il n’en reste pas moins qu’en allant à l’encontre des désirs israéliens, Barack Obama a signifié, pour la première fois depuis qu’il est arrivé au pouvoir, que la politique des néoconservateurs au Moyen-Orient n’est pas inscrite dans le marbre. Très décevant sur le dossier palestinien où il a été obligé de reculer sur la question de la colonisation, Barack Obama esquisse une petite inflexion qui va dans le sens de sa vision proclamée. Plus l’Iran est intégré dans le jeu et plus il est possible de le « modérer » et de lui faire jouer un rôle positif. Et il y a aussi le constat, pas nouveau, qu’une attaque éventuelle des sites nucléaires iraniens serait totalement contre-productive. Il est désormais impossible de « balayer » le savoir-faire iranien. Il faut donc conclure un accord avec les Iraniens.
Ce sont des idées qui n’ont rien d’extraordinaire en soi, certains pourraient dire qu’elles sont une évidence, l’expression même du réalisme. Mais la politique des États-Unis passant totalement par le prisme israélien, le réalisme n’avait pas de droit de cité. Cette petite « inflexion » de la politique à l’égard de l’Iran est probablement à mettre en rapport avec l’autonomie énergétique des États-Unis qui fait perdre, peu à peu, au Moyen-Orient son caractère stratégique. Du moins au plan de l’énergie qui est centrale dans la politique des États-Unis. La panique des dirigeants saoudiens à l’égard de cette politique américaine en est un indice.