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25 avril 2024

La Libye, pour ceux qui n’ont pas compris


La Libye, pour ceux qui n’ont pas compris

HuffPost Maghreb | Par Sandro Lutyens Publication: 07/02/2014 19h57 CET

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Rien ne va plus. Alors que le Premier ministre libyen Ali Zeidan veut croire que « l’État se construit », il admet dans un même souffle « le règne de la destruction et du terrorisme ».

Pas plus tard qu’hier, jeudi 6 février, le quartier général de l’armée libyenne à Tripoli a été attaqué par des « hommes armés inconnus », repoussés par les gardes. Dernier en date d’une succession d’évènements violents, l’attaque passerait presque inaperçue.

L’actualité libyenne semble de plus en plus échapper autant aux autorités qu’aux experts. Séance de rattrapage pour ceux qui n’ont rien compris.

Assassinats, attentats, enlèvement: Pas facile d’être politicien en Libye

Deux personnalités politiques tunisiennes, dont un député, ont été assassinées en 2013. En Libye, de telles tragédies font partie du quotidien.

JeuneAfrique dresse un constat accablant:

« Chaque semaine, ministres et députés sont la cible d’enlèvements à Tripoli. Chaque jour, des assassinats sont commandités ».

Le vice-ministre de l’Industrie Hassan al-Droui a ainsi été tué par balle dans sa ville originaire de Syrte, bastion kadhafiste historique, dans la nuit du 11 au 12 janvier.

Un mois plus tôt, Fethallah al-Gaziri, fraîchement intronisé chef des services de renseignement de Benghazi, était tué à Derna. L’AFP notait alors que les assassinats visant les autorités ou les médias avaient fait plus de 300 morts en quelques mois dans les seules municipalités de Benghazi et de Derna. Les coupables sont rarement identifiés.

La palme du grotesque revient cependant à l’enlèvement début octobre du Premier ministre Ali Zeidan. Embarqué de force par des milices pourtant annexées au gouvernement, il est emmené au ministère de l’Intérieur, puis libéré. Comme une parabole d’un chaos politique où plusieurs parties tirent sur une même corde bien fragile.

Jeux de pouvoir

L’échiquier politique libyen est à l’image de la société: morcelé entre tribus. Au sein du gouvernement comme du Conseil général national (le Parlement), des blocs se sont formés, dont les deux plus gros sont affiliés d’un côté au Premier ministre Zeidan et de l’autre à une coalition opposé à sa permanence en poste, dont les Frères musulmans du PJC. Ali Zeidan met toute son énergie aux négociations avec les acteurs cruciaux: les milices pour la force et les tribus pour l’autorité.

« Zeidan renouvelle la stratégie clientéliste du régime précédent en faisant des compromis avec tribus et milices… Le problème, c’est que ça ne fonctionne plus », déplore un membre de son cabinet sur Jeune Afrique.

« Il conduit un train dont il essaie de poser les rails en même temps. Et, finalement, il ne fait ni l’un ni l’autre. »

En décembre, les députés votent l’extension du mandat du Parlement. Arrivant à échéance en février, il courra finalement jusqu’en décembre.

Anecdote: Un député libyen touche un salaire d’environ 11,000 dinars libyens, soit environ 14,000 dinars tunisiens, contre 2,300 pour leurs homologues de l’ANC tunisienne.

Un mois plus tard, les islamistes du PJC échouent à obtenir le retrait de confiance au gouvernement. Ils retirent leurs cinq ministres en janvier 2014, dans un bras de fer avec le Premier ministre. Ayant « échoué dans les principaux dossiers de la période de transition », le gouvernement ne serait pas capable « d’amener le pays à bon port ».

Mais Ali Zeidan s’accroche au pouvoir.

Parce que les « centres de pouvoirs privilégient leurs intérêts par-dessus ceux du collectif », la politique des blocs « menace de faire dérailler la transition », affirme Karim Mezran de l’Atlantic Council.

Le Sud inquiète le « Nord »

Depuis la chute de Kadhafi en 2011, le Sud libyen s’est progressivement transformé en zone d’insécurité régionale.

Une « opération internationale avec l’accord des autorités libyennes » serait utile dans ce « nouveau centre de gravité du terrorisme », affirmait il y a peu l’ancien chef d’Etat-major des armées françaises Edouard Guillaud (information Le Point).

« Le besoin d’une intervention est avéré », confirme Vincent Desportes, professeur de stratégie à Sciences Po et HEC dans Le Point. Avant de préciser que son « déclenchement » est en revanche « impensable ».

Pas assez d’argent côté français, pas assez d’engagement de la communauté internationale.

Les conflits entre tribus, l’arrivée de groupes affiliés à Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) et, dernièrement, le retour en force de partisans de Kadhafi sont, selon le spécialiste Mathieu Guidère, parmis les principales causes de l’instabilité du Sud. Tribus, AQMI et Kadhafistes commencent à former des alliances hétéroclites et s’entremêlent de plus en plus.

L’économie, dernier maillon de la chaîne

Pays pétrolier (plus de la moitié de son PIB), la Libye doit faire face au défi que lui pose certaines tribus.

Plusieurs puits de pétrole ont été monopolisés par des chefs locaux. Les terminaux pétroliers de Cyrénaïque sont aujourd’hui sous le contrôle du jeune chef de milice Ibrahim al-Jadhran, qui bénéficie du soutien des tribus.

Selon Jeune Afrique, la manoeuvre aurait déjà provoqué des pertes à hauteur de 10 milliards de dollars pour l’Etat en six mois.

A court de liquidités, la Libye poursuit aujourd’hui en justice la société financière Goldman Sachs, qui aurait « délibérément mis à profit » l’inexpérience des responsables libyens dans le monde de l’investissement. la Libye affirme y avoir perdu un milliard de dollars.

« La vie, c’est rire une année pour en pleurer dix. », dit un proverbe libyen. Combien d’années reste-t-il à pleurer en Libye?

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