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26 avril 2024

Jusqu’en 1982, on a « déporté » en métropole des petits Réunionnais enfants-de-la-reunion


Jusqu’en 1982, on a « déporté » en métropole des petits Réunionnais
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Le 18 février 2014

Que la France des années 60 ait cru qu’elle offrait le paradis aux petits Réunionnais, faisons semblant nous aussi d’y croire.

La France des beaux quartiers, celle qui prospère au chaud des crises et plus encore sous les lambris ministériels, s’émeut aujourd’hui lorsqu’on exile une Leonarda vers ses origines clandestines. Il ne faut pas couper les enfants de leur école, de leurs copains, encore moins de leur famille ; il faut même travailler le pays au corps pour qu’il s’adapte à ces cultures exotiques qui nous arrivent par vagues. La France doit être un berceau confortable pour les déracinés.

Choisie ou subie, c’est ce qu’on appelle la politique d’immigration. Laquelle, il faut le dire, a emprunté d’étranges détours. Y compris « intérieurs ». Ainsi sera évoqué mardi devant l’Assemblée un drame national jusqu’ici bien planqué sous l’épais tapis rouge de la République : celui des enfants déportés de l’île de La Réunion vers les départements ruraux de la métropole.

Le XIXe siècle triomphant avait connu les glorieux « maçons de la Creuse » montant à la capitale pour construire le Paris d’Haussmann. La seconde moitié du XXe siècle, elle, a vu déferler les « Réunionnais de la Creuse ». De 1960 à 1982, 1.615 petits Réunionnais – nourrissons et enfants en bas âge – auront ainsi été enlevés à leur île pour « repeupler » nos campagnes en voie de désertification, principalement dans la Creuse. Certains, parmi eux, ont eu de la chance, ont atterri dans des familles d’accueil réellement accueillantes, ont été adoptés ; d’autres, nettement moins. Ceux-là se retrouvent attelés aux travaux de la ferme, fournissent « une toute jeune main-d’œuvre gratuite et corvéable » dans les commerces, les petites entreprises et même les chantiers. S’ensuivent les fugues, la petite délinquance et les froids hivers sur le trimard. Pour certains, le suicide.

On avait pourtant promis le paradis à ces pauvres gamins : « Votre enfant sera docteur et il verra la tour Eiffel », disait-on aux parents. Qui signaient pour l’exil. Adieu les eaux chaudes de l’océan Indien, les cirques et leurs cascades, le pas de la Lune et le piton de la Fournaise. Mais les enfants ne sont pas devenus docteurs et n’ont pas vu la tour Eiffel. Surtout, ils ne sont jamais retournés sur leur île, n’ont jamais revu leur famille, pour beaucoup d’entre eux n’ont même jamais su qu’elle existait.

Née dans les années 50, l’idée de cette déportation intérieure – La Réunion est un département d’outre-mer depuis 1946 – a trouvé son accomplissement avec Michel Debré. Il craint alors que sur cette île où prospèrent la misère et une démographie galopante ne se fassent jour des velléités indépendantistes. Avec une totale bonne conscience, on va faire d’une pierre deux coups : tuer dans l’œuf le germe de la dissidence et envoyer des bras dans les campagnes qui en manquent. On crée pour cela le BUMIDOM (Bureau pour le développement des migrations dans les départements d’outre-mer) et le CNARM (Comité chargé de l’accueil des Réunionnais en métropole). Au départ, des adultes, puis des enfants, et même des tout-petits. Pour leur bien, c’est vrai : qui pourrait rêver d’autre chose que de la « mère » patrie ?

Que la France des années 60 ait cru qu’elle offrait le paradis aux petits Réunionnais, faisons semblant nous aussi d’y croire. Qu’elle ait persisté dans cette politique de déportation jusqu’en 1982, c’est plus difficile à passer !

Autres temps, autres mœurs, dira-t-on… C’était celui des essais nucléaires de la France dans le Pacifique, sans protection des populations ; celui où les autorités catholiques d’Irlande et l’Espagne arrachaient leurs enfants aux (indignes) mères célibataires pour les offrir – ou les vendre, dans le cas de l’Espagne – à l’adoption…

L’histoire est demeurée taboue jusqu’en 2002 où Jacques Martial, arrivé en Creuse à 7 ans, porte plainte contre l’État français pour « enlèvement, séquestration de mineurs, rafle et déportation ». D’autres, comme lui, cherchent alors à remonter leur histoire et portent plainte. Jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme. Sans suite.

Ce mardi, à l’Assemblée, il n’y aura pas de mise en cause. Seulement la reconnaissance, à la demande de la députée réunionnaise Ericka Bareigts, de faits historiques. Une reconnaissance « nécessaire pour recoudre les cicatrices » et pour faire en sorte « que tout soit mis en œuvre pour permettre aux ex-pupilles de reconstituer leur histoire personnelle ». Acceptons-en l’augu

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