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19 mars 2024

Après un déplacement à Kiev, Bernard-Henri Lévy multiplie les interventions médiatiques sur la violente crise qui secoue l’Ukraine.


Ukraine : lettre ouverte à Bernard-Henri Lévy

Après un déplacement à Kiev, Bernard-Henri Lévy multiplie les interventions médiatiques sur la violente crise qui secoue l’Ukraine.

20 février 2014

Cher Bernard-Henri,

Mon ami de trente ans, te voilà reparti en croisade, cheveux en bataille et verbe haut, pour défendre les gentils manifestants ukrainiens qui se battent contre le méchant président Ianoukovitch, soutenu par l’affreux Poutine. Tu dénonces les crimes de la « soldatesque » de Kiev, raille le manque de détermination des Européens, réclame des sanctions, le boycott temporaire des JO de Sotchi, bref, tu sors ton plus beau costume d’amoureux de la Révolution qui sert partout où tu passes quelques jours, dans quelque contexte politique et géopolitique qu’elle se déroule. Je ne veux pas croire, cher Bernard-Henri, qu’à force de te shooter à l’adrénaline révolutionnaire, tu aies perdu toute distance critique. Je ne suis pas non plus de ceux qui te soupçonnent de faire de ces événements tragiques ton fonds de commerce. Et du coup, je t’avoue que je ne comprends pas du tout cette emphase aveugle qui t’a déjà valu, dans le passé, de terribles déconvenues. Tu as joué un rôle prépondérant, chacun le sait, dans l’engagement de l’armée française en Libye et la chute de Kadhafi. Aujourd’hui, règnent le désordre et la violence dans ce pays pourtant bien doté par la nature, la charia y est devenue la référence, et toi-même, qui t’es tant investi au côté de l’opposition au vilain colonel, tu n’es plus désiré à Tripoli.

Mais revenons à la crise ukrainienne, aux assauts contre le Maïdan dont on a compris qu’il est entré dans ton panthéon sémantique personnel. Parmi les hommes qui sont tombés sur cette vaste Place de l’Indépendance, il y a des manifestants mais aussi des policiers. Au moment où j’écris ces lignes, tu dois savoir que certains ont été capturés par des manifestants. Des membres des unités anti-émeutes qui ne sont pas des anges, loin s’en faut, lancent des grenades assourdissantes et tirent sur les émeutiers à coups de flash-balls mais les manifestants chargent avec les mêmes boucliers qu’eux, essayent de leur fracasser le crâne avec d’énormes pavés, dressent des murs de flammes pour tenir leurs positions. Certaines sources font états de snipers qui tirent sur les flics à balles réelles.

Lorsque l’Ukraine a choisi de ne pas signer d’accord avec l’Europe pour ne pas froisser Moscou, les premiers rassemblements sur le Maïdan semblaient plutôt pacifiques. Les gens demandaient plus de liberté et moins de corruption. Mais actuellement, de la même manière que les printemps arabes ont été instrumentés par les islamistes, ce mouvement a été infiltré par les activistes du parti pro-nazi Svoboda, qui brandissent fièrement leurs drapeaux et leur idéologie ultra nationaliste. Tu ne peux pas dénoncer avec autant de flamme l’inquiétante poussée de l’extrême droite en Europe et faire comme si Svoboda n’existait pas. Idem pour les JO. Tu appelles Jean-Claude Killy et toute la délégation française à quitter Sotchi. Mais défendre un boycott anti-russe quand, dans le même temps, tu critiques avec raison les activités du Bureau du boycott des produits israéliens, le farouchement anti sioniste BDS, ne procède d’aucune logique politique.

Cher Bernard-Henri, le régime ukrainien mérite d’être stigmatisé, incité à lâcher du lest, sortir de l’autoritarisme d’inspiration soviétique. La corruption de tous les gouvernements qui se sont succédés à Kiev depuis la Révolution orange doit cesser. Mais une élection présidentielle est prévue en janvier 2015. Elle pourrait être avancée. Le rôle des Européens, des Etats-Unis, d’intellectuels comme toi est de tout faire pour qu’elle se déroule dans les meilleures conditions possibles. Si le peuple ukrainien décide alors de chasser Ianoukovitch du pouvoir, il le fera de manière démocratique. Et si la majorité de la population, russophone et pour partie russophile, décide finalement de le garder, il faudra faire avec.

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