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23 avril 2024

Irak : l’inertie internationale sur la Syrie responsable de la crise ?


Irak : l’inertie internationale sur la Syrie responsable de la crise ?

Par : AFP
Publié le : 17/06/14

L’ancien émissaire international Lakhdar Brahimi assure que le conflit en Syrie « ne peut pas rester enfermé dans les frontières d’un seul pays ».

L’ancien émissaire international pour la Syrie Lakhdar Brahimi a estimé dans un entretien à l’AFP que l’offensive djihadiste en Irak résultait de l’inertie de la communauté internationale face au conflit qui fait rage en Syrie voisine depuis 2011. « C’est une règle bien connue : un conflit de ce genre (en Syrie) ne peut pas rester enfermé dans les frontières d’un seul pays. Malheureusement on a négligé le problème syrien et on n’a pas aidé à le résoudre. Voilà le résultat », a déclaré dans un entretien téléphonique à l’AFP Lakhdar Brahimi, qui a démissionné en mai après deux ans d’efforts infructueux pour mettre fin à un conflit qui a fait plus de 160 000 morts.

Pour cet ancien médiateur en Irak après l’invasion américano-britannique de 2003, la communauté internationale ne peut pas « être surprise » par l’offensive djihadiste menée en Irak par l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), également l’une des forces les plus importantes en Syrie. Ce groupe, connu pour sa brutalité, s’est emparé en trois jours de la deuxième ville d’Irak, Mossoul, et d’autre vastes zones du nord et du centre du pays. Gravitant le long de la frontière poreuse irako-syrienne, l’EIIL aspire à créer un émirat islamique entre l’Irak et la Syrie.

« Une grosse blessure qui s’est infectée »

« Une personnalité irakienne m’a dit en novembre que l’EIIL était dix fois plus actif en Irak qu’en Syrie. J’ai mentionné cela au Conseil de sécurité et dans mes entretiens », raconte ce diplomate chevronné. Voisin de la Syrie, avec laquelle il partage une longue et poreuse frontière, « l’Irak a été comme une grosse blessure qui s’est infectée » avec le conflit syrien, souligne-t-il.

« Nous n’avons pas le droit d’être surpris, car l’Irak ne s’est jamais vraiment remis de l’invasion américaine de 2003 », analyse Lakhdar Brahimi. « En avril 2004, j’avais dit à Bagdad que tous les ingrédients pour une guerre civile étaient présents (…). En réalité une guerre civile a commencé dès que le régime de Saddam est tombé. Je ne défends pas le régime de Saddam, c’était un régime odieux qui devait tomber, mais la manière dont cela a été fait à travers une invasion n’avait aucune justification. » Désormais, « l’action des djihadistes en Irak se fait avec en arrière-plan la guerre civile entre chiites et sunnites ».

« Des sunnites vont soutenir les djihadistes »

La division confessionnelle en Irak est extrêmement profonde et la communauté sunnite, au pouvoir sous Saddam Hussein, s’estime marginalisée par les autorités dominées par les chiites depuis 2003 et le renversement du régime baasiste. Certains ne voient donc pas d’un mauvais oeil l’arrivée de djihadistes sunnites pour lutter contre ces autorités si décriées.

« Des sunnites vont soutenir les djihadistes, non pas parce qu’ils sont djihadistes, mais parce que l’ennemi de mon ennemi est mon ami », selon Lakhdar Brahimi, qui souligne que cela n’est « dans l’intérêt de personne, certainement pas des sunnites en Irak ».

Interrogé sur la réaction de Washington, qui a déployé un porte-avion dans le Golfe samedi, et celle de Téhéran, qui s’est dit prêt à aider Bagdad sans toutefois intervenir au sol, Lakhdar Brahimi a évoqué une « coopération de facto » entre les deux pays, dont les relations diplomatiques sont gelées depuis la révolution islamique iranienne de 1979. « L’idéal serait que tous les pays de la région, y compris l’Iran, s’assoient ensemble pour dire : nous n’avons pas besoin de guerre civile entre sunnites et chiites et nous devons apprendre à vivre ensemble » a espéré Lakhdar Brahimi.

Enfin, revenant sur sa démission, dont il s’était à l’époque dit « très triste », l’ancien émissaire a martelé qu’il n’existait pas de solution militaire en Syrie. « Le régime syrien qui fait des progrès sur le plan militaire a conclu qu’il va remporter cette victoire décisive, mais je ne suis pas du tout certain que ce soit le cas et plus tôt chacun acceptera de chercher une solution politique mieux cela vaudra », a-t-il dit.

Tony Blair pointe aussi du doigt l’inaction occidentale en Syrie

L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair a rejeté dimanche l’idée que l’actuelle offensive djihadiste en Irak n’aurait pas eu lieu si Saddam Hussein était toujours au pouvoir. Il a estimé que l’inaction occidentale en Syrie était responsable de la crise irakienne.

« Même si Saddam Hussein était resté au pouvoir en 2003, il y aurait ensuite eu 2011 et les révolutions arabes en Tunisie, en Libye, au Yémen, à Bahreïn, en Égypte et en Syrie – et vous auriez (de toute façon) un problème majeur en Irak », a-t-il affirmé sur la BBC. « Vous pouvez voir ce qui se passe lorsque vous laissez les dictateurs en place, comme c’est le cas avec (le président syrien Bachar al-Assad actuellement. Les problèmes ne disparaissent pas », a-t-il ajouté.

« La guerre civile en Syrie, et la désintégration qui l’a accompagnée, a un effet prévisible et pernicieux. L’Irak est maintenant en danger de mort. L’ensemble du Moyen-Orient est menacé », a-t-il affirmé dans un long texte diffusé sur son site internet, appelant à « repenser notre stratégie vis-à-vis de la Syrie ». « Pendant trois ans nous avons regardé la Syrie s’enfoncer dans les ténèbres, mais en plongeant, elle a, lentement, mais sûrement, enroulé ses liens autour de nous et elle nous tire vers le bas avec elle », a-t-il ajouté.

« Préserver l’avenir »

Reconnaissant que les choix qui étaient actuellement à la disposition de la communauté internationale « étaient tous assez repoussants », il a appelé à agir en Syrie, non pas via une nouvelle invasion, mais en « apportant le soutien dont ils ont besoin » aux « éléments modérés et raisonnables de l’opposition syrienne ». « Nous devons mettre de côté les différences du passé et agir maintenant pour préserver l’avenir. Là où les extrémistes se battent, ils doivent être contrés avec fermeté, avec force », a-t-il souhaité.

Il a également condamné l’action du gouvernement du Premier ministre Nouri al-Maliki qui a, selon lui, « étouffé ce qui était une véritable opportunité de construire un Irak uni ».

AFP

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