Sur le parcours des réfugiés de Samos aux portes de l’Europe
25 novembre 2014
Sur le parcours des réfugiés de Samos aux portes de l’Europe
MONDE | Mis à jour le mardi 25 novembre 2014 à 9h33
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Après l’Italie, la Grèce est le deuxième pays le plus touché par l’arrivée de réfugiés en Europe. L’île de Samos voit tous les jours des dizaines de Syriens et d’Afghans tenter de joindre sur ses rivages. Comment les autorités grecques gèrent elles cet afflux ? Que deviennent les réfugiés une fois arrivés sur l’île ? Reportage sur l’île la plus proche de la frontière turque. Au rythme des marées, la vie s’écoule paisiblement à Samos. Le ballet des vols charters s’est interrompu. Les touristes de l’été ont quitté l’île natale de Pythagore. Mais des étrangers arrivent encore tous les jours sur l’île, par la mer, des réfugiés. Evangelos, qui tient un hôtel sur le port, nous confie : « Cela n’arrête jamais, en été comme en hiver. C’est vraiment un drame pour la Grèce car nous sommes en fait la première étape de ce gens dans leur voyage ».
Voir ci-dessous le reportage de Frédéric Gersdorff:
Les réfugiés de Samos
1200 mètres à peine séparent, au point le plus proche, les côtes turques des côtes grecques de Samos. Atteindre cette île, c’est donc arriver en Europe. A la nuit tombée, les migrants s’entassent sur des bateaux pneumatiques, payant leur place plus de 1000 euros à des passeurs. Les gardes-côtes les interceptent. Ils patrouillent nuit et jour.
Nous montons à bord d’une de ces vedettes rapides. Arme, gilet pare balles, les gardes sont sur les dents à la vue de chaque bateau suspect. Depuis 8 ans, Evangelos Karedas surveille ces côtes. Son métier a changé ces derniers mois. « Si nous voyons des gens dans l’eau en danger, nous devons les embarquer. De garde frontière on devient des sauveteurs en mer. Les mafias turques savent cela. Les passeurs disent aux migrants illégaux : quand vous voyez les gardes-côtes grecs, dégonflez le bateau, coulez le et ils le font, tous ».
Se saborder pour ne pas être renvoyé en Turquie
Sur les plages, nous trouvons les traces des ces bateaux éventrés. Des gilets de sauvetage, des vêtements et des médicaments sont ramenés par les vagues. Pourquoi les réfugiés se sabordent ainsi ? Pour éviter que les gardes côtes ne les ramenent directement en Turquie.
Mais beaucoup touchent terre sans être repérés. Ils ne se cachent pas et se remettent d’eux même aux autorités. Ce matin là, sur une petite route, ils sont 6 à être arrêtés. Ils sont Syriens. Direction, le centre pour réfugiés. Sur les hauteurs de Samos, bien à l’écart des sites touristiques. Les policiers grecs nous y emmmènent, dans leur propre véhicule.
Dès notre arrivée, nous comprenons très vite que nous ne sommes pas devant un centre d’acceuil mais bien un centre de détention. Double grillage, barbelés, caméras et gardes armés. Interdiction pour les migrants de sortir et pour nous journalistes, d’entrer. La policière qui nous accompagne nous dira que ce sont les directives pour tout le monde. Personne ne peut entrer. « C’est pour la protection des droits des réfugiés ». Un argument qui a bon dos.
A notre vue, plusieurs migrants nous interpellent. « On est des réfugiés, on veut la liberté ». « Pourquoi on ne peut pas être libéré ? »
Nous revenons plus tard, sans la police. Une trentaine de réfugiés viennent d’arriver. Ils sont fouillés puis renvoyés dans les dortoirs. Le centre a une capacité de 280 places. Cet été, ils étaient plus du double, entassés dans des conditions d’hygiène déplorables. On voit là des adolescents et des enfants. Des bébés de quelques mois sont enfermés sans langes, ni nourriture adaptée.
« Freedom, Freedom »
Le mot passe dans le centre qu’une équipe de télévision étrangère est là. De tous âges et de toutes nationalités, les réfugiés se ruent vers les grilles et crient en notre destination: « Freedom, Freedom ».
Un Afghan de 12 ans, orphelin, nous raconte qu’il est là depuis 3 mois. Une jeune Syrienne de 13 ans nous dit attendre ici avec son petit frère. Pourquoi enfermer ces enfants ? A cette question, le chef de la police que nous rencontrons dans son bureau, ne sait trop que répondre. C’est vrai que ce n’est pas très bien que les enfants soient ainsi enfermés avoue Evangelos Tsirigos, mais nous n’avons pas d’autres possibilités. On fait tout ce que l’on peut pour accélerer leur procédure.
Malgré l’aide de l’Union européenne, la Grèce est débordée par l’afflux de migrants. A Samos, les chiffres explosent sur les quatre dernières années. 332 réfugiés interceptés en 2011, 1280 en 2012, 3386 en 2013 et 7760 cette année (au 31 octobre). Il y a une double explication à cette évolution. D’une part, la frontière terrestre Turquie Grèce est devenue presque infranchissable. Les réfugiés passent par la mer. D’autre part, la situation dns les pays en guerre (Syrie, Afghanistan et Irak).
Samos, Athènes et ensuite ?
Mais après quelques jours ou plusieurs mois, le séjour des réfugiés dans le centre de Samos prend fin. Ils embarquent, direction Athènes. Premiers instants de liberté avec une vue sans grillage. Une liberté toute relative. Dans leurs mains, un ordre de quitter le territoire dans les 30 jours ou dans les 6 mois pour les Syriens. La Grèce, enfoncée dans la crise, découragera les réfugiés à demander l’asile chez elle, avec des procédures sans fin. Sur le pont, des Afghans préparent déjà la suite de leur voyage. « On va essayer de passer peut-être par la Macedoine, la Serbie, la Hongrie… on va voir. Le but, ce sera d’arriver en Autriche peut-être. Nous voulons trouver un pays où nous pourrons avoir une chance de trouver un travail, de faire des études. On veut trouver un meilleur endroit pour vivre ».
Le ferry quitte s’engage en pleine mer. Direction Athènes. Les réfugiés ne devraient pas s’éterniser dans la capitale grecque où ils ne sont pas mieux accueillis. Leur voyage se poursuivra dans la clandestinité, dans l’Europe entière. Un parcours chaotique à l’image de la politique migratoire de l’Union européenne, qui entre contrôle des frontières et respect des droits humains, a du mal à trouver un juste équilibre.
Fr. Gersdorff (avec C. Zenko)