MISCELLANÉES. Dans les méandres de mes voyages en Occident: la France (partie 1)

Posted on nov 25, 2014 @ 21:51

Allain Jules

alexPar Alexandre Sivov

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france-russieAvant notre révolution de 1917, l’élite russe aimait se reposer en France. C’était d’abord la noblesse, qui dépensait son argent en France, argent obtenu de leurs serfs. Après la construction des voix ferrées trans-européennes, le tourisme russe s’est démocratisé et la France a découvert les étudiants et les révolutionnaires russes. Ils étaient très influencés par des idées démocratiques françaises. L’histoire tourmentée de la France était analysée à la loupe par les révolutionnaires russes, surtout pour ne pas commettre les même fautes. Dans la bibliothèque publique de Genève (Lenine), ils étudiaient les mémoires des communards de Paris et, ces livres portent encore les notes faites au crayon par leurs propres mains. Ces livres sont maintenant la fierté de cette bibliothèque comme des empreintes de la grande Histoire passée dans ces murs.

Après la révolution bolchévique les dirigeants de l’URSS ont décidé «d’ouvrir à la masse des travailleurs, les chef-d’œuvres de la culture mondiale» comprenant surtout la culture française. Quelque part comme gratitude pour les idées d’origine française qui étaient les fondements précurseurs des idées de la révolution russe.

Les «œuvres complètes» des grands écrivains français, surtout du XIX siècle, furent traduites de façon planifiée, avec une qualité de traduction excellente. De même pour les philosophes et révolutionnaires, en URSS, on respectait surtout Marat. Les prix de vente étaient subventionnés et les œuvres à gros tirages. Travail planifié des traducteurs et rééditions sur plusieurs décennies, ce qui caractérise des dépenses publiques pharaoniques.

Moi-même j’effectue de nombreuses traductions françaises. Je sais comment les traduire en russe de façon géniale, quand chaque phrase est peaufinée avec toutes les nuances de sens et de contresens. Quand les phrases brillent comme des brilliants sous la lumière du soleil. Les traductions lentes de cette sorte sont un énorme travail de correction et une très grande dépense d’énergie et de temps. Mes rédactions me demandent maintenant d’écrire et traduire plus, mais pas de faire des traductions aussi parfaites. Donc, cette masse de traductions de l’époque de l’ex URSS de la langue française  est un véritable travail des Titan. On n’exerce plus vraiment, en Russie, de traductions pareilles.    

En ex URSS les manuels scolaires d’Histoire, dans les Instituts et les Universités regorgeaient d’analyses faite sur l’exemple de l’histoire de France, surtout celle des années révolutionnaires. Les crimes coloniaux de la France dans ces manuels n’étaient qu’effleurés. Tout comme la collaboration étroite de la France Vichyste avec l’Allemagne fasciste. La participation massive des fascistes français sur le front Est de l’Allemagne pendant la guerre contre l’ex URSS en 1941-45 – une bonne centaine de milliers de Français ou encore plus – n’était jamais mentionné.    

Il faut ajouter de plus que parfois, l’Histoire française se répandait en Russie de façon orale. L’histoire vécue du Paris de 1871 et de la Commune du Paris est raconté dans ma famille de génération en génération. Je l’ai reçu de ma grand-mère.     

Le pouvoir de l’ex URSS pensait que les films français seraient l’antidote à la production d’Hollywood et des générations de Soviétiques qui étaient élevés sur cette production cinématographique française de qualité. Hélas, très variée.

Après 1945, la vraie franco-mania des dirigeants de l’ex URSS passait au détriment d’autres cultures et histoires, parfois même révolutionnaires.

Pas un seul film de fiction vietnamienne sur la guerre de libération du Viêt-nam n’a été vu sur les grands écrans de l’ex URSS. Presque rien de l’énorme production cinématographique de l’Europe de l’Est. Pas de films chinois. Personne n’a même jamais entendu parler, en ex URSS, du film nord-coréen mondialement connu intitulé «La vendeuse des fleurs». Même la série parlant de la biographie de Rosa Luxemburg, figure culte de l’histoire de l’ex URSS, faite en Allemagne de l’Est dans les années 1980, qui était mal doublé en langue russe. Maintenant, il n’est disponible que sur Internet. Personne ne l’a pas vu à temps en ex URSS. Quelle différence entre les excellents doublages des nombreuses «Angélique» et «Fantomas»! Je constate en personne que «Rosa Luxemburg» était un vrai chef-d’œuvre du genre estampillé film biographique.

La même et pour les livres. Jusqu’au 1991 il n’est pas traduit qu’une seule œuvre vietnamiens sur la guerre de la libération – traduit et édité qu’en 1985 (!),et plus rien !

Peut-on nommer ça de la «propagande communiste», où plutôt une parodie de celle-ci ?  

Depuis 1991, l’image de la France dans les yeux des Russes éduqués n’a changé que très peu. Une telle quantité de connaissance de la culture française amassée sous l’ex URSS, parfois de façon disproportionnée,  n’a pas disparu. Ceci concerne aussi les tractations de l’histoire – la Russie contemporaine n’a ni la force ni l’argent pour refaire les fondations de la compréhension historique basée sur l’histoire de France. 23 ans n’est pas suffisant pour démanteler l’Histoire vue par les historiens soviétiques. De même que le Titanic ne pouvait pas changer tout d’un coup sa direction pour échapper au choc frontal avec un glacier pourvu déjà visible au loin….

Mais après avoir bien appris et assimilé l’image de la France connue dans nos livres, la rencontre tête-à-tête avec la France contemporaine est un choc culturo-émotionnel énorme pour un Russe. Quelque chose de vraiment stipendiant. Rien à voir avec ce qu’on attend, ni du côté historique ni côté culture, et ni du côté sociétal. Rien, vraiment rien. Nul !

 A suivre…

Alexandre Sivov